Manifestation chez Citroën

10 mai 1982
02m 57s
Réf. 00391

Notice

Résumé :

Une centaine de manifestants CGT et communistes se sont réunis devant les grilles des usines Citroën la Janais à Rennes. Après une distribution de tracts, ils ont tenu un meeting demandant notamment plus de libertés syndicales.

Date de diffusion :
10 mai 1982
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )

Éclairage

L'organisation d'un meeting devant les portes de Rennes-La Janais a lieu dans un contexte de tensions entre la direction de Citroën et les syndicats et travailleurs. Le 26 avril 1982, des travailleurs de l'usine Citroën-Aulnay se mettaient en grève pour le respect de la liberté et de la dignité dans l'entreprise. La grève durera 37 jours et sera victorieuse le 1er juin 1982. Les travailleurs obtiendront des augmentations de salaires de 400 F (pour des salaires d'environ 3 500 F), plus une prime de 100 F, soit une revalorisation des salaires d'environ 15 à 20 %. Mais surtout les travailleurs retrouveront leur dignité et une certaine liberté, y compris syndicale, dans l'entreprise.

L'histoire syndicale au sein de Citroën est fortement marquée par l'existence de la CSL, issue de la CFT. En 1947 est fondée la Confédération du travail indépendant (CTI). Elle réunit d'anciens syndicalistes communistes, des militants du courant Syndicats animé par René Belin, des membres du Rassemblement du peuple français (RPF) le parti créé par le général de Gaulle. De querelles de pouvoir en scissions, cette CTI mute dix ans plus tard, en décembre 1959, en une Confédération française du travail (CFT) qui rassemble les différentes tendances du syndicalisme indépendant, à l'exception de la Confédération générale des syndicats indépendants, qui rejoint la CFTC en 1975. Jacques Simakis est le premier secrétaire général de la CFT. Au Congrès de septembre 1975, il est évincé, et est remplacé par Auguste Blanc, fondateur et secrétaire du syndicat CFT de Citroën depuis 1968.

En 1977, suite à l'assassinat par quatre adhérents de la CFT, de Pierre Maître, militant CGT, qui travaillait aux Verreries mécaniques champenoises à Reims, Auguste Blanc décide de changer le sigle de l'organisation. C'est la naissance de la Confédération des Syndicats Libres (CSL). Au cours d'un congrès réuni à Marseille en novembre 1977, la CSL adopte un "manifeste aux travailleurs de France (...) pour un syndicalisme populaire, authentique et professionnel". La ligne politique est claire : "nous refusons le marxisme, le collectivisme et l'autogestion, nous voulons la cogestion". La CSL est implantée dans plusieurs secteurs mais c'est dans la métallurgie que sa présence est la plus forte, notamment dans l'automobile.

La CFT s'implante chez Citroën, dès 1968, avec le soutien de la direction générale de l'entreprise. Celle-ci a organisé l'élection de candidats libres en échange de faveurs. A ce propos, Marcel Caille, dans son ouvrage Les Truands du patronat (Éditions sociales, 1977), écrit : "la direction Citroën paye des dizaines de permanents de la CFT : ce sont les agents de secteur, véritable police privée chargée d'organiser la CFT et d'encadrer les commandos, chargés de mettre en condition l'encadrement hiérarchique afin de le faire intervenir dans le cadre du système répressif existant". En 1990, la Direction départementale du travail et de l'emploi d'Ille-et-Vilaine demande encore à la direction de l'usine Citroën de Rennes de faire cesser les cas de "discrimination syndicale" relevés au terme d'une enquête faisant apparaître que les délégués CGT et CFDT sont moins payés que leurs collègues de la CSL.

Au cours des années 1990, la CSL a décidé de cesser son activité à la Barre-Thomas (Rennes) parce qu'elle était en difficulté financière. Elle a commencé à rencontrer des difficultés en raison d'un changement de comportement du groupe PSA, quand Jean-Martin Folz a pris la tête de la Direction Générale. Celui ci favorise alors le dialogue avec les syndicats. En revanche, la CSL est toujours présente à La Janais (Rennes). Elle porte désormais le nom de SIA. L'établissement de la Barre Thomas n'est plus, lui, dans le giron du groupe PSA.

Martine Cocaud

Transcription

Hervé Laurent
Madame, monsieur, bonsoir. Extension du conflit Citroën. Après Aulnay et Levallois, aujourd'hui, la CGT organisait un grand meeting devant l'usine de Rennes à propos des libertés syndicales dans l'entreprise Citroën. Au cours de cette réunion qui s'est tenue dans le calme, il faut le préciser, la centrale ouvrière devait, notamment, demander l'ouverture de négociations sur les conditions de travail et la dissolution de la CSL, le syndicat maison. Le compte-rendu de cette journée avec Eric Piolet.
Eric Piollé
Une bonne centaine de militants cégétistes et communistes, dont trois élus de la ville de Rennes, quelques personnes de la fédération de l'éducation nationale et de la ligue communiste ont répondu à l'appel de la CGT devant la citadelle Citroën. Les usines de La Janais n'étaient guère menacées par ce groupe de manifestants venus de Rennes mais, comme d'habitude, la direction avait pris ces précautions pour quadriller l'intérieur de sa propriété et éviter tout contact entre les ouvriers et les cégétistes au moment du changement d'équipe. Dans ce climat de tension entretenu derrière les grilles, il n'est pas étonnant que la participation de 6 ouvriers de l'équipe du matin au meeting ait été saluée par Yannick Fremin, l'ancien militant syndical de chez Citroën. Malgré les menaces de leur chef, ils étaient sortis pour aller écouter la CGT. Reste que pour la première fois à Rennes, la distribution de tract à la sortie des parkings et la prise de parole devant la porte d'entrée principale de la Janais s'est faite sans aucun heurt avec les gros bras envoyés par la direction. Ils sont sortis en masse pendant l'allocution du secrétaire de la CGT, pour se placer sur la pelouse d'entrée, mais ils se sont contentés de faire respecter une zone de délimitation, 50 mètres devant les grilles.
Daniel Collet
La lutte à Rennes n'est pas une lutte entre la CGT et l'organisation patronale CSL. C'est la lutte des travailleurs de Citroën contre leur patron, celui qui [incompris] y compris la CSL qui est un syndicat bidon. Il n'y a pas d'opposition entre travailleurs de Rennes et travailleurs des autres usines. Les uns et les autres sont exploités, oppressés par le même système, celui de la direction Citroën. La direction Citroën ne manque pas de cynisme quand elle prétend que la grève serait menée de l'extérieur. Les gens de Rennes qui sont partis à Aulnay, à Levallois pour tenter de briser la lutte, pour jouer le coup de poing, sont-ils chez eux là-bas ? Les atteintes aux libertés, de la baisse du pouvoir d'achat, de la violation de la vie, dignité humaine, ils sont là devant vous. Ils ont été battus le 10 mai et ils seront encore battus.
Eric Piollé
Ce face-à-face n'a sans doute pas ébranlé la direction rennaise mais à la CGT, on continue de penser que ces pressions extérieures contribueront à imposer le changement. Point de vue contesté par la CFDT qui ne participait pas à ce meeting. Il est vrai qu'à Rennes, il est plus difficile de faire bouger des gens. Le recrutement des OS n'est pas le même qu'à Aulnay ou Levallois.