Allevard les Bains

1900
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Réf. 01000

Notice

Résumé :

Affiche publicitaire de la compagnie des chemins de fer PLM (Paris Lyon Méditerranée) vantant les mérites de la station thermale d'Allevard les Bains. Cette affiche provient du fonds iconographique du Musée dauphinois.

Type de média :
Date de diffusion :
1900

Éclairage

Depuis que les trains contribuent au développement du tourisme balnéaire et montagnard, les compagnies de chemin de fer participent à la publicité des stations, un moyen de faire leur propre promotion. Il en va ainsi de la compagnie PLM (Paris Lyon Méditerranée) une des six principales compagnies créées en 1859 reliant en étoile Paris aux grandes métropoles (1), puis à partir des années 1870 les stations touristiques, jusque là moins desservies. Dans la lignée du Plan Freycinet qui voulait que chaque sous-préfecture ait sa ligne de chemin de fer, les stations touristiques restées à l'écart profitent de l'engouement grandissant pour les loisirs et de l'obligation pour ces compagnies de supporter les lignes moins rentables. Il en va du PLM, une des plus fameuses, qui relie à la fois les grandes métropoles (Lyon, Marseille), mais aussi les principales destinations touristiques, assurant également la promotion de quelques grandes routes alpines historiques, dont la route Napoléon ou la route du Léman à la Méditerranée. Durant la fin du XXe siècle et au début du XXe siècle, cette compagnie produit une série d'affiches vantant les destinations et les stations réputées, mais aussi les circuits, associant train et car automobile.

Datée des années 1900, cette affiche est destinée à louer la station thermale d'Allevard, moins réputée que sa grande et prestigieuse voisine Aix les Bains, mais qui tend à rejoindre dans la notoriété les stations plus proches, Challes les Eaux (Savoie) et Uriage (Isère). A l'instar de la plupart des stations thermales régionales, son développement tient à la découverte de ses sources d'eaux chaudes, particulièrement soufrées (rôle pour les affections rhumatologiques et les voies respiratoires et la sphère ORL) et au rôle de certains médecins qui en comprennent l'intérêt médical avant même d'y associer l'apport touristique. Pour Allevard, à la fin des années 1840, les deux fondateurs ont pour nom Bernard Niepce et Pierre Villiot. A partir de 1882, moment de sa forte expansion, la station est reprise par la Compagnie générale des Eaux minérales et des Bains de mer, ce qui explique sans doute l'affiche que lui consacre le PLM quelques années plus tard.

De facture classique pour l'époque, l'image proposée cible les atouts et la clientèle recherchée par la station, bourgade à la taille modeste (2500 habitants au tournant du siècle), située dans un environnement rural et dans un cadre montagnard. Si le dessin rend compte des paysages, en particulier les gorges de la Breda au débouché desquelles la cité s'est installée et le massif de Belledonne enneigé à l'arrière-plan, l'allure verdoyante et les contreforts préalpins aux pentes mesurées et travaillées pourraient laisser penser à un paysage suisse, encore et toujours la référence en ce domaine. La vignette insérée au premier plan identifie la station par son vaste bâtiment thermal (construit en 1890), à la facture classique avec son parc d'agrément réservé aux curistes et autres « buveurs d'eau » alors que le second plan dépeint la clientèle et les loisirs proposés. Utilisant les traineaux aux patins adaptés à la pente, habituellement destinés au transport du fourrage, les paysans devenus conducteurs de ces « engins » pittoresques, décorés pour l'occasion, promènent des femmes de l'aristocratie et de la bourgeoisie, clientèle classique des stations thermales, que leurs tenues et leur allure identifient comme telles. A l'instar de ses voisines, Allevard s'enorgueillit d'accueillir une clientèle internationale, huppée et diversifiée : le duc d'Aumale, la famille de Lucien Bonaparte et à partir des années 1880, principalement des hommes politiques, des artistes et comédiens dont Edouard Herriot, Eugène Rouher, le sénateur Scheurer-Kestner, Mgr Dupanloup, les princes Lambsdorff, Wolkonsky, Bibesco, Jules Massenet, les frères Lumière et Nadar, Hippolyte Flandrin venu en voisin ou Kees van Dongen, entre autres célébrités. Un illustre curiste Alphonse Daudet a dépeint Allevard, situant là une partie de son roman Numa Roumestan,. « Je viens d'aller boire mon demi-verre à la source (...) Mais ce que je ne puis te rendre, c'est le formidable bruit, le torrent jaillissant dans les pierres, le marteau à vapeur d'une scierie qu'il active, et, dans l'étroite gorge, sur une route unique, toujours encombrée, des tombereaux de houille, des bestiaux en file, des cavalcades d'excursionnistes, des buveurs qui vont et qui viennent» (2). Effectivement l'affiche qui privilégie l'aspect champêtre et harmonieux gomme complétement une des activités majeures et plus anciennes encore de la cité, et un élément de sa notoriété : la production métallurgique (depuis les martinets (3) installés sur le cours du Breda), avec les hauts fourneaux et les forges qui emploient à la fin du 19ème siècle quelques 700 ouvriers, exportant en Europe un acier de qualité, sans parler d'une usine de soie qui fait travailler de nombreuses ouvrières (peut-être représentée par le bâtiment en arrière plan de la vignette).

Le décalage entre les touristes-curistes et les habitants est bien symbolisé sur cette affiche dans la scène du traîneau : Certes le paysan devenu cocher, trouve là une activité complémentaire par le tourisme. Mais son infériorité sociale est imprimée sans toutefois atteindre le regard péjoratif répandu dont A. Daudet se fait l'écho : « j'oubliais l'apparition, au seuil des maisons misérables, de quelque horrible crétin mâle ou femelle étalant un goitre hideux, une grosse figure hébétée, la bouche ouverte et grognante. Le crétinisme est une des productions du pays » : un motif largement transmis par les images et un mythe bien tenace.

(1) Au départ, ce sont surtout les régions minières et sidérurgiques qui sont desservies.

(2) A. Daudet, Numa Roumestan, Paris, 1882, p. 120-121.

(3) Machine conçue pour utiliser l'énergie hydraulique pour l'industrie métallurgique.

Bibliographie :

- Penez Jérôme (2004) Histoire du thermalisme en France au XIXe siècle : eau, médecine et loisirs. Economica.

Anne-Marie Granet-Abisset