Assises du socialisme : Mitterrand-Rocard

12 octobre 1974
05m 37s
Réf. 00299

Notice

Résumé :
Première journée des assises du socialisme qui se tiennent les 12 et 13 octobre 1974 à Paris au sein de l'hôtel PLM Saint Jacques. Vues de la tribune et de l'assistance suivies d'extraits des discours de François Mitterrand et de Michel Rocard.
Date de diffusion :
12 octobre 1974
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

En mai 1974, le second tour de l’élection présidentielle voit s’affronter Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Le Parti socialiste sort, malgré la défaite, renforcé de cette élection : il ne lui a manqué que 400 000 voix. Il s’agit alors - pour les dirigeants socialistes, aux yeux desquels la victoire semble de plus en plus proche - de prolonger le mouvement d’unification des socialistes engagé depuis la fin des années 1960, avec les congrès d’Alfortville et d’Issy-les-Moulineaux  en 1969 (voir ce document) puis le congrès d’Epinay en 1971 (voir ce document). C’est le sens de l'appel au rassemblement de tous les socialistes qui est lancé le 25 mai 1975, au lendemain de l'élection présidentielle.

Le Parti socialiste unifié (PSU) de Michel Rocard est la dernière force politique importante à résister à ce mouvement d’unification mais il est sur le déclin : lors des élections législatives de 1973 il passe de 4 à 2% des suffrages. Des négociations sont donc menées, sous l’impulsion de Pierre Mauroy, afin de procéder à ce rapprochement. L’objectif est également de montrer l’ouverture du Parti socialiste, non seulement aux différents partis de la gauche non communiste, mais aussi à la société française. C’est ainsi qu’une « troisième composante » notamment constituée d’une partie de la CFDT autour d’Edmond Maire son secrétaire général, rejoint les discussions qui donnent lieu à l’organisation des Assises du socialisme qui se tiennent à Paris les 12 et 13 octobre 1974.

François Mitterrand fait cependant preuve de prudence face à ces ralliements, se méfiant particulièrement de Michel Rocard même si ce dernier vient de subir un désaveu : sa stratégie de rapprochement ayant été mise en minorité par le PSU la semaine précédente, il arrive aux Assises affaibli. François Mitterrand accepte donc le principe des Assises qu’il qualifie ici de« confluent où se rejoignent des fleuves ». Dans ce discours prononcé le jour de l’ouverture des assises, François Mitterrand met l’accent sur le prolongement nécessaire de la lutte des classes jusqu’à la victoire du socialisme. Michel Rocard insiste lui sur la nécessité de prendre en compte les questions économiques (déficit extérieur et inflation) pour résister à l’impérialisme américain.

Les Assises prolongent le mouvement d’unification mais à l’issue de la manifestation le PS reste la seule véritable force politique. Il ne valide pas le texte qui en sort et conditionne l’arrivée des nouveaux venus à ce qu’elle se fasse au sein du Parti socialiste et non dans une nouvelle structure. L’intégration des deux nouvelles « composantes » au sein du PS est définitive trois mois plus tard, lors du congrès de Pau. 

Quelques éléments bibliographiques : 

- Laurent Jalabert, « Des Assises du socialisme au congrès de Pau » in Noelline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Le Parti socialiste d’Épinay à l’Élysée, 1971-1981, Rennes, P.U.R., 2015, pp. 165-176.

- François Kraus, Les Assises du socialisme ou l’échec d’une tentative de rénovation d’un parti, Paris, Fondation Jean Jaurès, 2002, 166 p.
Arthur Delaporte

Transcription

(Silence)
François Mitterrand
S'il fallait rassurer, je le fais. Je le fais, car je sens trop combien les militants d'un communisme qui n'est pas la structure socialiste que nous même nous souhaitons, représentent en tant qu'apport indispensable d'esprit de dévouement, de capacité d'organisation, de luttes acceptées, l'immense part des militants communistes dans le monde qui ont lutté pour la libération des travailleurs
(Silence)
François Mitterrand
Quand on a analysé la transformation du monde du capital et les changements internes au monde du travail, mais surtout lorsqu'on a répété qu'au delà de ces transformations les camps restent les mêmes; C'est à dire que si l'on accepte d'examiner en commun ce qui change en refusant de perdre de vue ce qui dure, on saura que durent, au delà des vocabulaires et des commodités, inaltérable, non résolues, tant que le socialisme ne l'aura pas emporté, la lutte, la guerre, la lutte des classes. Il faut beaucoup insister là-dessus parce qu'il me semble qu'ici ou là, y compris dans nos textes, apparaissent un certain nombre de volontés qui, dans le terme philosophique du mot, sont de caractère idéaliste, et qui supposent, par définition, le problème résolu. Il ne sera résolu, car il faut le résoudre, le socialisme c'est la paix! Le socialisme c'est l'harmonie! Cela n'est possible qu'à compter du moment où un pouvoir socialiste sera en mesure de mettre un terme - il y faudra du temps, mais telle est la direction prise - un terme à la lutte des classes pour la raison fondamentale qu'il n'y aura plus d'exploiteurs. Je considère que les assises du socialisme c'est le confluent où se rejoignent des fleuves. Qui avait raison et d'où venait la source... l'histoire le dira. Mais je vous en pris, mes chers camarades, justifiez cet effort. Le fleuve va vers la mer, quel est cet océan? Des hommes libérés au travail.
(Applaudissements)
Michel Rocard
La bourgeoisie française voudrait bien abriter son déficit extérieur et son inflation derrière le bouclier américain: il est nucléaire, il est diplomatique, il est monétaire. Il faut du temps à Monsieur Giscard d'Estaing pour ce travail car il est là pour faire cela. Ce serait un tout autre problème que de reprendre le pouvoir quand nous serions devenus colonie. Des facteurs d'autonomie de l'ensemble français existent, pour quelques années, tant que nos problèmes d'inflation et de déficit extérieur ont une spécification française. L'enjeu il est là et pas ailleurs et c'est ce qui nous rassemble aujourd'hui: serons-nous capables d'assumer ces enjeux, de partir à cette victoire, d'en précipiter sans doutes les échéances. Saurons-nous utiliser ces difficultés spécifiques, c'est à cela que nous mesurerons si nous avons été à la hauteur de nos responsabilités historiques, c'est à dire à la hauteur des enjeux que le comité d'organisation avait fixé à ces assises. C'est en tout cas dans ce sens qu'avec tous les autres nous entendons ici tout faire pour que ces assises soient un succès qui ouvre cette perspective là.