Application du plan Mellick

31 mars 1994
02m 46s
Réf. 00408

Notice

Résumé :
55 bateaux de pêche vendéens doivent sortir de la flotille française en application du plan du ministre de la Mer Jacques Mellick. Témoignage de pêcheurs des Sables d'Olonne et de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, émus de devoir se séparer de leur outil de travail.
Date de diffusion :
31 mars 1994
Source :

Éclairage

Dans les années 1990, les tensions structurelles autour des cours du poisson se sont aggravées : les navires européens étaient en surcapacité et le marché, incapable d’absorber les apports livrés dans les ports. A l’imitation de la politique agricole commune (Europe Verte), une Europe Bleue se mit alors en place avec des objectifs de réduction du tonnage et de la puissance des flottes, dont la taille était reconnue comme dommageable à la fois pour la préservation de la ressource et pour la rentabilité des exploitations. La France, dans le cadre d’un Plan d’Orientation Pluriannuel (POP 1993-1996), dut faire passer sa flotte de 1.700.000 kW (Kilowatts) de puissance en 1992 à 1.000.000 kW en 1997 (- 35%). Ce fut l’objet du plan proposé par Jacques Mellick, ministre de la Mer (1988-1991).
Afin d'atteindre cet objectif de réduction, des permis de mise en exploitation vinrent contingenter les lancements de navires neufs et des plans de sortie de flotte furent instaurés à partir de 1991. A côté d’un rachat de l’outil de travail, le versement d'aides à l'arrêt définitif et l’accompagnement social des patrons volontaires furent prévus. En Vendée, comme sur tous les littoraux européens, le résultat fut le désarmement et l’envoi à la casse de navires en bois, robustes mais vieillissants, petits chalutiers, fileyeurs ou caseyeurs. Comme dans le cas de L’Atalante lancée en 1968 et passée à Christophe Barraud, fils du 1er patron-propriétaire, les décisions de liquidation furent souvent prises en famille. L’espoir résidait dans la possibilité de renouveler l’outil, acheter un caseyeur neuf en polyester, pour pouvoir continuer à piéger les crevettes, les langoustines ou les homards dans des casiers.
La contribution des quatre ports principaux du littoral vendéen (Port-Joinville, L’Herbaudière, Saint-Gilles et Les Sables) s’éleva à 65 unités remisées sur un total de 400 navires. Ce fut aussi l’occasion de reconversions à terre, grâce aux quelques dizaines de milliers de francs perçus en échange du retrait d’un navire. Cette importante restructuration permit aussi de mettre fin à des activités traditionnelles dont la rentabilité était devenue problématique. Le cas de La Magouille, dernier sardinier sablais, mis en service en 1964 illustre bien ce phénomène. Enfin, l’application du plan Mellick put permettre à quelques entreprises en difficulté, notamment dans le secteur de la pêche hauturière, de se sortir de l’endettement en revendant leur bateau hors CEE. Les patrons achetèrent des unités plus modestes, pour pratiquer une pêche polyvalente et côtière qui s’imposait de plus en plus comme la mieux à même de s’adapter.
Thierry Sauzeau

Transcription

Présentateur
Jour fatidique pour 72 bateaux de pêche de la région, condamnés à la casse par la règlementation européenne. Trop vieux, pas assez compétitifs, ils doivent sortir des flottilles, certains sont coulés en mer, d’autres cassés par des pelles mécaniques. Spectacle à la limite du soutenable pour les pêcheurs, le témoignage de certains d’entre eux, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et aux Sables-d’Olonne, Christine Vilvoisin, Luc Prisset.
Christine Vilvoisin
De ces chalutiers, il ne reste que des carcasses abîmées, désossés, attendant l’heure de leur exécution, ces bateaux doivent sortir aujourd’hui de la flotte de pêche française.
Christophe Barreau
C’est mon père qui l’a fait construire à ses 26 ans. C’est moi qui l’ai acheté, ça fait 8 ans, et puis voilà, bon, on fait un trait dessus.
Christine Vilvoisin
C’est difficile ?
Christophe Barreau
Ben ce n’est pas facile, un bateau c’est toute une histoire, et puis ce n’est pas évident de s’en débarrasser.
Christine Vilvoisin
Ce caseyeur est désormais trop vieux, les frais d’entretien sont trop élevés, le patron a donc décidé de s’en séparer et c’est lui qui doit saborder son navire. Couper le talon du bateau, conformément au règlement, c’est ainsi que meurent les bateaux de pêche.
Christophe Barreau
Mon père, je lui ai posé la question et il était plus ou moins, plus ou moins gai, maintenant… Bon, ben, lui aussi, il est conscient que, que c’est pour améliorer un peu le travail, quoi ! Et puis, que ce bateau ne fera pas ma carrière, alors, il fallait prendre une décision, on l’a prise.
Christine Vilvoisin
En inscrivant son bateau au plan Puech, Christophe Barreau obtient une subvention financée à 50% par l’Etat et à 50% par la région et le département, calculée selon le tonnage du navire. Avec les 270000 Francs qui lui seront octroyés, la vente du matériel qu’il va récupérer, moteur, hélice, gouvernail, il compte bien racheter un autre caseyeur et continuer à pêcher, mais il n’a pas voulu démolir l’Atalante, il a préféré l’offrir à une association. Même dilemne pour ce patron pêcheur des Sables-d’Olonne. Lui, a décidé d’abandonner la mer et de chercher un emploi à terre, son bateau ne finira pas sous une pelle mécanique mais dans une cour d’école.
Jean-Pierre Despoulain
Pour moi, c’était important de ne pas le casser. Enfin, il aurait fallu casser, ben j’aurais cassé quand même, mais enfin, ce n’était pas le but. Moi, ça m’aurait fait plus mal au coeur que là, bon ben, ce n’est pas, il y aura des enfants qui joueront dedans, bon, ce n’est pas pareil.
Christine Vilvoisin
En Vendée, 55 bateaux vont ainsi sortir de flotte, l’objectif imposé par la CEE est de limiter les captures de poisson, La Magouille, dernier sardinier des Sables-d’Olonne, partira mardi à la casse, après 30 années de navigation.
Michel Hetch
On a passé de bon moment mais enfin, maintenant, bon ben, quand ça ne va pas, ça ne va pas, il faut arrêter quoi !
Christine Vilvoisin
La Magouille c’est de bons souvenirs ou pas ?
Michel Hetch
Oui, il y en a des bons ouais, il y en a des moins bons mais il y en a des bons. Ah, les périodes des saisons de sardines et il y a tout quoi !
Christine Vilvoisin
Ces bateaux en fer seront coulés en mer ou découpés sur place, seuls quelques uns échapperont à la mort. Vendus hors CEE, ces rescapés continueront à naviguer en Afrique, les pêcheurs vendéens, eux, essayeront d’éponger leurs dettes et de trouver du travail.