La station village de Bellevaux

21 mars 1984
02m 45s
Réf. 00066

Notice

Résumé :

Le reportage est centré sur la station de Bellevaux dont les infrastructures d'accueil ont été construites sans l'intervention de promoteur. Les habitants de Bellevaux ont constitué une SCI (Société Civile Immobilière). La croissance immobilière est malgré tout insuffisante par rapport au nombre de skieurs chaque année. Le tourisme représente une des rentrées d'argent les plus importantes du village.

Date de diffusion :
21 mars 1984
Source :
FR3 (Collection: JT FR3 Alpes )
Personnalité(s) :

Éclairage

Dans ce reportage de mars 1984, l'édition régionale du journal télévisé de France 3 s'intéresse au développement de la station de Bellevaux, une de ces stations village de Haute-Savoie sortie de terre dès les années 1960.

Initié à compter des années 1930, le développement des stations s'est, après-guerre, fortement intensifié. Fleurons de l'industrie française de la neige, les stations intégrées ont bénéficié dans les années 1960 de la mise en œuvre du Plan Neige pour affirmer leur modernité au travers de leurs principes d'aménagement. Cependant, si ce modernisme insufflé en montagne par ces stations intégrées est fréquemment porté sur le devant de la scène, le développement parallèle d'autres stations sur des modèles variés est loin d'être anecdotique. Bellevaux est ainsi l'exemple caractéristique de cette catégorie de station village, dont le développement s'est réalisé hors de la présence d'un promoteur unique et a, au contraire, été permis par l'impulsion et l'implication de différents acteurs locaux.

Malgré l'initiative locale, l'appropriation de ce développement ne s'est pas fait sans heurt, les sentiments locaux oscillant entre résignation et soulagement. Une résignation car les pentes communales n'ont pas retenu l'attention du Service d'Études et d'Aménagement Touristique en Montagne (SEATM), sésame pour l'octroi de financements publics conséquents. Une satisfaction par contre car les populations n'ont par là-même pas eu à connaître le sentiment de spoliation par des promoteurs tout-puissants, spoliation dénoncée à compter des années 1975 alors que les promoteurs se sont vu reprocher leur manque de prise en compte des intérêts et des savoirs locaux.

Les promoteurs écartés, ce sont donc les habitants, au premier rang desquels Jean Rey, maire de Bellevaux et Marcel Bergoen, Président de la société d'exploitation des remontées mécaniques, tous deux interviewés dans le reportage, qui se sont attelés à créer cette station de ski éponyme. Société Civile Immobilière (SCI), Société d'Équipement Sportif et d'Aménagement du Téléski (SESAT), les villageois se regroupent, élargissent leur activité traditionnelle agricole en intégrant dans leur classique pluriactivité des activités touristiques : ils créent ainsi hôtels, pistes, remontées mécaniques. Du fait de l'apport en capital initialement limité, la station se modèle doucement, mais 20 ans après la pose des premières pierres, les skieurs disposent de tous les équipements nécessaires à la pratique du ski. Toutefois, il est surprenant de constater que si le potentiel de ces stations est valorisé, les images du reportage nous montrent des domaines skiables bien différents de ceux des stations de 3ème génération. On est en effet bien loin des télésièges et des skieurs chevronnés. Ici, au contraire, c'est l'atmosphère paisible du village qui est filmée en arrière-plan des interviewés, et ce sentiment de quiétude se trouve renforcé par des plans de la caméra sur le domaine skiable ne montrant que des téléskis et des pistes où évolue une clientèle majoritairement composée de scolaires et de familles.

Malgré cet équipement limité, les voies de développement de la station n'en sont pas pour autant oubliées. Les stations implantées à proximité offrent ainsi des perspectives alléchantes, permettant de décupler l'offre de ski alpin tout en épargnant les capitaux locaux déjà largement sollicités. C'est donc sur un modèle de station reliée que la commune espère bien se tourner, perspective qui sera d'ailleurs confirmée avec la naissance de la station de ski de Bellevaux-Hirmentaz.

Pour aller plus loin :

- Cognat Bruno (1973) La montagne colonisée. Paris : Éd.du Cerf., 94p.

- Perret Jacques (1992) Le développement touristique local - les stations de sports d'hiver. Th. doct de l'Université Pierre-Mendès France, Grenoble 2.

Coralie Achin

Transcription

Christian Chabalier
A 20 kilomètres des rives du Léman, Bellevaux regroupe 30 hameaux sur 5000 hectares et un millier de personnes qui ont décidé, il y a une vingtaine d’années, de prendre en charge le tourisme alpin dans ce massif du Haut-Chablais. Aujourd’hui, une quarantaine de kilomètres de pistes ont été aménagés, avec à leurs pieds à Hirmentaz et à la Chèvrerie, toute l’infrastructure d’accueil sans l’intervention d’un promoteur.
Jean Rey
On a toujours écarté les promoteurs.
Christian Chabalier
Pourquoi ?
Jean Rey
Parce qu’on pensait, on a eu des exemples où on leur concédait des terrains de grande surface pour des prix symboliques, et la population, en définitive n’y avait pas beaucoup d’intérêt, sinon elle l’aurait gardé. Alors nous, on pensait que compte tenu de notre population qui est quand même dynamique, on souhaitait, on souhaite que les gens prennent part et développent des commerces. Voilà pourquoi on a toujours écarté les promoteurs. Maintenant évidemment, ça se développe peut-être moins rapidement, mais enfin, ça se développe avec les gens du pays.
Christian Chabalier
Exemple d’initiative, la constitution d’une SCI par les habitants de Bellevaux, et la construction, l’an dernier, d’un immeuble de 27 appartements, aujourd’hui tous vendus. La construction d’un nouvel hôtel, qui vient s’ajouter aux huit hôtels déjà existants, l’implantation de homes d’enfants qui accueillent un millier de scolaires ; mais cette croissance immobilière reste insuffisante par rapport au nombre de skieurs qui utilisent ce domaine, où l’on compte 19 remontées mécaniques.
Marcel Bergoen
La société des remontées mécaniques dénommée SESAT a été donc formée en 63, elle a 20 ans, on a 34 employés dont 2 permanents.
Christian Chabalier
Alors est-ce que ça n’a pas été difficile financièrement puisque c’est communal, ce n’est pas privé ?
Marcel Bergoen
C’est-à-dire, on les construit sur les terrains communaux, mais c’est une société privée donc, des gars de la commune. On a démarré avec peu, peu de finance, et on arrive à rembourser nos annuités et payer nos employés.
Christian Chabalier
Pour éviter une pression fiscale trop lourde, on favorise les investissements directement producteurs de ressources. Le tourisme constitue un ballon d’oxygène, un tiers des agriculteurs ont une activité dans ce tourisme et les projets d’extension ne manquent pas.
Monsieur Lejeune
Vous avez là le Roc d’Enfer, qui correspond en arrière avec Saint-Jean-d’Aulps et Les Portes du Soleil, qui permettraient de faire une station très importante, rejoignant donc Saint-Jean-d’Aulps, Sommand, Praz-de-Lys.
Christian Chabalier
Il y a d’autres projets avec les Brasses et du coté de Terramont, mais les Savoyards sont des gens patients. Plutôt qu’une extension rapide, à Bellevaux, on a opté pour une croissance raisonnable.