Rennes après le bombardement

08 mars 1943
02m 43s
Réf. 00201

Notice

Résumé :

La ville de Rennes, en deuil, rend hommage aux victimes du bombardement dévastateur de l'aviation américaine. Le ministre Pierre Cathala, représentant du gouvernement, prononce un discours dans lequel il apporte son soutien à la ville et aux Rennais.

Date de diffusion :
19 mars 1943
Date d'événement :
08 mars 1943
Personnalité(s) :

Éclairage

Dès les années vingt, il est évident pour les spécialistes que la prochaine guerre sera aérienne. Effectivement, dès 1939 en Pologne, puis en mai-juin 1940 en France, la "guerre-éclair" menée par la Wehrmacht utilise largement l'arme aérienne, bombardant certes des objectifs militaires, mais aussi les colonnes de civils sur les routes de l'exode en France. À partir de l'été 1940, ce sont les aérodromes puis les villes britanniques qui sont visés pendant la bataille d'Angleterre. C'est la première fois que le bombardement stratégique est employé comme arme de guerre exclusive. Par la suite, le Royaume-Uni et les Etats-Unis font de l'arme aérienne la pièce maîtresse de leur stratégie militaire.

En 1940-1941, les bombardiers de la Royal Air Force (RAF) visent certes l'Allemagne mais aussi les territoires occupés, tels les ports du littoral breton. En 1942, les raids aériens sont étendus aux villes de l'intérieur. Les Rennais connaissent les premières alertes. En 1943, ce sont les infrastructures ferroviaires et les installations militaires dispersées dans la cité qui sont visées par l'aviation alliée (britannique et américaine). Un premier bombardement a détruit les installations de la Kriegsmarine route de Lorient, le 18 février 1943. En visant la gare de triage, les bombes alliées entraînent de nombreuses destructions dans le quartier de la gare et la rue Saint-Hélier, faisant plusieurs centaines de victimes, dont de nombreux enfants présents sur le Champ-de-Mars où se tient la fête foraine. Celles du 29 mai visent à nouveau des installations ferroviaires. Elles sèment la désolation dans les rues et les immeubles voisins. C'est donc une nouvelle guerre, une guerre aérienne, qui sévit.

Le journaliste que l'on peut entendre ici, totalement sous le contrôle du régime de Vichy et des occupants allemands, outre le fait qu'il fustige les Alliés pour ces bombardements, ne semble pas saisir - volontairement sans doute - les tenants et les aboutissants de ce nouveau style de guerre, contraire aux règles des conflits passés. Il accuse violemment les Anglo-saxons de semer la mort et la désolation dans une France innocente. Mais malgré leur violence, les bombardements ne font pas passer l'opinion du côté de l'occupant et des collaborateurs. Ces raids aériens sont pour la population le signe de la supériorité militaire anglo-américaine et l'espérance d'un débarquement que chacun souhaite imminent. L'instrumentalisation des raids aériens est en réalité contre-productive pour l'occupant ; les obsèques des victimes des bombardements donnent lieu à des funérailles organisées par le préfet nommé par le gouvernement de Vichy. Elles sont le seul moment où l'occupant tolère de vastes rassemblements et la présence des drapeaux français sur la voie publique. Toujours est-il que le rectorat, la municipalité rennaise prennent alors des mesures pour protéger les enfants et adolescents des bombardements : le lycée de garçons et le lycée de filles sont évacués dans la campagne et les écoles primaires les plus menacées en raison de leur situation géographique sont déplacées.

En 1944, les bombardements se poursuivent, faisant des centaines de victimes. Dans le cadre des opérations liées au débarquement du 6 juin, ils visent toujours à paralyser les voies de communication et les transports afin de soutenir les armées alliées en campagne. Bien entendu, les attaques aériennes traumatisent les gens, les enfants en particulier. Mais les uns et les autres apprennent à vivre sous les bombes d'autant que l'avance des armées alliées laisse espérer que la fin du cauchemar (occupation et bombardements) est pour bientôt.

Bibliographie :

- Luc Capdevila , "Des années sombres aux quartiers d'avenir (1939-1960)" dans Gauthier Aubert, Alain Croix et Michel Denis, Histoire de Rennes, Rennes, PUR, Apogée, 2006.

- Luc Capdevila et Danièle Voldman, Nos Morts. Les sociétés occidentales face aux tués de la guerre, Paris, Payot, 2002.

- Fabien Lostec, Manifester sous l'Occupation dans les Côtes du Nord, Maîtrise d'Histoire, Rennes 2, Marc Bergère (dir), 2004.

Fabien Lostec

Transcription

AVERTISSEMENT
Commentateur
(Musique) Il était 2 heures de l'après-midi. Soudainement, Rennes comptait 262 morts dont 75 femmes et 43 enfants, et 500 blessés. La cité bretonne en deuil fait aux victimes de l'aviation américaine d'émouvantes obsèques. Il y a quelques instants, monseigneur Roques, archevêque du diocèse, déclarait : « Devant tant de cercueils groupés, il est impossible que nous ne fassions pas entendre notre souffrance et notre indignation ». Et le prélat ajoutait : « Avec un acharnement furieux, les monstres ont semé la ruine et la mort ». Tandis que le bourdon de la cathédrale sonne le glas, le cortège est arrivé place de la mairie où monsieur Cathala prendra la parole.
Pierre Cathala
Je viens au nom du gouvernement de notre pays, apporter à la Bretagne en deuil, l'hommage de la France toute entière. Aujourd'hui, sur cette place, ceux dont nous honorons la mémoire, dont nous saluons la dépouille, ne sont pas des soldats tombés sur un champ de bataille. Ce sont les enfants d'une ville paisible, pacifique, laborieuse, qui à l'heure du travail, au milieu de la journée, ont vu s'abattre sur leur cité ces machines volantes meurtrières, dont tout à l'heure monseigneur l'archevêque, dans un langage si élevé et si émouvant, évoquait l'apparition terrible et meurtrière. J'ai le devoir, comme il a été fait tout à l'heure avec plus d'autorité encore, de protester contre ces procédés qui ne sont pas des procédés de soldats, et de rappeler que ceux qui se combattent s'honorent en respectant les trêves, en respectant les civils, en respectant ce qui représente encore le reste de paix.
(Musique)
Commentateur
A travers la ville si affreusement atteinte, le cortège se dirige vers le cimetière.
(Musique)