La toile de Bretagne, hier et aujourd'hui

02 février 1965
06m 12s
Réf. 00703

Notice

Résumé :

Les toiles ont grandement contribué à l'essor économique de la Bretagne du XVIe au XVIIIe siècle. Retour sur cette histoire, illustrée par des images de fileuses et de colporteurs. Si cette activité traditionnelle ne représente plus le même poids économique aujourd'hui, quelques tisserands travaillent encore, notamment dans les villes de Dinan, Tréguier, Locronan.

Date de diffusion :
02 février 1965
Source :

Éclairage

De chanvre ou de lin, la production de toile fut la principale industrie bretonne du XVIème au XVIIIème siècle. Cette activité fut à l'origine d'une prospérité économique sans précédent pour de nombreuses cités marchandes ainsi que pour les ports bretons tels que Morlaix et Saint-Malo, à une époque que l'on reconnaît comme étant l'Age d'Or de la Bretagne. Le chanvre était utilisé pour fabriquer des toiles solides et grossières, servant à l'emballage des marchandises ou à la réalisation des voiles de navires.

Venue de la Baltique, la graine de lin arriva à Roscoff en 1490 ; c'est alors qu'a pu débuter la production bretonne. Le lin est alors cultivé intensivement. De grande qualité, il est destiné à la confection de toiles plus fines et plus chères que le chanvre, pour les vêtements et le linge de maison. Produits de renom, les toiles bretonnes font alors l'objet d'une intense activité commerciale sur les mers d'Europe. C'est ainsi que les toiles de lin du Léon, par exemple, sont envoyées en Angleterre. L'industrie rurale fait vivre la région, s'appuyant sur des savoir-faire tels que le filage, et procurant du travail à de nombreux métiers, tels que le paysan producteur de lin, le tisserand et le marchand colporteur.

L'heure de la décadence de l'industrie toilière bretonne a sonné au début du XIXème siècle. Toutefois, l'industrie toilière bretonne n'a pas sombré dans l'oubli car elle continue de marquer le paysage et les mémoires dans la seconde moitié du XXème siècle. De nombreuses traces matérielles portent la mémoire de cet Age d'Or. Tréguier, capitale historique du Trégor, était le lieu de production du meilleur lin et du meilleur chanvre de Bretagne. En fond de l'estuaire de la Rance, Dinan est une cité textile, dont la production de voiles de navires assura l'essor jusqu'au XIXème siècle. Les demeures des riches marchands, comme les maisons en granit de Locronan et les enclos paroissiaux du Léon, à l'image de celui de Plougastel, témoignent de la prospérité économique issue de l'activité toilière. Sur le point d'être oubliée, cette tradition fait l'objet d'une certaine attention dans les années 60. En continuant de faire fonctionner les métiers à bras des tisserands, on renoue avec les savoir-faire, tout en souhaitant les faire perdurer.

Pauline Jehannin - CERHIO – Université de Rennes 2

Pauline Jehannin

Transcription

(Musique)
Journaliste
L'homme éprouva vite le besoin de se vêtir et bientôt, il ne se contenta plus des peaux de bête. Industrieux, il trouvera le moyen de filer la laine, le chanvre, il apprit à tisser et à faire tisser sa femme.
(Musique)
Journaliste
La Bretagne fut longtemps le pays de la toile qui, fine ou plus grossière suivant qu'on fût riche ou pauvre, constituait avant même les écus la dot des mariées que l'on tissait amoureusement le soir à la veillée. Geste antique, celui de la fileuse, a bien sûr disparu presque complètement, et bien rares sont de nos jours les chaumières bretonnes où des doigts comme ceux-ci filent encore la quenouille. Mais jadis aussi elles s'usèrent les yeux, les bretonnes. Ce n'était pas pour la dot de leur duchesse Anne, mais bien pour celle de la rançon de Du Guesclin.
(Musique)
Journaliste
Plougastel, qui s'enorgueillit de ses fraises, de sa presqu'île, de son église et de son célèbre calvaire, fut longtemps un gros centre de tisserands. Les coiffes sont restées, les marchés de la toile ont disparu.
(Musique)
Journaliste
Le pilpous et les vieilles toiles brutes tissées à Plougastel sont aujourd'hui articles de collection. La clientèle ne manquait pas. Il fallait gréer les grands voiliers. Dans les monts d'Arrée, du côté de Brennilis ou Loquefrett, on traitait le chanvre, mais la terre était pauvre. Et tout en cultivant quelques lopins, on avait là résolu avant la date, le problème des échanges. Expédiant leurs marchandises brutes, les marchands - ils étaient plus de 100 il y a un siècle - recevaient en contrepartie de la toile qu'ils partaient vendre le long des routes, de maison en maison, le rouleau sur l'épaule, soutenus de curieuse mais pratique façon par le mètre en bois indispensable en même temps qu'emblème de la profession.
(Musique)
Journaliste
Il ne reste plus guère de ces vieux colporteurs et pourtant, celui-ci n'est pas sorti de notre imagination. Comme son père ou son grand-père, il visite à dates fixes ses clientes, et c'est toujours comme au bon vieux temps, l'occasion de palabrer longtemps avant de conclure l'affaire, de parler de tout ou rien en buvant une bolée de cidre ou un coup de café en attendant que la clientèle se décide. La tradition se meurt pourtant, dans une Bretagne en pleine évolution, le tissage a retrouvé une nouvelle jeunesse et notamment en trois points que nous allons visiter pour vous. A Dinan tout d'abord, la vieille ville, aux rues et aux maisons anciennes, ceinturée de remparts, égayée d'arbres et de jardins qui dominent la Rance, il existe encore de vieux métiers, archaïques certes, mais qui n'en contiennent pas moins le souci de faire vivre son homme.
(Musique)
Journaliste
Dinan, le saviez-vous, a possédé 800 métiers. Là aussi, on tissait la toile à voile pour Saint-Malo et Nantes, 300 mille mètres par an. C'était l'époque où la Bretagne fournissait de la toile à l'Egypte, à la Martinique, à Saint-Domingue, à la Guadeloupe.
(Musique)
Journaliste
A Tréguier, ancienne cité épiscopale de Saint-Yves qui a gardé une physionomie paisible, discrète et d'un charme apaisant, c'est dans une vielle maison du XVIIe siècle que s'est installé un jeune ménage de tisserands. Ils ont décidé de prendre le flambeau et au souffle court du métier, chaque jour ils tissent ces trésors qui feront demain la joie des belles.
(Musique)
Journaliste
C'est, nous a dit le tisserand, le plus beau métier du monde.
(Musique)
Journaliste
Mais dans cette compétition de la toile bretonne, Locronan vient en tête. Locronan ou pays de Ronan, qui s'édifia peu à peu autour du tombeau de l'ermite chassé d'Irlande au Ve siècle et installé dans ce coin d'Armorique où il aborda. Locronan devient au XVIIe siècle une très fière et très riche cité marchande.
(Musique)
Journaliste
Le pays connut une grande prospérité grâce au travail de 500 métiers, deux ateliers qui connaissent encore de nos jours une belle prospérité.
(Musique)
Journaliste
Ce n'est plus pour les voiles qu'on y travaille. Mais on tisse à Locronan de riches linges de table ou des toiles qui serviront à confectionner robes et tabliers appréciés des visiteurs du monde entier.
(Musique)
Journaliste
Des visiteurs qui s'étonnent et s'émerveillent de la danse des fils multicolores.
(Musique)
Journaliste
Des visiteurs à qui la toile de Locronan rappellera sur leur table aux jours de fête le renom des tisserands du pays breton.
(Musique)