Une ferme modèle en Vendée

14 janvier 1983
04m 06s
Réf. 00023

Notice

Résumé :
Guy Rousseleau a installé une vidéo-surveillance pour son bétail, un important gain de temps et de qualité de vie pour lui, ainsi qu'une stabulation à nettoyage automatisé en groupant son cheptel autrefois dispersé en plusieurs lieux. Cette industrialisation de son élevage est permise par un plan de développement et grâce aux artisans locaux.
Date de diffusion :
14 janvier 1983
Source :
Personnalité(s) :
Lieux :

Éclairage

La prédominance du modèle économique de l’exploitation familiale de petite ou moyenne superficie peu spécialisée a constitué l’un des principaux freins à la modernisation de l’agriculture française depuis le XIXe siècle. Dès les années 1950, des Syndicats d’intérêts collectifs agricoles destinés à l’amélioration de l’habitat rural (SICA HR) avaient été créés pour rattraper un retard dans les structures qui avait déjà pointé du doigt par les spécialistes de l’économie rurale et certains décideurs politiques durant l’entre-deux-guerres ; cependant, le mouvement de modernisation ne s’est réellement opéré qu’à partir des années 1960 avec le lancement de la Politique agricole commune (PAC).
Hormis celles situées dans le riche cœur du Bassin parisien, les fermes françaises étaient fréquemment dépourvues de la plupart des éléments assurant des conditions de vie modernes à leurs habitants (chauffage central, électricité, eau courante, salle de bains, toilettes, appareils ménagers) et avant de penser au bien-être des animaux et à l’efficience du travail à l’étable, les agriculteurs devaient déjà penser au confort de leur famille. Aussi, note-t-on qu’à partir des Trente Glorieuses les agriculteurs hexagonaux considèrent avec intérêt les reportages consacrés aux modernes exploitations hollandaises, allemandes, danoises, anglaises et naturellement américaines dont ils peuvent découvrir les aspects techniques dans les revues agricoles spécialisées, voire même parfois à la télévision.
Cet état d’esprit tourné vers l’innovation et la modernité est porté très haut par l’éleveur bovin interviewé dans ce reportage tourné dans la campagne vendéenne en 1983. Ce dernier apporte dans ses explications bien des détails montrant qu’il a analysé les interactions entre sa vie familiale, sa forme physique et la productivité au travail et qu’il en tire des conséquences pratiques pour l’organisation de son exploitation. Il apporte une démonstration éclatante de cette compréhension du bon usage de la technologie avec l’usage de la vidéosurveillance adaptée à la surveillance du cheptel, et particulièrement des vaches sur le point de vêler. Le recours à la vidéo constituait à l’époque un moyen d’avant-garde qui est encore loin d’être généralisé trente ans plus tard en dépit du coût désormais relativement modique des petites caméras numériques à haute définition capables de filmer y compris dans l’obscurité. 
La poursuite de l’amélioration constante des exploitations agricoles se poursuit de nos jours sous l’égide du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) dont le volet français piloté par le ministère de l’Agriculture dans le cadre du programme de développement rural hexagonal (PDRH) ; il s’agit désormais de convertir les exploitations aux normes environnementales en les incitant à produire leur énergie renouvelable (panneaux solaires, éoliennes), à ne plus polluer les sols, à limiter les nuisances olfactives, etc.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

bruit
(bruit)
Journaliste
Guy Rousseleau a 31 ans et déjà 10 années de pratique professionnelle derrière lui. Ses débuts ont été ceux d’un jeune agriculteur bien ordinaire qui a repris la succession de son père et n’a jamais pu compter que sur son travail pour aller de l’avant. Son cheptel, il se l’est constitué lui-même et sa terre, il la loue.
Guy Rousseleau
Compte-moi combien qui n'en reste, 75, présents…
Journaliste
Guy Rousseleau avait aussi un rêve, installer un système vidéo dans son étable. Ce système vidéo, est-ce que c’est un gadget, ou bien est-ce que c’est vraiment important pour vous ?
Guy Rousseleau
Pour moi, c’est certainement très important. Parce que ça m’évite beaucoup de promenades nocturnes, surtout avec 50 vaches à faire les vêlages, il faut être du 15 janvier au 15 mars continuellement sur, entre la maison et la stabulation pour surveiller. Quand ce n’est pas une fois par nuit, c’est deux ou trois fois selon ce que les vêlages se présentent, ça dépend. Bon, moi ce truc-là va m’éviter quand même beaucoup de promenades nocturnes, comme je vous le disais, parce que bon, j’estime que quand on a fait une journée de travail, on a quand même besoin de sa nuit pour se reposer. Mais j’estime que avec ce truc-là, en appuyant sur le bouton, je verrai s’il y a eu lieu d’intervenir ou pas.
bruit
(bruit)
Journaliste
Incontestablement, Guy Rousseleau est un homme qui a l’intelligence de son métier. Mais c’est à 200 mètres de sa maison que vous découvrirez véritablement son âme. En fait, nous ne sommes plus ici sur une exploitation d’élevage traditionnelle mais plutôt dans une PME spécialisée dans la fabrication d’un produit vivant, la viande de charolais.
bruit
(bruit)
Guy Rousseleau
En faisant un bâtiment comme ça, là, j’ai gagné beaucoup de temps. J’ai gagné surtout une surveillance accrue de mon cheptel. Parce que il faut que je vous dise, que mes 130 bêtes, mes 130 têtes de bovins que j’ai à l’heure actuelle, je les avais dans sept bâtiments différents, éloignés de 3, 400 mètres les uns des autres. C’était une vie impossible et j’avais une très, très mauvaise surveillance. Le principal problème pour moi était surtout d’avoir des animaux partout. Mais c’était surtout le nettoyage qu’il fallait faire manuellement, ça, c’était très pénible. Et pour donner à manger aux animaux, c’était tout manuel aussi, il fallait absolument mettre tout ça dans des baquets et porter à chaque place, dans chaque coin d’écurie, dans des conditions pratiquement infaisables.
Journaliste
Le spectacle que l’on découvre en pénétrant dans ce bâtiment pilote vous donnerait presque l’impression que le métier d’éleveur est devenu simple et sans contrainte. Mais si Guy Rousseleau se laisse aller parfois à brosser ses vaches pendant une heure ou deux pour le plaisir, il n’en est pas moins tenu de travailler deux bonnes journées dans une, car dans ce bâtiment, il vient d’investir plusieurs années de sa vie.
Guy Rousseleau
Bon, c’est un investissement très important, je souligne le mot très, parce que c’est vraiment énorme. Bon, aidé, moi, étant donné que je me suis installé en 72, au bout de cinq ans, on n’a plus le droit aux prêts de jeunes. Donc, quand j’ai mis mon bâtiment en route, les prêts de jeunes, je n’y avais plus droit. On m’a fait faire un plan de développement. Alors le plan de développement vous apporte de l’argent relativement bon marché, par rapport aux prêts qu’on a aujourd’hui, il faut dire que c’est de l’argent bon marché, mais enfin, ce n’est pas donné. Ce n’est pas de l’argent qui vous est donné.
Journaliste
Est-ce que vous pensez qu’il serait raisonnable pour, pour quelqu’un qui veut démarrer, pour quelqu’un qui veut s’installer de penser immédiatement à investir dans ce type de bâtiment ?
Guy Rousseleau
Non, je pense que ce n’est pas la solution, il ne faut pas essayer de voler avant d’avoir les ailes. Il faut quand même être, il faut rester les pieds sur terre. Il faut quand même monter un cheptel, monter une affaire, et puis après, bon ben, ça, je pense que ça passe en dernier lieu, hein ! Bon, c’est sûr, c’est, pour mon cas personnel, c’était presque obligatoire de faire un truc comme ça. Mais enfin, disons que ce n’est pas ça qu’il faut faire le premier, hein ! Il faut d’abord faire, il faut se faire son noyau d’abord puis après, bon, on peut se permettre de faire des trucs comme ça, mais pas autrement.
Journaliste
Pilote ou pas, l’idée de Guy Rousseleau n’a pu être concrétisée que grâce au savoir-faire et à l’intérêt que lui ont porté les artisans locaux. Il est vrai qu'entre Vendéens, on se comprend.