Les goûters en alpage à Châtel

18 août 1977
02m 42s
Réf. 00106

Notice

Résumé :

Le village de Châtel, en Haute-Savoie, organise des goûters en alpage lors desquels les vacanciers, souvent venus de la ville, peuvent découvrir des produits locaux (fromage, miel, charcuterie, etc.). C'est aussi l'occasion pour eux de découvrir la vie à la campagne, et pour les montagnards d'expliquer leur mode de vie, les traditions.

Date de diffusion :
18 août 1977
Source :

Éclairage

Au journal rhônalpin du soir, FR3 diffuse un reportage sur une pratique nouvelle « les goûters en alpage » alliant caractère économique et patrimonial. Le reportage se déroule à Châtel, une station haut-savoyarde du Chablais (Val d'Abondance), située à 1200 m et frontalière avec le Valais suisse. Depuis le début des années 70, cette station de moyenne altitude connaît un développement rapide et important de ses installations pour le ski après avoir été une station estivale familiale se différenciant de ses deux voisines, Thonon et Evian. Elle a signé en 1975 la convention lui permettant de rejoindre le domaine franco suisse des Portes du Soleil devenu depuis les années 80 une des plus grandes stations alpines. En collaborant à cette initiative, la famille à laquelle le reportage est consacré ne se contente pas d'adapter la mise en valeur économique de sa production mais lui confère un caractère patrimonial dans une période où s'affirme cette dimension, particulièrement dans le monde rural et alpin. A cette même époque par exemple, l'association Paysalp développe le « musée paysan » de Viuz en Sallaz, non loin de Châtel.

Le reportage suit pas à pas la sortie organisée par un accompagnateur pour le compte de l'office du tourisme. On apprend plus tard dans le reportage que ces visites en alpage datent de quelques années : sortie familiale sur un sentier de randonnée accessible qui gagne un chalet d'alpages caractéristique où même le chien basset (tenu en laisse) accompagne ce groupe de touristes aux âges variés dont l'accent et les tenues révèlent l'extériorité à la région. Cette sortie est qualifiée d'écologique et de gastronomique par le journaliste, en phase avec les tendances en cours mais elle est aussi un réel apport financier pour les agriculteurs qui participent à cet accueil d'un genre nouveau, dans l'esprit des accueils à la ferme et des gîtes auberges alors en plein développement. Devant le chalet, une table a été dressée avec goût, qui offre à la dégustation l'ensemble des productions locales : fromages, (un fromage dit de chèvre le Serac (1) mais aussi la tome, fameux fromage d'Abondance - qui obtiendra son AOP en 1990), miel, confitures de myrtilles, saucissons. Poursuivant sa mission pédagogique (apprendre aux touristes la montagne et le mode de vie de ses habitants), le guide commente la fabrication, avec quelques compléments apportés de manière timide par l'agricultrice. Cette dame en tablier fleuri explique qu'elle se sent plus à l'aise pour accueillir des touristes, faisant devant eux et devant la caméra les quelques gestes attendus évoquant la fabrication des productions locales, alors qu'une femme beaucoup plus jeune et dans une tenue analogue à celle des vacanciers assure l'intendance. Si les questions ressemblent à celles que posent les touristes : le miel est-il d'ici ? et la plaisanterie du guide sur la production de l'année suivante que les touristes voient encore sur pied (le cochon) suscitant quelques rires de connivence, le sommet de cette reconstitution à l'usage d'un public captif tient dans le chant d'un homme âgé, portant béret et chemise à carreaux. Celui-ci entonne visiblement pour le « spectacle » avec une voix un peu tremblante un chant nostalgique du début du siècle (XXème). Ainsi les touristes ont-ils l'impression, lors de cette séquence qui leur est proposée, de redécouvrir les montagnes « comme il y a 50 ans ». Le journaliste insiste sur le rapprochement entre touristes et habitants que permettent ces initiatives, mais la caméra ne montre pas les vaches pourtant essentielles dans l'activité agropastorale, ressource de ces territoires. L'élevage ne semble être là que pour l'accueil du touriste et non plus se réaliser dans ce chalet d'alpage : une patrimonialisation (2) en cours d'un mode de vie mais un apport économique bien réel pour les producteurs et pour la commune, que le sourire de l'homme âgé qui a rempli son rôle, suggère !

(1) En réalité, ce que d'ailleurs la propriétaire du chalet rectifie, il s'agit d'un fromage maigre, réalisé avec le petit lait ou lactosérum de vache, partie résiduelle issue de la production des fromages « nobles » comme les gruyères et autres fromages à pâtes cuites. Appelé également fromage du « pauvre », il était consommé par les familles locales qui réservaient pour la vente les productions « nobles ».

(2) Voir le parcours dédié sur le patrimoine. A la différence du patrimoine qui concerne les éléments naturels et culturels, ayant une valeur culturelle, politique, économique ou symbolique, qui sont transmis aux générations suivantes pour permettre la continuité de la vie et de la société, suggérant évolution et modification, la patrimonialisation est un processus qui tend à figer et fixer à un moment donné un élément pour qu'il soit conservé comme référence d'un mode de vie, de pensée, de culture, selon les critères socio-politiques de ceux qui l'érigent en objet patrimonial. A partir des années 70, l'engouement pour le patrimoine dans toutes ses dimensions tend à considérer que tout doit être « gardé » et la patrimonialisation semble être une caractéristique des sociétés occidentales actuelles.

Anne-Marie Granet-Abisset

Transcription

Choupin Joseph
Pour occuper les touristes, Châtel dans la Haute Savoie organise des goûters dans les chalets d'alpage. Ces promenades, à la fois écologiques et gastronomiques permettent aux citadins de faire connaissance avec les fermiers de haute montagne. Laissons-nous conduire à 1600 mètres d'altitude, il y fait si bon.
(Bruit)
Interviewer
Vous savez comment on appelle ce fromage là ?
Touristes
Non. Non.
Guide
Le Sérac ! Le Sérac c'est un fromage de chèvre très très maigre. Comment on le fait le Sérac vous savez ?
Fermière
Comme on fait la tomme de chèvre. Avec le petit-lait et puis on y remet un peu de lait comme ça. Et puis on y fait bouillir. Et on y ramasse.
Guide
Voilà.
Touristes
C'est un fromage maigre.
Guide
Très très maigre. Et ça bien sûr le saucisson. On verra tout à l'heure le cochon, un peu plus loin là bas, dessous. On vous montrera celui que vous allez manger l'année prochaine.
Touristes
Rires.
Touriste
Et le miel il est d'ici.
Fermière
Oui oui.
Touriste
Et vous en vendez ?
Fermière
c'est à dire que là c'est la fin.
Choupin Joseph
Confiture de myrtille ?
Fermière
Oui oui de la myrtille.
Guide
Est ce qu'il y a du lait ?
Intervenante
Oui oui oui. Bien sûr.
(Bruit)
Choupin Joseph
Mais qu'est ce qui motive ces relations citadins alpagistes ?
Touriste
Nous aimions connaître la vie des gens de la montagne. Voir comment ces gens là vivaient il y a cinquante ans, comme il y a cinquante ans.
Choupin Joseph
Il fallait une balade organisée ?
Touriste
Oui c'est vrai parce que les guides nous ont fourni beaucoup d'explications sur les choses de la montagne que nous ne connaissions pas.
Choupin Joseph
Et ça vous donne envie de venir vivre dans cette région ?
Touriste
Mais certainement, mais oui mais oui. C'est une région que j'apprécie beaucoup.
Choupin Joseph
Madame est ce que c'est difficile d'acceuillir les vacanciers ?
Fermière
Non maintenant on commence à être habitué. Il y a quelques années qu'on les voit alors.
Choupin Joseph
Ils venaient déranger vos habitudes ?
Fermière
Non. Avant on était plus gênés mais maintenant ça nous fait rien.
Choupin Joseph
Vous avez l'impression que ça vous rapproche du village ?
Fermière
Ah oui ça nous rend moins sauvages. D'abord on voyait pas tellement d'estivants. Maintenant ça va.
(Musique)
Touristes
Bravo, bravo.