La saison à Saint-Jean-de-Monts

03 juillet 1964
02m 40s
Réf. 00601

Notice

Résumé :
La période estivale à Saint-Jean-de-Monts change la vie locale du tout au tout, elle bouleverse les habitudes, celles des paysannes par exemple qui deviennent serveuses le temps de l'été. Pour l'abbé doyen de la paroisse, cette saison n'est pas celle des vacances mais occasionne un surcroît de travail.
Type de média :
Date de diffusion :
03 juillet 1964
Source :

Éclairage

La conversion du bourg de Saint-Jean-de-Monts à l’économie balnéaire a pris la forme d’une vaste opération planifiée d’aménagements et d’urbanisme. Les habitants qui n’étaient ni pêcheurs, ni conchyliculteurs mais paysans, tournaient traditionnellement le dos à la mer. En l’absence de port, la mer signifiaient pour eux des dunes stériles dont les sables submergeaient autrefois les champs de leurs ancêtres, avant qu’on ne plante la forêt de pins dans les dernières décennies du XIXe siècle. Comme l’indique le curé, les Montois étaient alors des « maraîchins », plus tournés vers l’exploitation des zones humides et l’intérieur des terres que vers la côte. En 1964, Saint-Jean-de-Monts enregistre de grands changements. C’est désormais moins un bourg qu’une ville saisonnière, avec un urbanisme tout neuf qui permet l'accueil des 100 000 vacanciers en haute saison, contre 4 000 habitants en saison creuse.
Si pendant l’hiver, le calme fait sentir un manque d’activité aux résidents, la période estivale transforme leur rythme de vie et apporte une manne essentielle aux commerçants, satisfaisant les Montois. Diffusé le 3 juillet 1964 par l’ORTF sous le titre très évocateur « Une ville éphémère », le reportage présente les changements intervenus dans la vie quotidienne des jeunes et des moins jeunes. C’est par exemple la création d’emplois en grand nombre dans l’hôtellerie saisonnière, qui permet aux filles de quitter la routine, le costume mais aussi de s’affranchir des valeurs de l’exploitation et de la vie paysanne, le temps d’un été. Malicieusement, le journaliste pose la question des rapports avec les garçons du village, qui manifestement subissent des évolutions, car il faut bien tenir compte des nouvelles manières adoptées par les filles au contact des touristes.
Le curé de la paroisse fournit au reporter son propre regard sur les conséquences de la saison. Dans cette Vendée où l’église catholique conserve une grande influence sur la société, il est l’observateur attentif des mutations dans les habitudes. Loin d’un discours moralisateur, ce doyen décrit une société littorale « déboussolée » par la saison que les habitants rendent d’ailleurs responsables de tous leurs problèmes quand ils viennent s’en ouvrir à leur curé. Le changement de rythme de vie touche l’homme d’Eglise lui-même, dont la charge d’âmes croît de manière inconsidérée l’été. La saison est pointée du doigt au niveau des rapports entre « maraîchins » et touristes, c’est manifestement un facteur de relâchement des mœurs, mais les conceptions hors mariage qui en sont un indicateur concernent finalement plutôt les « gars du pays ». Le reportage met surtout l’accent sur le choc de la rencontre entre les jeunes touristes et les jeunes du pays, apparemment éblouis par la nouveauté, et qui devraient plutôt, aux dires du doyen laisser « décanter » leurs idées.
Thierry Sauzeau

Transcription

Journaliste
Pendant deux mois de l’été, les jeunes paysannes se font serveuses.
Inconnue 1
Ce sont des gens de ville, c’est normal, quoi ! Même qu’on est dans, dans un coin perdu de campagne, donc s’ils nous demandent surtout nos points de vue sur la mode, sur…
Journaliste
Vous vous habillez d’une autre façon depuis qu’il y a les…
Inconnue 1
Ah ben, certainement, oui.
Inconnue 2
Oui, oui.
Inconnue 3
Avec davantage de confort aussi, oui.
Inconnue 4
Oui, avec davantage de confort.
Inconnue 1
Et on tombe toujours… Si on n’a pas pris de vacances jusqu’à maintenant, on compte quand même en prendre un jour, quoi !
Journaliste
Mais les garçons de Saint-Jean-de-Monts, ils ont changé aussi par rapport à vous ?
Inconnue 1
Euh, oui !
Inconnue 4
Peut-être moins, moins en proportion, après, enfin ! Ça commence…
Journaliste
Et vous-même Monsieur le Doyen, en quoi la saison vous a-t-elle transformé ?
Intervenant
Je ne sais pas trop s’il elle m’a transformé, si j’ai plus de mérite ou moins de mérite qu’auparavant. Oui, il y a plus de travail. Et l’inconvénient, c’est qu'on ne peut pas prendre de vacances parce que quand le moment des vacances arrive, la saison revient, on a presque plus de travail, plus de soucis qu’auparavant. Ça a un inconvénient tout de même, au point de vue loisirs de nos gens, parce qu’ils n’ont plus le temps de se reposer. C'est un manque d’arrêts, un manque de loisirs, donc, je vais dire un manque de vivre. C’est-à-dire, beaucoup ont tendance à dire, c’est la faute de la saison, ça déboussole nos jeunes. Il y a bien des fréquentations, plus ou moins, des fois avec estivants puis maraîchins, enfin, qui ne sont peut-être pas toujours ce qu’il faudrait. Oh, il y a bien des filles enceintes, en fait, elles ont été enceintes des gens du pays plutôt, ce n’est pas tellement des gens de l’été. Evidemment, il faudrait que les jeunes se décantent un peu, on ne sait pas trop comment faire.
(Bruit)
Journaliste
Oui, en hiver, c’est autre chose. C’est le silence, le village vit à feu doux, couvercle fermé. On se reconnaît entre soi, on peut mettre un nom sur chaque visage rencontré dans la rue. Et puis, dans le village, ça ne sent plus l’essence, on ne s’inquiète pas. Les loisirs, c’est comme les foins, quand l’été revient, on a une nouvelle récolte de vacanciers tout frais.