Geneviève Asse

27 novembre 2004
06m 03s
Réf. 00438

Notice

Résumé :

A 81 ans, Geneviève Asse peint toujours, notamment dans son atelier de l'Ile aux Moines. Instinctive, elle travaille d'un geste. Après avoir peint des natures mortes, elle a épuré ses tableaux pour travailler uniquement la couleur et la lumière.

Date de diffusion :
27 novembre 2004
Source :
FR3 (Collection: JT Rennes soir )
Personnalité(s) :

Éclairage

Geneviève Asse est née à Vannes, en Bretagne, en 1923. Elle grandit au Bonnervo dans le golf du Morbihan. Elle insiste sur l'inaluence de ces années, entre la mer et de la campagne, pour sa pratique picturale. Venue étudier à Paris dans les années 30, elle découvre le cubisme. C'est quelques années plus tard, en 1940, alors qu'elle est élève de l'école nationale des arts décoratifs de Paris, qu'elle peint des natures mortes. Pendant cette période, elle rencontre Bram van Velde, Samuel Beckett, Nicolas de Staël, Serge Poliakoff. Petit à petit la représentation des objets s'estompe, leur présence sur la toile devient surfaces colorées. Sa première exposition personnelle aura lieu en 1954 à la galerie Michel Warren à Paris. Les années 60-70 sont le début d'une période où domineront les préoccupations d'espace et de lumière. Les toiles sont alors des surfaces bleues brossées à l'huile aux dimensions variables. Elles sont parfois traversées d'une ligne verticale, une trace de ses études à l'école des arts décoratifs quand elle a travaillé sur le thème de la fenêtre. La verticale traverse ciel et mer, l'artiste a observé les espaces dans le golfe du Morbihan et s'en est imprégnée. Croisement entre le monde extérieur et intérieur, espace sensible et poétique, les oeuvres réalisées dans la solitude sont aussi une invitation à la méditation.

Françoise Cocaud

Transcription

Journaliste
Geneviève Asse adore les pommes. Surtout celles de son jardin de curé dans sa maison de l'île aux moines, dans le golfe du Morbihan. Chaque automne, elle se fait un plaisir d'aller cueillir les fruits. Transformées en compote, les pommes ont pour elle le goût des quatre saisons de l'enfance.
Geneviève Asse
J'avais un frère jumeau. Nous avons été élevés dans la nature, dans la campagne, entre la mer et la campagne. Il m'arrive souvent de dessiner des, des fleurs. Et quelques fois de faire le tour du jardin avec mes petits carnets, j'ai plusieurs petits carnets. Je continue à dessiner tout ce que je vois, des fleurs, des plantes, des mauvaises herbes et de tout.
(Bruits)
Geneviève Asse
J'ai toujours été très seule. J'ai eu l'habitude de la solitude, même étant enfant. Alors, donc je, j'ai, je conserve toujours ce besoin.
Journaliste
Une pomme peinte en 1939. Geneviève Asse est alors âgée de 16 ans. 9 ans plus tard, une autre pomme en compagnie d'un verre de vin. C'est dit, c'est peint, avec 3 fois rien. Plus tard, un encrier, plus tard encore une balise, les objets semblent en attente au repos. Avec le temps, ils vont s'estomper. Désormais, Geneviève Asse ne s'intéresse plus qu'à la lumière.
Geneviève Asse
Alors là, vous avez une grande toile. Aussi, je parlais tout à l'heure de la verticale qui partait presque de la terre et qui s'en allait à l'infini. Et là, ce qui est intéressant, c'est cette sorte interstice qui est mis sur le côté dans la couleur, qui ouvre d'ailleurs le chemin de la couleur et, qui en même temps entraîne le regard vers le ciel.
Journaliste
Faut-il tirer la porte ou pousser la fenêtre ? Inlassablement, les ouvertures peintes par Geneviève Asse posent la question sans la résoudre. La lumière est à la fois discrète et omniprésente. Derrière cette dentelle de lumière, l'infini semble pousser de l'épaule.
Geneviève Asse
Ce n'est pas de la géométrie. C'est autre chose. C'est un autre monde. Je suis une instinctive. Je travaille d'un seul ...
Journaliste
D'un geste.
Geneviève Asse
D'un geste oui, un geste m'entraine.
Journaliste
Donc, il n'y a pas de repentir ?
Geneviève Asse
Il n'y a pas. Et quand c'est raté, c'est jeté. Je ne reviens pas.
Journaliste
Vous jetez beaucoup ?
Geneviève Asse
Pas trop. C'est pour ça que je mets quelquefois du temps pour peindre. Parce que, au fond, je ne veux pas peindre si je ne me sens pas vraiment prête.
Journaliste
Boîte bleue, 1948. Les objets semblent mis au coin comme de mauvais élèves. Cercle paysage 1966. Sur cette grande toile, la lumière est presque aveuglante. Les objets disparaissent dans le couchant. C'est la fin d'une période. Pour l'artiste, tout désormais est lumière comme dans cette toile intitulée [Ruise]. Ici, le peintre maçonne l'architecture de la lumière à l'aide d'une palette de blanc sable et de gris.
Geneviève Asse
Je suis une silencieuse.
Journaliste
Et vous aimez cet état-la ?
Geneviève Asse
Ce n'est pas que j'aime, c'est que je suis ainsi. C'est tout. Comme c'est une peinture ... c'est très intérieur que je donne. Alors, il y a aussi une sorte de, de secret. C'est pour ça que je n'aime pas qu'on me voie, qu'on me trouve en train de peindre. Ça gâche mon plaisir.
Journaliste
Un plaisir pourtant partagé par quelques privilégiés et non des moindres. Voici Bram Van Velde le peintre et l'ami de toujours. Voici Matisse, sculpteur, peintre, dessinateur, chez lui rien n'est à jeter. Voici enfin Samuel Beckett, des yeux bleus d'oiseau de mer et un rire, contrairement à la légende.
(Bruits)
Geneviève Asse
Non, ce n'est rien ça. C'est Richard Avedon, j'aimais beaucoup le travail qu'il avait fait là.
Journaliste
Vous aimez bien mettre les choses en place ?
Geneviève Asse
Ah oui tout le temps. Je passe ma vie à ça. Je suis une emmerdeuse, enfin...
Journaliste
Une exception toutefois dans ce rangement de moniale. Dans un coin de l'atelier, des tubes de peinture, des pinceaux et des brosses, dorment du sommeil du juste. Certains datent des années 40. L'artiste n'a pas voulu se séparer de ses vieux compagnons mis à la retraite.
Geneviève Asse
C'était rogné, presque. Alors que maintenant je me permets quelques fois dans les brosses de, d'en employer, et quand je ne trouve pas, quand je ne suis pas satisfaite, même s'ils sont presque neufs, je les laisse.
Journaliste
Sagement alignées, les brosses en activité sont au garde à vous. Toutes sont prêtes pour la grande parade artistique. De l'ombre des profondeurs à la soie du ciel, les couleurs chez Geneviève Asse voguent dans un océan de bleu. Rien de monochrome pourtant dans ce choix. Vue de près, la toile s'enrichit de coups, d'accidents et de griffures, apportées par le sang bleu de la brosse.
Geneviève Asse
Dans mon enfance, je, j'ai observé quand même beaucoup la nature et peut-être que j'ai pris cette nourriture là, j'ai pris certaines choses, j'ai fait quand même un grand voyage en Grèce et tout ça, j'ai vu des bleus aussi merveilleux. Mais, je suis toujours revenue plus proche de ma région.
Journaliste
L'île Saint Louis à Paris, l'île aux Moines dans le Morbihan, depuis longtemps Geneviève Asse sait que pour créer, il faut se retirer du monde, sans le quitter. Depuis longtemps, elle sait d'instinct comme les oiseaux trouver la voie qui mène au continent de la liberté.