Le 100 000e GAEC en Vendée

22 juin 1989
04m 17s
Réf. 00027

Notice

Résumé :
Le 100 000e agriculteur français à s'associer en GAEC est vendéen. Christophe Auguin vient de s'associer aux membres de sa famille dans une ferme de La Chaize-le-Vicomte. Il explique l'aide conséquente que cela lui procure. Pour lui et son père, elle facilite la survie d'une exploitation où chacun a ses responsabilités, permet des loisirs et simplifie la transmission du patrimoine.
Date de diffusion :
22 juin 1989

Éclairage

C’est au début de la décennie 1960 que sous l’autorité du Premier ministre Michel Debré, les ministres de l’Agriculture Henri Rochereau et Edgar Pisani ont légiféré pour réformer les structures de l’agriculture française afin de permettre l’indispensable modernisation des exploitations agricoles dans le cadre des objectifs de production définis par les IVe et Ve Plans qui s’inscrivaient eux-mêmes dans ceux de la Politique agricole commune alors en plein décollage. L’une de ces mesures les plus connues a fait l’objet de la loi du 8 août 1962 portant création des Groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC). A ses débuts, l’association en GAEC est présentée par ses promoteurs comme le statut juridique d’avenir pour la nouvelle génération d’exploitants agricoles formés aux techniques agricoles modernes dispensés dans les lycées agricoles réformés issus de la loi de modernisation de l’enseignement agricole du 2 août 1960. Pourtant, la formule du GAEC démarre lentement puisque le premier groupement ne voit le jour dans les Vosges qu’en 1965 ; la formule est alors en butte à l’hostilité des mentalités individualistes du monde agricole qui lui trouvent une connotation collectiviste. Cette opinion trouve d’ailleurs des relais à la fois dans la galaxie des organisations professionnelles agricoles et dans l’opinion publique. Celle-ci est en effet informée par les articles rédigés par des journalistes économiques qui relaient parfois certains grands intérêts fonciers privés qui craignent pour leur part que les nouvelles Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) créées par la loi du 5 août 1960 ne les spolient au profit de « kolkhoziens » qui choisiraient l’installation en GAEC. Si le rappel de ces craintes peut de nos jours prêter à sourire, il convient de souligner qu’elles ont fait peser un a priori défavorable à la constitution de GAEC ou considérer les exploitants qui s’engageaient dans cette voie comme des soutiens de la paysannerie en lutte, surtout dans les terres de l’ouest où l’influence des idées de Bernard Lambert va connaître un indéniable succès au cours de la décennie 1970.
 Lorsque se tient le congrès de l’Union des groupements d’exploitations agricoles en Vendée en 1989, on est très loin des polémiques de la génération précédente, les congressistes issus de GAEC situés à travers toute la France débattent de questions financières, juridiques et sociales communes à tous les agriculteurs comme la transmission de l’exploitation entre le père et un enfant au sein d’un GAEC, les conditions des aides financières accordées aux jeunes agriculteurs  désireux d’adhérer à un GAEC. Surtout, le reportage met l’accent sur un constat parfois méconnu, à savoir la meilleure spécialisation des membres d’un GAEC dans un domaine cultural, d’élevage ou technique que dans une exploitation classique où l’exploitant est obligé de tout faire sans disposer forcément du temps nécessaire à l’amélioration de sa formation.
Les préoccupations du congrès vendéen de 1989 demeurent les mêmes puisque ce sont exactement ces thèmes qui ont marqué le congrès du 50e anniversaire de la création des GAEC à Limoges en juin 2012. Depuis 1989, où l’on fêtait le 100 000e GAEC au niveau national, le nombre a baissé, passant de 94 000 en 2007 à 84 000 en 2011. Cette diminution s’explique pour partie par des raisons juridiques contraignantes que les associés doivent impérativement respecter pour demeurer en GAEC (la nécessité d’avoir le statut d’exploitant agricole pour chaque associé, la revente obligatoire des parts lors de la cession d’activité, l’interdiction d’apport de capitaux tiers), et a contrario l’attrait pour le statut plus souple de l’entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) dont le nombre atteignait 98 400 en 2011.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

Présentateur
Le dossier du journal est consacré à l’agriculture de groupe, véritable moteur de l’économie rurale et c’est particulièrement vrai en Vendée, département qui accueille en ce moment le congrès de l’UGEA, l’Union des Groupements pour l’Exploitation Agricole. A l’occasion de ce congrès, un prix sera remis au 100 000ème agriculteur associé dans un GAEC, reportage.
Journaliste
La Gîte Des Mutants à La Chaize-le-Vicomte n’en est pas à sa première installation de jeunes, mais celui-là, c’est sûr, marquera l’histoire de l’exploitation. Christophe Auguin, 23 ans, sera en effet le 100 000ème agriculteur de France à vouloir s’associer en groupe pour vivre de son métier. L’exploitation choisie, le GAEC créé en 78 par son père et son beau frère, dans lequel il travaille comme aide familial depuis deux ans.
Christophe Auguin
Je veux dire presque que je suis né dans l’agriculture collective, parce que je n’ai jamais connu le travail seul mais j’ai toujours travaillé avec au moins deux frères, et mon beau-frère, mon père. On a toujours été quatre pour travailler, donc pour moi c‘est naturel quoi. Et je ne me suis jamais dit, bon je vais monter mon affaire moi-même, je vais me lancer dans la brousse et puis, non. Puis, c’est quand même beaucoup plus facile de prendre quelque chose en mouvement. Bon je vais arriver avec bon, mon prêt JA qui est de l’ordre de 400000 Francs, c’est peu mais moi, ça va m’aider quand même, parce que ça paiera une partie du capital de mon père. Mais surtout je n’aurai pas d’achat à faire, bon, j’apporte mon capital et tout de suite je participe aux bénéfices de l’exploitation. C’est quand même une grande facilité, ce n’est pas pour ça que c’est la panacée, mais c’est quand même une grande facilité pour moi.
Journaliste
Le prêt Jeune Agriculteur dont doit bénéficier Christophe ne servira qu’à racheter les parts de son père, il part à la retraite cette année. L’installation de son frère aîné en 82 avait permis d’agrandir la surface exploitée, la portant à 130 hectares ; de porter aussi à 120 le nombre de vaches laitières, troupeaux mis sur pied en 78, date de la création du GAEC, date aussi de la mutation de la ferme ; Monsieur Auguin père exploitait alors seul un petit troupeau de charolais.
André Auguin
J’avais déjà compris que, seul, on était incompétent pour faire beaucoup de choses. Et il me semblait que déjà, à cette époque-là, de se souder, c’était une bonne chose pour évoluer d’ailleurs. Parce qu’on a subi une évolution très, très rapide, il fallait suivre. Et à un seul c’est difficile, très difficile de suivre. Alors je me suis dit, pourquoi pas se mettre en commun et ça permettait de voir un horizon plus large aussi, et puis avoir un petit peu de temps libre aussi.
Journaliste
Dans un GAEC, on partage tout, les satisfactions comme les soucis. Chaque associé doit donc avoir à l’esprit l’ensemble de la gestion de l’exploitation. Cela se traduit en termes d’organisation du travail. A Jean-Luc, le plus ancien des associés désormais, la responsabilité des génisses de l’âge de un an jusqu’au vêlage. En plaine, Jean-Luc choisit les traitements, fait les analyses de terre, se charge des semis. Philippe lui, gère le troupeau de vaches avec l’aide de Thierry, le dernier frère aide familial et futur associé ; il suit aussi les traitements et l’épandage d’engrais. A Christophe enfin, la charge des veaux naissants et du labour des terres. Une répartition des tâches qui n’exclut pas, au contraire, l’intervention simultanée de tous les associés sur un travail donné, comme la préparation de ce champ de maïs récemment défriché ; autre avantage, les loisirs.
Christophe Auguin
C’est un aspect important du GAEC aussi, parce que les loisirs, c’est quand même important dans la vie de l’agriculteur. Autrefois, l’agriculteur consacrait peu de temps à ses loisirs, maintenant c’est quand même différent ; les agriculteurs font, ils ont droit aux vacances comme tout le monde quoi, et aux week-ends tranquilles. Donc l’avantage de ça, c’est, on répartit les tours de garde comme on dit, on a des tours de garde par dimanche.
Journaliste
A tout avantage ses inconvénients. La contrainte principale du GAEC, c’est de savoir s’adapter aux exigences d’une exploitation en commun. Pour un jeune qui s’installe, cela veut dire bien connaître le groupe que l’on rejoint. Dernier point, la transmission du patrimoine, problème évident dans le cas de ce GAEC. Les 130 hectares qu’exploite la famille Auguin sont en fermage, le GAEC représente donc une continuité de relation avec le propriétaire. Le véritable patrimoine de la famille, la valorisation de la terre et du troupeau reposent sur les épaules des trois associés, en attendant, qui sait, la relève des futures générations.