Le village abandonné de Poul-Fétan

02 février 1977
08m 22s
Réf. 00242

Notice

Résumé :

Depuis 10 ans, Poul-Fétan est vide. Les habitants ont petit à petit abandonné ce village morbihanais, où ils vivaient en communauté autarcique. Aujourd'hui, ils témoignent avec nostalgie et regret de cette vie passée et de leur mode de vie solidaire.

Type de média :
Date de diffusion :
02 février 1977
Source :

Éclairage

Poul-Fetan, petit village du Morbihan qui avait perdu quasiment toute sa population, a été racheté par la commune de Quistinic en 1977 afin d'en assurer la mise en valeur touristique, par une mise en scène de la vie paysanne. La restauration des bâtiments se déroula entre 1979 et 1994. Poul-Fetan se veut donc un conservatoire des gestes et des traditions en centre Bretagne : les grands-mères vêtues de la coiffe traditionnelle qui témoignent dans le film en sont les garantes. Toutes regrettent le "bon temps passé". Il est vrai que le village a conservé une très belle architecture rurale - présence de pigeonniers, belle porte cintrée - qui rappelle une aisance passée. Les scènes filmées sont l'occasion de rappeler "la façon de vivre la maison autrefois" : la majorité des familles vivaient dans "la salle" qui regroupaient les activités diurnes – repas, travail à la veillée- et nocturnes : plusieurs lits-clos protègent le sommeil de la famille qui regroupe plusieurs générations.

Ces maisons à pièce unique surmontées d'un grenier et jouxtées par une étable étaient fréquentes dans l'intérieur des terres. Ce n'est souvent qu'à la fin du XIXe siècle que les maisons à deux pièces (salle et chambre) se font plus nombreuses. Dans le Morbihan, ces "maisons longues" ont souvent perduré jusqu'à l'après Seconde Guerre mondiale, faisant alors l'objet des critiques des nouvelles générations. D'autres séquences du film rappellent les activités traditionnelles des campagnes, notamment le broyage du lin pour casser la tige de la plante et séparer la fibre de la tige. Cette plante, que l'on trouvait dans tous les jardins de la bordure littorale, a participé à la richesse de bien des cantons du XVIe au XIXe siècles, pour ne plus être au XXe siècle qu'un souvenir des temps anciens.

Au-delà de la mise en évidence de la nostalgie d'une communauté plus étroite et solidaire, l'initiative de Poul-Fétan est aussi le manifeste de la volonté précoce de faire du patrimoine - vécu et rêvé - un moteur du développement économique.

Martine Cocaud

Transcription

Inconnu
Poul-Fétan est un village vide, un village abandonné depuis 10 ans. Ce village contenait d'abord 7 feux, c'est-à-dire 7 foyers, 7 habitations, et était peuplé d'environ 70 habitants. Certaines maisons possédaient 18 écuellées, c'est-à-dire 18 bouches à nourrir. Ce village a vécu en dehors du monde, pendant plusieurs siècles, c'est-à-dire en autarcie, en communauté. Ici il y avait un art de vivre, et avec ce contact humain, il y avait ce, cette vie collective, où rien n'était marchandé, tout était recherché, récupéré, tous les objets servaient d'une communauté à une autre.
(Musique)
Inconnue 1
Il y avait pas d'électricité, on s'éclairait avec des bougies, on travaillait même avec des bougies. La résine, on allait la chercher dans les arbres, et puis après quant ils étaient ramassés, ceux qui les ramassaient les vendaient dans les épiceries. Nous autres on allait les chercher au bourg et puis on faisait les, on faisait les bougies avec, et on faisait comme ça, les bougies avec, on faisait. On faisait avec le chanvre comme ça, et puis on les roulait comme ça, puis on les mettait en pendant comme ça, on mettait le feu dedans.
Inconnue 2
Ca, c'est du genêt. Il vient du champ, on balaie avec tout ça. On fait des grands balais pour balayer la maison aussi, nous on n'a pas de parterre ici. C'est du parterre si vous voulez, mais pas de plancher. On fait ça avec ça tout le temps pour enlever le sang quoi, c'est ça, oui voilà, c'est ça que je fais tous les jours. Puis quand j'ai le temps, je tricote. Avec ma laine. Oh ben lui, il a plus de 73 ans, parce que c'était celui à ma mère. Ma mère n'avait que 12 ans quand on avait acheté ça, et puis moi j'ai pris l'amitié avec, aussi. Il va filer ça pour faire des chaussettes pour l'hiver. Ah ben c'est de la laine de mouton. C'est ça. Il y avait, je les avais nourris, et puis après quand ils étaient gras, ils avaient la laine dessus, et puis on les tondais, on les lavais avant. On jettait le mouton par terre avec, sous un drap. Alors comme ça il salissait pas son laine et puis on le coupait, avec un ciseau comme ça, il restait pas longtemps encore, [incompris], bon. Alors après alors on, on filait, comme on fait ici quoi. Alors on le lave, on fait des choses avec, n'importe quoi, des gilets, des manteaux, n'importe comment, des chaussettes et puis tout ça. Oui, je fais beaucoup de choses avec, tu vois.
Inconnu
Cette maison d'habitation avait en façade une vigne, une vigne qui courait tout le long de la longère. Elle était scellée soit avec des fers de chevaux et par, par endroit, avec des os, des tibias. Plus loin, vous voyez un pigeonnier. Un pigeonnier, oh il y avait simplement quelques pigeons, surtout pour le pauvre, parce que le [minour] lui avait un colombier beaucoup plus rempli. L'autre, plus loin, vous avez également un, un perchoir à poules, parce que chaque ménage possédait quelques poules, et les pauvres gens amassaient les oeufs et les vendaient, faisaient plutôt du troc. Pour obtenir quelques ingrédients mais les conservaient également pour ... Pâques, parce que c'était la seule jour, le seul jour où on mangeait des oeufs chez les pauvres.
Inconnue 3
[incompris] Bien, alors tout ce temps, on vivait très bien,
Inconnue 4
Oh oui c'était bien mais voilà, c'est différent d'aujourd'hui du jour.
Inconnue 3
Oh oui.
Inconnue 4
C'est pas la même vie.
Inconnue 3
Non du tout.
Inconnue 4
Ils vivaient plus ensembles, tandis que maintenant.
Inconnue 3
Euh, on s'arrangeait très bien, entre toutes les familles qui étaient dedans.
Inconnue 4
Oui et puis maintenant...
Inconnue 3
Une famille qui va nous hein.
Inconnue 4
Oui, oui, et alors maintenant c'est chacun chez soi, c'est pas la même vie du tout.
Inconnue 3
Oh non puis alors, ils, ils vivaient plus en commun, ils allaient aux veillées d'en, des écuries dans le temps.
Inconnue 4
Ben oui, et puis on raccommodait dans les écuries, on arrangeait...
Inconnue 3
On faisait tout le travail le soir, surtout.
Inconnue 4
Et puis ça chantait.
Inconnue 3
Oui puis, c'est pas pareil du tout que maintenant, maintenant tout a changé.
Inconnue 4
Oui c'est pas la même vie quoi.
Inconnue 3
Dans le temps, quand ils mettaient le chanvre, ils travaillaient tout ça dans les écuries
Inconnue 1
On faisait avec la, la machine ici, on prenait et puis, on prenait comme ça, on les faisait comme ça, on le faisait et puis après c'était des, des longs morceaux, alors c'était fin, et puis après on les passait dans ces machines ici mais dans celui là comme ça. Comme ça. Un morceau après l'autre comme ça.
Inconnue 5
Pour enlever le gros.
Inconnue 1
Pour euh pour l'enlever le gros et puis c'était fine comme ça, Et puis après on les mettait en paquets alors et puis on, il y avait des, des roues pour les filer, alors on faisait des fils avec.
(Silence)
Inconnue 5
On faisait du fil, et puis on faisait du linge avec, des draps. Des draps de paysans comme on appelait autrefois.
Inconnue 3
Ils faisaient leur cidre même souvent entre eux, et alors quand il y avait des corvées pour livrer du cidre à [incompris], ils s'arrangeaient oui pour faire les corvées.
Prêtre
C'était, c'était la joie quand on parle de ces choses là, c'était merveilleux et puis maintenant les gens sont froids entre eux, à cette époque-là, évidemment c'était leur manière à eux de se retrouver, vous comprenez. C'était quand même principalement en hiver, c'était pas tellement en été, vous savez la journée durait longtemps, il fallait, il y avait tous les travaux. Il y avait d'autres manifestations bien sûr. Quand il y avait une aire, refaire l'aire à battre, euh ça évidemment tout le monde venait, il paraît que c'était des concours d'ailleurs qui, qui charrierrait le plus de, de terre à la fois. Même des concours de chevaux, vous comprenez, il y avait des, on faisait des jeux de toutes ces, ces nécessités de, de cette vie toute humble d'autrefois. Ou bien alors refaire également le, le sol, la terre battue de la maison. Alors là il fallait, et ce jour là eh bien tout le monde pouvait venir, on n'invitait personne parce que ceux qui venaient, ben ils venaient d'abord pour, pour danser. Parce qu'il fallait danser pour tasser, tasser la terre, alors évidemment tous ceux qui venaient de travailler [incompris] avaient droit, avaient droit bien sûr à, aux réjouissances aussi, aux crêpes, au cidre, aux gâteaux, tout ce qui est, tout ce qui était fait quoi.
Inconnue 3
C'était beaucoup mieux que maintenant, voilà. Euh, c'était pas dut tout pareil, les gens chantaient, on rigolait davantage, euh c'était pas du tout les mêmes, mêmes mentalités que aujourd'hui le jour, les gens s'entend pas. Quand on faisait le pain par exemple, chacun à son tour chauffait le four, et on allait dire à l'autre le soir : alors demain on cuit du pain, alors on n'avait qu'à faire le levain le soir...