Un 15 août à la Mer de Glace

22 août 1962
01m 12s
Réf. 00025

Notice

Résumé :

Ce reportage présente de manière humoristique les touristes qui profitent du 15 août pour se rendre à la mer de Glace. De nombreuses personnes tentent d'escalader les parois glacées et abruptes. A chacun sa méthode : pieds nus ou en chaussures parfois enveloppées de chaussettes de laine.

Date de diffusion :
22 août 1962
Source :

Éclairage

Le reportage du 22 août 1962 intitulé : «15 août à la Mer de Glace » diffusé dans les Actualités Françaises (1) commence par une comparaison avec le Voyage de Monsieur Perrichon dans les Alpes. Cette analogie éclaire le téléspectateur sur la volonté du réalisateur d'utiliser le ton humoristique à l'instar des photos du début du siècle montrant les touristes en difficultés sur la mer de glace. Dans cette pièce de théâtre de 1860 Eugène Labiche dresse un portrait comique de l'aventure alpine. Le bourgeois aventurier Perrichon est extrait d'une crevasse à la Mer de Glace par l'un des prétendants de sa fille. Labiche se joue ainsi des touristes urbains si peu adaptés aux territoires qu'ils veulent conquérir, des touristes inexpérimentés et naïfs qui abordent la montagne sans préparation.

À Chamonix, « l'excursion classique » à la Mer de Glace en été est depuis le milieu du XIXe siècle une aventure incontournable. Avant la construction du train du Montenvers, des centaines de muletiers accompagnaient les excursionnistes pour qu'ils puissent admirer le plus grand glacier de France et les sommets prestigieux l'environnant. Depuis la mise en service du train à crémaillère en 1909, les touristes peuvent se rendre sur le site sans aucun effort en vingt minutes. Une télécabine permet en outre depuis 1960 de descendre au niveau de la glace. Nous sommes loin de la marche d'approche souvent nécessaire en montagne pour atteindre le pied d'une voie d'escalade ou d'un site spectaculaire, mais plutôt dans le cadre d'une « attraction » semblable à la visite de la tour Eiffel ou du château d'If à Marseille.

Les choses se compliquent comme le souligne le commentateur : « chose étrange le spectacle ne leur suffit pas », lors de la tentative des touristes de se colleter à la glace et de s'y déplacer malgré les difficultés objectives, la pente, les rochers, les crevasses, et surtout la glace, sans équipement adapté. Aux expressions pompeuses qui veulent renvoyer au registre de l'épopée : « difficultés du Grand Nord, joies profondes de la banquise, vérité des hautes cimes » répondent la simplicité des « pieds nus » et « d'une vieille chaussette de laine » destinée à jouer le rôle de crampons. Les recettes issues de la sagesse populaire permettront-t-elles à ces excursionnistes de ramener une carte postale montagnarde sans accident ? La notion de sécurité est totalement inexistante de même que la préparation et l'encadrement par des professionnels.

Loin de porter casques, chaussures de montagne, pantalons ou anoraks (sans parler de l'équipement standard de l'approche glaciaire en alpinisme comprenant piolets et crampons), les plus téméraires de « ces mordus de la montagne » n'hésitent pas à aller pieds nus ; les dames en robes d'été, gilets et chaussures légères, arborent tenues de ville et sacs à mains. Ici, l'élégance de la femme répond aux normes de la féminité et non à celle de l'alpinisme. Il faut porter assistance aux exploratrices, ce à quoi se consacrent exclusivement les messieurs qui ne sont d'ailleurs pas plus à l'aise sur la glace que leurs compagnes. Les pas précautionneux des uns et des autres semblent remettre les deux sexes au même niveau dans ce milieu hostile ou du moins peu familier pour ces urbains. Mais le traitement journalistique de la femme dans le sport pose souvent un regard traditionaliste sur elle. Comme dans la société elle reste le « deuxième sexe » selon Simone De Beauvoir (1949).

(1) Les « Actualités Françaises » font partie des collections d'archives d'actualités cinématographiques conservées par l'INA. L'ensemble de ces documents a fait l'objet d'une restauration de l'image et du son opérée par les équipes de l'INA. Ces films étaient diffusés dans les salles de cinéma sous les dénominations suivantes :

- Les « Actualités mondiales » (août 1940 – août 1942), version pour la France du journal allemand de l'UFA, seul journal cinématographique visible dans la zone occupée. En « zone libre » un journal cinématographique est édité d'octobre 1940 à août 1942 sous le contrôle étroit du régime de Vichy : le journal de France–Actualités Pathé.

- « France Actualités » (août 1942 – août 1944) : ces actualités du régime de Vichy sont diffusées sur tout le territoire et, à capitaux français et allemands, elles marquent l'engagement plus profond du gouvernement de Vichy dans la collaboration.

- « France Libre Actualités » (septembre 1944 – décembre 1944), journal cinématographique fondé en coopérative par plusieurs comités de Résistance.

- Ce journal d'actualités prend le nom « d'Actualités Françaises » à partir de janvier 1945 et sera diffusé dans les salles de cinéma jusqu'en février 1969.

Dorothée Fournier

Transcription

(Musique)
Journaliste
Du beau travail aussi mais qui rappelle davantage Le Voyage de Monsieur Perrichon , c’est l’excursion classique à la mer de glace. Le 15 août, profitant du beau soleil d’été, les touristes affamés de glissades se précipitent vers ces solitudes glacées mais accessibles. Chose étrange, le spectacle ne leur suffit pas. Il faut à ces mordus de la montagne le contact direct avec les difficultés du Grand Nord, les joies profondes de la banquise, la vérité des hautes cimes éternellement glacées, et voilà ce que cela donne.
(Musique)
Journaliste
Il y a celles qui font confiance aux pieds nus.
(Musique)
Journaliste
Et celles qui, prudentes, préfèrent envelopper leurs chaussures d’une vieille chaussette de laine prévue pour cet usage.
(Musique)
Journaliste
Ah, les joies de la mer de glace !
(Musique)