Albanne et la station des Karellis

31 décembre 1975
02m 37s
Réf. 00056

Notice

Résumé :

Le Maire de Montricher-Albanne, Aimé Pasquier, a pris contact avec l'association Renouveau, spécialiste en animation et gestion d'ensembles de vacances, dans le but de créer une station à caractère social. 18 mois de travaux ont permis l'ouverture d'un village de 900 lits. Afin d'attirer un maximum de personnes, la station propose divers avantages : la gratuité des remontées mécaniques ; de nombreuses animations ; l'abaissement des frais de séjour.

Date de diffusion :
31 décembre 1975
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Éclairage

En décembre 1975 s'ouvre la station de ski des Karellis, sur les alpages de la commune de Montricher, au-dessus de la vallée de la Maurienne à 1763 mètres d'altitude. Cette station de ski est « à visée sociale ». L'extension des congés payés, associée à une extraordinaire amélioration du pouvoir d'achat au cours des Trente Glorieuses, a permis l'essor d'un tourisme populaire. Appuyées sur des associations conçues pour s'adresser aux comités d'entreprise (ordonnance du 22 février 1945), les confédérations syndicales développent un « dispositif vacancier » . L'association de tourisme social et familial Renouveau, fondée en 1954 à Chambéry, propose ainsi des « vacances économiques » . Elle a déjà à son actif plusieurs villages édifiés grâce au soutien d'aides publiques ou parapubliques et à l'engagement associatif de ses membres. En s'associant à Renouveau, la commune de Montricher cherche, dans le tourisme, un moyen de freiner son dépeuplement et son vieillissement.

Les Karellis doivent être en effet l'instrument d'un nouvel essor économique : « l'avenir d'Albanne dépend donc de l'avenir des Karellis » commente ainsi le maire, Aimé Pasquier. La première personne interrogée l'assure, « il s'agit de faire se développer une commune sur le plan économique, social et culturel » quand le second témoin insiste pour dire que les emplois créés le sont essentiellement pour les gens de la commune puisque « sur 120 emplois actuellement dans la station, il y en a 90% qui sont tenus par des gens de la commune ». Ce gisement d'emplois repose essentiellement sur la mise en place d'une station de ski intégrée. Les nombreux plans sur la station suggèrent un tel modèle : implantation décidée sur un plan circulaire en amphithéâtre autour d'un point de ralliement (le forum), constructions massives quoique mieux intégrées au « paysage », destinées à loger beaucoup de monde sur un site étroit, commerces sur le forum avec en arrière-plan une montagne « vierge ». Le projet des Karellis s'inscrit bien dans la continuité des espoirs mis dans les années 1960 dans les stations intégrées qui, sur le modèle de Courchevel, devaient apporter aisance économique aux communes montagnardes et essor touristique à la France. De ce point de vue là, le projet des Karellis n'apparaît guère nouveau.

La nouveauté réside davantage dans le « caractère social et familial de la station », même si Courchevel, station savoyarde, avait aussi – on peut s'en étonner – au départ une vocation sociale. La station des Karellis n'a pas été confiée aux soins d'une société privée. Montricher-Albanne reste propriétaire des terrains. Les constructeurs sont tous des associations (Loisirs Picardie, Horizons nouveaux, Léo Lagrange, Arc en ciel, Vacances PTT). Ils doivent construire des villages de vacances. La gestion est « coopérative ». Les prestations rappellent que la clientèle visée est modeste : « gratuité des remontées mécaniques », « abaissement de 50% des frais de séjours ». Les images donnent la mesure du caractère familial de ceux qui sont nommés les « adhérents » et non les clients : plans sur des enfants qui descendent en luge ; sur une famille à la terrasse d'un café, etc. Les longs développements sur l'animation culturelle disent encore les intentions de Renouveau. Il s'agit non seulement d'échapper à la loi du profit en « rendant des services » mais également de promouvoir les éléments d'une culture (plutôt classique à en juger par les images) légitime qui participe de la dignité populaire. Ce n'est pas pour autant un tourisme « au rabais ». La caméra s'attarde à plusieurs reprises sur des bâtisses et des remontées mécaniques de qualité.

Le reportage s'achève sur un petit garçon qui descend une pente en luge, image qui entend prédire le succès futur de la station. Si cette dernière défend encore cette structure aujourd'hui, le modèle social et coopératif qu'elle promouvait n'a guère essaimé.

Pour aller plus loin :

- Pattieu Sylvain (2009) La « vie de château » ou les gains symboliques du tourisme populaire, France, 1945-années 1980. In : revue d'histoire moderne et contemporaine, n°56-2. p.52-78.

- Rauch André (2001) Vacances en France : de 1830 à nos jours. Paris : Hachette Littérature.

Isabelle Gaillard

Transcription

Aimé Pasquier
L’avenir d’Albanne dépend donc de l’avenir des Karellis, hein. Je pense qu’il est un peu tôt pour juger l’action qui vient de démarrer environ il y a 10 jours, mais j’espère que dans un avenir qui n’est pas très lointain, Albanne sera englobée dans ce contexte.
Raymond Leleu
C’est alors que les contacts furent pris avec l’association Renouveau, spécialisée dans la gestion et l’animation d’ensembles de vacances, sans but lucratif. Il s’agissait, pour la première fois en Europe, de créer de toutes pièces une station de ski à caractère social et familial, grâce à des formules coopératives Loi 1901.
Intervenant 1
Il ne s’agit pas de faire des affaires, mais il s’agit de rendre des services, et il s’agit de faire se développer une commune sur le plan économique, social et culturel.
Raymond Leleu
18 mois de travaux, réalisés uniquement par les artisans du pays, permirent d’ouvrir, il y a tout juste 10 jours ce nouveau village de 900 lits.
Intervenant 2
L’insertion de la commune dans l’opération a été très importante. En effet, sur 120 emplois actuellement dans la station il y en a 90% qui sont tenus par des gens de la commune. Et la formule coopérative des commerces, développée au forum, n’est tenue que par des gens du pays, disons, en formule coopérative dans le cadre donc de l’union coopérative des Karellis.
Raymond Leleu
Entre autre avantage, la gratuité des remontés mécaniques, l’abaissement de 50% des frais de séjour, et une animation exceptionnelle propre au village. Cette animation prend différentes formes.
Intervenant 3
Oui, elle prend effectivement différentes formes, mais c’est surtout une forme de participation que nous recherchons ici aux Karellis. Et notamment, sous forme de débats, de carrefours, de présentations de spectacle, où les gens peuvent également proposer aussi des spectacles et des animations.
Raymond Leleu
Et la radio, qu’est-ce que c’est, pour vous ?
Intervenant 3
La radio pour nous, c’est un moyen de communication essentiel entre les adhérents.
Raymond Leleu
Telle est la nouvelle orientation d’une commune savoyarde qui a su se donner de nouvelles structures pour l’accueil en toute saison d’hôtes adhérents, rendant vivant un forum, à la fois carrefour de rencontres et ouverture sur la vallée. Peut-être est-ce là un symbole pour l’aménagement de la montagne à l’aube de l’année nouvelle.