Billet d'humeur sur l'évolution du commerce

04 septembre 1990
02m 38s
Réf. 00394

Notice

Résumé :

A la veille de son 20ème anniversaire, le centre commercial Alma, à Rennes, s'agrandit. Troisième centre commercial français par sa fréquentation, il est le symbole d'une nouvelle forme de commerce et de consommation, loin de l'épicerie d'antan.

Date de diffusion :
04 septembre 1990
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )

Éclairage

En France, les premiers centres commerciaux font leur apparition dans les années 1960. Le premier a être ouvert est celui de Parly II, près de Versailles, en 1969. Calqués sur le concept américain, ces centres commerciaux sont soit implantés en périphérie des centres urbains soit au cœur même des centres-villes dans le cadre de politiques de réaménagement urbain.

A Rennes, le centre commercial d'Alma City ouvre ses portes en 1971. L'inauguration en 1990 de sa tour de verre est l'occasion de dresser un bilan de son succès économique et commercial. Il est alors le troisième centre commercial au niveau national par sa fréquentation. Ce reportage témoigne de plusieurs évolutions.

Au niveau économique et architectural, le succès du centre Alma illustre d'une part l'essor d'une société de consommation de masse et d'autre part un redéploiement spatial de l'activité économique sur des espaces excentrés et dans des lieux d'une surface importante (36 000m2 pour celui-ci).

Au niveau culturel, le succès du centre Alma est le reflet d'un changement dans la façon de consommer des français. Les petits commerces sont délaissés au profit de ces centres commerciaux qui ont l'avantage de concentrer en un même espace une pluralité de commerces et d'être accessible facilement grâce notamment à leurs immenses parkings qui facilitent le stationnement. Mais le succès du centre Alma n'a pas pour autant été synonyme de mort des petits commerces de proximité de Rennes, en témoigne encore aujourd'hui le dynamisme du centre-ville.

Jennifer Gassine

Transcription

Présentateur
A Rennes, le centre commercial Alma, 3ème par sa fréquentation au niveau national, vient de faire peau neuve à la veille de son 20ème anniversaire. Désormais, donc, une tour vitrée de 9 étages, qui a d'ailleurs été inaugurée hier par les personnalités de la région rennaise, surplombe la ville et la campagne. C'est donc le témoignage de l'évolution de notre environnement, ce qui a suscité à Loïc Mathieu quelques réflexions.
Loïc Mathieu
"Demain, c'est l'Europe", se plaisent à répéter les personnalités qui veulent être responsables de tous les avenirs. Alors, pourquoi continuer à copier le géant américain ? Mais soyons clairs. Le centre, créé en 71, fut une réussite économique et commerciale. Aujourd'hui, il est à la mesure de notre société. C'est la tour Alma city qui, 19 ans plus tard, marque l'achèvement de l'ensemble. C'est aussi la fin d'une certaine forme de commerce. Incontournable évolution diront les sociologues du commerce, le consommateur n'est pas seulement un pigeon. Il faut le barder de décors appropriés. 90, c'est la fin de la droguerie mercerie, du "Bonjour m'ame Babouin ! Vos enfants vont-ils bien ?". Usées les sardines salées dans les tonneaux. Le client doit choisir tout seul, guidé, conseillé par des vendeuses diplômées. Incontournable évolution : la buvette du chemin de fer est encore à la vapeur alors que nous sommes déjà à l'heure du TGV. Mais la buvette ne se forçait jamais dans l'ambiance. Ses casse-croûtes et ses rosés limés sur fond de cheminots fatigués faisaient le décor. Un bon Américain aurait sûrement exporté nos bistrots et nos galettes saucisses. Mais sans y prendre garde, le Breton d'Europe se prend le big-mac du cousin Donald en pleine poire, et ça marche. Incontournable évolution mais surtout adroit téléguidage de la consommation. Et si, en 71, il suffisait de faire fonctionner à l'américaine pour attirer le client, aujourd'hui, il faut se creuser les méninges pour faire joli et lui rendre un peu de sa chaleur perdue, au consommateur. Incontournable évolution pour survivre. Les centres villes ont inventé les rues piétonnes où l'on a d'abord piétiné sans conviction avant de les adopter sans concession. Pour les autres, ceux des banlieues, ceux des "boulot là-bas, dodo ici", il fallait inventer ça. C'est fait. Et depuis 20 ans, les centres commerciaux évoluent dans le bon sens commercial. Celui-ci, dans l'incontournable évolution, est plutôt réussi. Sachez quand même que c'est nous qui sommes indiscutablement responsables de notre évolution, que le grand marché de la consommation n'a pas de sensiblerie nostalgique, et que nos enfants sont, depuis longtemps, à Alma city. Tant pis, j'aime la buvette des cheminots, l'épicerie de la mère Mariotta, la galette saucisses et le rosé limé, purée de nostalgie.