La maladie du sillon de Talbert

12 mars 1994
03m 42s
Réf. 00712

Notice

Résumé :

Le sillon de Talbert est menacé de disparition, victime d'un phénomène naturel d'érosion. Il constitue pourtant une protection qui abrite la passe de Bréhat et il est encore utile au séchage du goémon. Rencontre avec un ancien goémonier qui évoque les causes de cette dégradation.

Type de média :
Date de diffusion :
12 mars 1994
Source :

Éclairage

Le sillon de Talbert est un large cordon de trois kilomètres formé de galets situé entre les estuaires de deux rivières : le Trieux et le Jaudy dans la commune de Pleubian dans les Côtes-d'Armor. Il est la résultante du jeu de deux courants convergents et des fortes houles de nord-ouest. Il s'avance dans la mer et crée une protection naturelle contre les fortes tempêtes pour la côte du Goelo et l'île de Bréhat.

Ce milieu somme toute hostile de par les galets et les tempêtes fréquentes présente cependant un grand intérêt écologique. On y trouve le crambe maritime, une espèce de chou protégée qui serait l'ancêtre du chou actuel et aussi le chardon bleu menacé d'extinction. Il est également une étape dans les migrations de nombreux oiseaux et il est site de reproduction pour les sternes naines et grands gravelots.

Dans les années 90, le conservatoire du littoral constate la fragilité du sillon dont le rattachement à la terre paraît menacé. Il est vrai que durant de nombreuses années, les galets du sillon ont été utilisés pour réaliser des constructions à bon marché (le conseil municipal proteste dès 1924) ou pour la construction du mur de l'Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale. De plus, depuis 40 ans, 80 % de la végétation spécifique de la dune a disparu, en grande partie à cause du piétinement du public. Aussi, le conservatoire du littoral a t-il acquis le site (200 ha) entre 2001 et 2004, donc bien après ce reportage qui fait état des problèmes.

Grâce aux travaux menés par le Conservatoire et la commune depuis 2007, la végétation dunaire a fortement repris et contribue maintenant à la stabilité de la dune.

Un chemin de randonnée permet d'explorer le site à marée basse.

Martine Cocaud

Transcription

(Bruits)
Roger Gicquel
Derrière moi, le sillon de Talbert. Or, on ne fait que le deviner à marée basse mais vous le verrez mieux tout à l'heure. Le sillon de Talbert, c'est une formation de galets et de sable, naturelle bien sûr, qui s'enfonce dans la mer jusqu'à trois kilomètres. C'est une digue naturelle, je dirais, de protection pour l'archipel de Bréhat, mais voilà qu'il s'effrite, voilà qu'il y a des brèches. Alors on s'inquiète, c'est l'objet de l'enquête de Valérie Heurtel.
(Musique)
Valérie Heurtel
Trois kilomètres de long sur une largeur variable, le sillon de Talbert étend sa langue de sable et de galets loin dans la mer, offrant son flanc aux agressions des vents et des vagues. Le sillon est presque unique au monde, il en existe un autre exemplaire plus haut là-bas en mer baltique. Il est pour le pays une curiosité touristique, mais aussi un rempart naturel contre les éléments car il abrite la passe de Bréhat et la côte contre les vagues et les tempêtes. Mais il est en lui-même une richesse, lieu de nidification de nombreux oiseaux, piège à poisson et instrument de travail pour les goémoniers qui, comme Jean [Le Nair], ont passé leur vie à arpenter ces plages.
Goémonier
On allait couper le goémon ici et on l'étalait ici pour sécher après. Des fois ça séchait bien, ça dépendait du temps, s'il pleuvait il fallait attendre qu'il soit sec pour le ramasser.
Valérie Heurtel
Aujourd'hui comme autrefois à la belle saison, le sillon sert de séchoir pour le goémon qui partira plus tard enrichir la terre, ou vers les industries de transformation. Combien de temps encore pourra-t-il accueillir ces petits tas d'algues ? D'année en année, agressé par les éléments et victime d'un phénomène naturel d'érosion, le sillon change de forme, s'effondre par endroits se creuse de plusieurs mètres et menace même de disparaître.
Goémonier
Mais le malheur du sillon ici ça a été l'occupation. Parce que les Allemands, ils ont tiré du galet d'ici avec des petits trains qu'ils aveint mis là, il y avait une grue ici en bas du chardon bleu là, pour charger des camions pour faire des blockhaus, le Mur de l'Atlantique. Ce sont des allemands qui ont esquinté le sillon.
Valérie Heurtel
Sans doute les allemands ont-ils contribué à esquinter le sillon. Mais les grands responsables, ce sont surtout la mer et les courants. Dans les parties faibles, la mer creuse son chenal, elle emporte sur sa route les galets, au grand désespoir des scientifiques et des amoureux du sillon, qui multiplient les expériences pour le sauver.
Intervenant
Pour protéger le sillon alors nous avons fait l'enrochement du premier tiers qui résiste très bien, l'engraissement de la dune. Ensuite vous avez vu un tronçon qui est en très bon état, ensuite une partie faible dont on devrait s'occuper au plus tôt puis une expérience avec filet qui, à mon avis, est concluante en efficacité.
Valérie Heurtel
Enroché, saucissonné dans des filets, le sillon tient encore le coup. Sur la côte de Pleubian à Paimpol, sa disparition aurait sans doute des conséquences graves pour la protection des rivages, des parcs à huîtres, de la petite pêche. Faut-il laisser la nature reprendre ce qu'elle a donné ? Depuis quelques temps, dans la région, cette question suscite des passions.
(Bruits)