Le culte des morts

31 octobre 1994
01m 51s
Réf. 00452

Notice

Résumé :

La fête de la Toussaint reste en Bretagne une fête religieuse vivace. C'est l'occasion de célébrer ses morts comme en témoigne l'écrivain Pierre Jakez Hélias.

Date de diffusion :
31 octobre 1994
Source :
FR3 (Collection: Rennes soir )
Personnalité(s) :

Éclairage

"En un siècle, presque tout a changé dans la façon de naître, de vivre et de mourir des Bretons." nous dit Ronan Le Coadic. La figure de l'Ankou, les ossuaires, l'importance de la fête de la Toussaint dans le calendrier religieux breton ou encore l'existence de rites propres à la région comme la proëlla à Ouessant, sont autant de preuves de l'importance du traditionnel culte des morts dans la culture bretonne et plus particulièrement en Basse-Bretagne.

Cependant la sécularisation progressive de la société bretonne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a porté un sérieux coup d'arrêt à ces rites de la mort qui étaient encore pratiqués il y a une cinquantaine d'année. Les ossuaires, par exemple, autrefois présents dans tous les cimetières, n'existent plus dans leur forme originelle - c'est à dire avec les os des anciens paroissiens encore conservés - qu'au nombre de trois en Bretagne : à Trégornan en Glomel, Lanrivain dans les côtes d'Armor, et Trémargat. Le détournement de l'ancienne tradition se traduit par les aménagements apportés à ces ossuaires en Bretagne, parfois transformés en simple bâtiment ou atelier communal comme à Pleyben par exemple. Ainsi les anciens rites autour de la mort décrits notamment par Pierre-Jakez Hélias dans ce reportage, comme la veillée du mort dans la maison familiale par l'ensemble de la famille, ne sont guère plus pratiqués de nos jours, puisqu'on ne meurt plus chez soi, mais de plus en plus à l'hôpital ou en maison de retraite.

Ce culte des morts a donc peu à peu disparu à partir des années 1960 et 1970, moment où la sécularisation a frappé au plus fort la Bretagne. Pendant cette période qui a notamment vu la région se moderniser, les rites et les traditions autour de la mort se sont rapprochés et se sont alignés sur des pratiques mortuaires plus classiques. Les rites traditionnels, autrefois collectifs, se sont individualisés, les veillées ont disparues et des pratiques comme les obsèques civiles ou la crémation sont devenues monnaie courante en Bretagne, comme ailleurs. Cependant si les signes de la pratique de cette culture macabre sont de plus en plus rares, on peut noter que la Toussaint reste toujours une occasion de rassemblement de la famille dispersée, autour du cimetière et du souvenir des morts.

Dans ce document l'intervention de Pierre-Jakez Hélias est légitimée par son statut d'expert et de spécialiste de la culture bretonne. En effet, déjà écrivain et homme de radio connu régionalement avant les années 1970, pour la télévision régionale, suite à l'immense succès de son roman Le Cheval d'orgueil. Mémoires d'un paysan breton en pays bigouden publié en 1975, il devient l'expert de l'histoire et la culture bretonne traditionnelle .

Bibliographie :

Pour plus de renseignements sur l'évolution des attitudes autour de la mort en Bretagne au cours du XXe siècle :

Georges Provost, Marie-Armelle Barbier, Attitudes autour de la mort en Bretagne XXe et XXIe siècles, Cahier de l'Institut Culturel de Bretagne n°7, 2005.

Alain Croix, Fanch Roudant, Les Bretons, la mort et dieu de 1600 à nos jours, Messidor Temps actuels, Paris, 1982.

Soline Levaux

Transcription

(Musique)
Journaliste
La Toussaint était, il y a encore quelques années, la fête que tout Breton se devait de célébrer avant Noël et bien avant Pâques. Ce culte des morts a, de tous temps, été très présent dans les mentalités, d'abord lié au paganisme celtique, puis au christianisme. Aujourd'hui encore, on retrouve dans la région ce rapport bien particulier à l'au-delà, et ce alors que la société bretonne s'est radicalement transformée.
Per-Jakez Hélias
C'était une sorte de reprise de contact entre ceux qui étaient ici, c'est-à-dire ce qu'on appelait l'église souffrante, avec l'église triomphante de l'autre côté. Et pour cela, il y avait tout un cérémonial. Vous savez, quand on mourrait, tout le monde arrivait pour voir le mort qui était installé sur son lit. Très bien, il y avait tout un spectacle.
Journaliste
C'était festif, autrement dit?
Per-Jakez Hélias
C'était festif, oui. Et puis, les enfants... Moi quand j'étais petit, on me faisait embrasser la face pierreuse des morts. Vous savez, on a été habitués. Parce que la mort, c'était simplement une sorte de rite de passage entre la vie et puis l'au-delà, quoi. Il ne fallait pas lui accorder tellement d'importance, sinon le départ de quelqu'un qui était de la famille.
Journaliste
Et ils revenaient ces morts quelquefois visiter les vivants?
Per-Jakez Hélias
Ils revenaient toujours le jour des morts, c'est-à-dire le lendemain de la Toussaint. Et à ce moment-là, lorsque j'étais enfant, on nous interdisait de sortir la nuit, parce que la nuit était occupée par les morts, par l'Ankou, vous savez, le valet qui allait...
Journaliste
Ces morts, ils étaient malfaisants alors?
Per-Jakez Hélias
Ils n'étaient pas malfaisants du tout, c'était leur jour, un point c'est tout. On les laissait tranquilles, voilà.
(Musique)