Deux femmes de marins de Cancale

17 mai 1991
14m 33s
Réf. 00861

Notice

Résumé :

Pendant que les marins voguent sur l'océan, leurs femmes organisent la vie à terre. Habituées à tout gérer seules, elles construisent, dans l'ombre, des vies singulières. Et parfois ces vies sont aussi fascinantes que celles des aventuriers. Rencontre avec deux femmes de patrons pêcheurs de Cancale. Elles racontent leur travail avec leurs maris dont elle vendent la pêche, le souhait de leurs jeunes enfants de suivre leurs pères, leurs difficultés à écouler la marchandise à un prix décent...

Type de média :
Date de diffusion :
17 mai 1991
Source :

Éclairage

Selon un récent rapport du Préfet de la région, la Bretagne fournit 35 % de la pêche maritime française en valeur. C'est donc une région maritime par excellence qui est cependant confrontée aujourd'hui à une dure survie économique, notamment en ce qui concerne l'aquaculture. En 2009, l'Etat s'est engagé à mener une politique de conservation et de gestion de ces milieux fragiles, tout en essayant d'assurer un développement économique durable.

Nous rencontrons ici deux jeunes femmes qui ont une trentaine d'années à la fin des années 1990. Elles expliquent les difficultés auxquelles elles et leurs époux sont confrontés. Ces deux portraits sympathiques rendent bien compte de la réalité de ce qu'est la pêche au cours de cette décennie, mais aussi de la solidarité qui existe dans ce milieu, où l'on s'arme chaque jour de courage pour un métier dur mais aimé. Le secteur de la pêche est confronté à la baisse des prix et à la concurrence économique avec les autres pays. Cette crise se cristallise notamment par des manifestations, comme celle de 1993 où 300 femmes de patrons-pêcheurs manifestent à Saint-Servan, ou encore celle des marins pécheurs à Rennes le 4 février 1994, qui dégénère en émeute. L'émission porte les stigmates de ces soubresauts qui agitent un secteur fragile. Cet extrait montre l'évolution de la place des femmes en Bretagne : dans les années 90, les femmes de marins mais également les femmes d'agriculteurs expriment, par leur présence aux manifestations, la solidarité avec leurs maris ainsi que leur intégration au monde socio-économique

Raphaël Chotard – CERHIO – UHB Rennes 2

Raphaël Chotard

Transcription

Journaliste
Vous avez quel âge ?
Intervenante 1
Ben moi, j’ai 27 ans.
Intervenante 2
Moi, 38 ans.
Journaliste
Votre mari pêche, mais quelle pêche ?
Intervenante 2
Ben, toutes les pêches.
Intervenante 1
Oui, là c’est la seiche pour le moment, vous avez vu. Sinon l’hiver, ils font les coquillages, praires et coquilles. De temps en temps, ils vont au chalut quand le temps le permet, puisque ce sont des petits bateaux qu’ils ont.
Journaliste
Cela veut dire qu’ils sont absents de chez eux, combien de temps en moyenne ?
Intervenante 1
Ben là en ce moment, ils font des 24 heures, mais disons, ils ne viennent pas à la maison de la semaine.
Intervenante 2
Toute la semaine, oui. Ils partent le dimanche et ils rentrent le samedi matin. On ne les voit que 10 minutes par jour, le temps de débarquer, une heure en gros, c’est tout.
Journaliste
Juste pour travailler.
Intervenante 1
Oui, c’est cela. Mais cela, cela dure combien de temps ? La seiche, cela dure combien de temps ?
Intervenante 2
Ben, 4 mois, puis on fait le poisson.
Intervenante 1
Oui, alors ils partent la nuit. Et le jour, ils dorment.
Journaliste
Donc, ils sont à la maison, mais ils dorment.
Intervenante 2
Voilà !
Journaliste
Et cela ne vous fait rien ?
Intervenante 1
Ben oui, parce que souvent le week-end, c’est pareil. Ils arrivent à la maison, ils dorment.
Journaliste
C’est bien ? Cela vous satisfait ?
Intervenante 1
Ben, par moment, c’est un peu énervant. Ben si, c’est vrai parce que…
Intervenante 2
C’est un métier comme cela, on est habitué.
Intervenante 1
Oui voilà, ils sont fatigués. Quand ils arrivent à terre, ils sont crevés.
Intervenante 2
Bon, ils sont fatigués, puis bon ben, on est habitué comme cela. Enfin, je veux dire, on a quand même des loisirs et des moments ensemble.
Intervenante 1
Oui, quand il y a des intempéries.
Intervenante 2
Voilà, les mauvais temps.
Intervenante 1
Vacances obligent.
Intervenante 2
Vacances forcées.
Journaliste
Alors, vous attendez le mauvais temps avec impatience ?
Intervenante 1
Ben non, quand même pas. Non, surtout pas ce temps-là.
Intervenante 2
Non, il ne faut pas que cela dure très longtemps, parce qu’ils sont de mauvaise humeur après.
Intervenante 1
Ah oui, l’humeur, on prend un sérieux coup.
Intervenante 2
L’humeur en prend un coup vis-à-vis du temps. Donc, on préfère les avoir de bonne humeur et en mer.
Intervenante 1
Oui, c’est vrai.
Journaliste
Vous les avez choisis de plein gré ?
Intervenante 2
De toute manière, on est belles sœurs, et c’est les 2 frères. Le père faisait cela, et c’est comme cela. On les a connus, ils étaient pêcheurs. On s’est marié avec eux, vous savez.
Journaliste
Mais vous vous êtes mariés très trop, vous là.
Intervenante 1
Nous, oui, c’est vrai, toi aussi.
Intervenante 2
Oui, à 20 ans.
Journaliste
Alors, cela veut dire que vous, à terre, vous travaillez aussi ?
Intervenante 2
On vend tout.
Intervenante 1
Oui, on vend la pêche. Puis moi, j’ai une autre activité à côté. J’ai des moments difficiles.
Intervenante 2
C’est sûr, elle a du mal des fois quand il y a les deux, parce que bon ben là, elle vient de finir son boulot, puis maintenant, elle est au bateau.
Intervenante 1
Maintenant, je suis aux poissons. Oui, j’ai oublié ma montre d’ailleurs.
Intervenante 2
Puis moi, je ne fais que cela.
Journaliste
Alors, vous avez un restaurant ici à Cancale sur la plage, enfin sur le port. Donc, quand vous terminez le service, vous venez aider votre mari, mais vous l’aidez à quoi faire ?
Intervenante 1
Ben là, il va débarquer sa pêche, puis bon, il faut aller vendre. C’est-à-dire, il faut vendre le poisson, il faut aller le livrer chez divers mareyeurs, divers poissonniers. Bon ben, cela prend un certain temps.
Journaliste
Mais qu’est-ce que vous faites exactement, vous-mêmes, de vos poissons ?
Intervenante 1
On vend tout.
Intervenante 2
On vend tout, tout ce qui rentre dans le camion, on le vend. On le vend à des particuliers, on le vend à des restaurants, on le vend à des poissonneries.
Intervenante 1
Oui, des fois, on se permet de faire du porte-à-porte.
Intervenante 2
On fait du porte-à-porte jusqu’à attendre qu’il n’y ait plus rien.
Intervenante 1
Voilà oui, quand il n’y a plus rien, on rentre.
Intervenante 2
Oui, quand il n’y a plus rien, c’est fini la journée. Des fois, elle est finie, des fois, quand on la débarque à une heure du matin, on est là à une heure du matin. On le met en chambre froide, et on s’attaque le lendemain à 7 heures. Tout ce qui est débarqué passe par nos mains, voilà, c’est tout. Eux, ils sont à bord et ils pêchent, et nous on est à terre, on s’occupe de tout entre les vivres, les papiers et la commercialisation du poisson et de tout. De toute manière, dans un métier comme cela, il faut être deux. Lui, il est en mer, il ne faut pas qu’il pense….
Intervenante 1
Oui, parce qu’ils sont en mer, ils ne peuvent rien faire à terre.
Intervenante 2
Il ne peut pas penser qui c’est qui va être sur le quai, il ne peut pas.
Intervenante 1
Non, c’est complètement différent.
Intervenante 2
C’est un métier qu’on ne peut faire qu’à deux, parce que sinon, les gars ils ne peuvent pas.
Intervenante 1
Non, ils n’y arrivent pas.
Intervenante 2
Ils n’y arrivent pas, c’est rare. Bon ben, ceux qui sont les mieux soutenus, c’est quand même ceux que leurs femmes s’occupent d’eux.
Journaliste
C’est votre femme ?
Intervenant 3
Oui, elle est en face de moi.
Journaliste
Ah bon, d’accord. Bon, cela fait combien de temps que vous ne l’avez pas vu ?
Intervenant 3
Depuis hier, oui, 24 heures.
Journaliste
Est-ce qu’elle a beaucoup changé ?
Intervenant 3
Non, elle a 24 heures de plus.
Journaliste
Elle nous dit que finalement, quand vous rentrez à terre, vous dormez beaucoup.
Intervenant 3
Ah oui, quand je rentrais, je viens me coucher jusqu’à demain matin.
Journaliste
Vous avez beaucoup d’enfants ?
Intervenant 3
Une fille.
Intervenante 2
Moi, j’en ai 4 quand même, vous voyez, j’ai eu le temps en même temps de faire. J’en ai 4 et c’est moi qui m’en occupe.
Intervenant 1
Vous avez eu le temps de les faire ?
Intervenante 2
On a le temps, même qu’il dort, de temps en temps on prend le temps. Non, mais vous savez, ce n’est pas un métier pire qu’un autre.
Intervenante 1
Non, cela s’est bien amélioré.
Journaliste
Alors, sur le plan de la vie familiale. Etant donné que le mari est toujours absent ou souvent absent, c’est vous qui continuez à prendre les décisions ?
Intervenante 2
Ben, on a quand même le temps de se parler quand c’est des grosses décisions à prendre. Mais mettons des décisions comme une fois, ma fille a eu un accident de moto. Bon ben là, c’est là qu’on se dit qu’il n’est pas là quoi. La décision, il faut la prendre tout de suite, ce n’était pas très grave. Mais bon, c’est sûr que de temps en temps, il nous manque. Enfin, si on a vraiment un événement, on s’arrange.
Intervenante 1
Enfin, on y arrive, parce qu’on a quand même des liaisons quand même avec eux, pratiquement tout le temps avec le bateau.
Intervenante 2
Oui, tout le temps à la maison, on est toujours en relation avec eux avec le bateau. On leur parle tout le temps, et ils nous parlent.
Intervenante 1
Et on les entend.
Journaliste
Ce n’est pas comme autrefois.
Intervenante 2
On les entend, tout le temps les enfants leur parlent.
Intervenante 1
Il y a le téléphone à bord.
Intervenante 2
Ils ont le téléphone, ce sont des courageux de toute manière, je peux vous dire. Ce sont des mecs qui en veulent, ils sont courageux, c’est tout. Mais ce sont des types qui ne se laisseront pas abattre pour des bricoles ou des choses comme cela. Ils ont un métier dur, ils ont un caractère dur, et nous, on suit derrière. On est obligées, on n’est pas là pour leur dire, tu es fatigué, on reste là. On aurait bien envie de leur dire.
Intervenante 1
Vas-y, il fait beau.
Intervenante 2
Mais non, il ne faut pas.
Intervenante 1
Force 7, il fait très beau dehors.
Intervenante 2
Il ne faut pas leur dire cela, parce que c’est le travail cela.
Journaliste
Vos enfants, vous les formez durement, enfin assez ?
Intervenante 1
Ah non !
Intervenante 2
Non, de toute manière, moi j’ai déjà 3 fils, c’est les aînés. Mon fils, il a 6 ans, il va en mer.
Intervenante 1
Lui, il a de grandes chances de ne rien dire.
Intervenante 2
L’autre jour, j’ai entendu une réflexion, regarde, les enfants, à quel âge on les exploite.
Journaliste
Il vous a dit cela à 6 ans ?
Intervenante 2
Non, une dame qui passait, parce qu’il était tout noir. Il avait fait donc, je ne sais pas, 24 heures de mer. Mais mon fils, c’est là qu’il est le plus heureux. Plus il est noir, plus il est content.
Intervenante 1
Ma fille, elle aime bien aller sur le bateau avec son père.
Intervenante 2
Il n’a que 6 ans, et il y va depuis 2 ans. A l’âge de 4 ans, il part, et il touche tout. Mon mari se sauvait de l’école pour aller en mer. Il se sauvait de l’école. Ben lui, il fera pareil, on est content. C’est une petite fierté quand même de se dire, bon, on a des gosses. Je ne lui souhaite pas peut-être ce métier, parce qu’il est dur, mais s’il l’aime, moi je trouve que faire un métier qu’on aime, c’est le principal.
(Bruit)
(Musique)
Journaliste
Alors, par exemple, le bateau, vous le connaissez ? Le bateau sur lequel votre mari pêche ?
Intervenante 1
Oui !
Journaliste
Vous y allez ?
Intervenante 1
Oui !
Intervenante 2
Oui, c’est sûr, quand c’est la caravane on va.
Journaliste
Qu’est-ce que c’est la caravane ?
Intervenante 2
La pêcheuse d’huîtres, et on fait le matelot.
Intervenante 1
On ne vous a pas parlé de cela ? Monsieur Pichon ne vous a pas parlé de cela ?
Journaliste
Ben non, mais je ne l’ai pas encore vu. Qu’est-ce que c’est alors la pêcheuse d’huîtres ?
Intervenante 2
La pêcheuse aus huîtres sauvages, elle a eu lieu au mois de mars là.
Intervenante 1
Tous les bateaux de pêche ont le droit d’aller à l’huître sauvage.
Journaliste
C’est donc, une fois par an ?
Intervenante 1
Non, la dernière, c’était il y a 3 ans, 2 ans.
Intervenante 2
2 ans, on fait des sondages et….
Intervenante 1
Ben, c’est les affaires maritimes qui font des sondages.
Intervenante 2
Puis, quand ils estiment qu’il y a assez de naissains d’huîtres sauvages, ils nous octroient un droit de 3 jours, cela dure….
Intervenante 1
C’était combien cela ?
Intervenante 2
4 heures, de 8 heures à midi.
Intervenante 1
Oui, c’est cela, pendant 3 jours.
Journaliste
Alors là, vous allez avec vos maris ?
Intervenante 2
Oui, parce qu’il faut beaucoup de mains d’œuvre pour trier.
Intervenante 1
Main d’œuvre à trier, parce qu’il n’y a pas que des huîtres, il y a énormément de coques.
Intervenante 2
Voilà, et il faut trier les coques et les huîtres. Alors, on emmène les gosses, et les femmes et tout ce qu’on trouve.
Journaliste
C’est une sorte de fête, quoi.
Intervenante 2
Oui, à Cancale, la caravane. Là bon, on a beaucoup parlé de caravane de Pâques, comment cela s’est passé ? Jean Vercel en avait fait un livre. Cela s’est passé justement à Pâques cette année, cela avait vraiment été la caravane de Pâques. Cancale a été toujours réputée depuis Louis XIV pour ses huîtres plates et sauvages, j’en ai justement dans la camionnette.
Intervenante 1
Il ne faut pas le dire, on n’a pas le droit normalement de les pêcher.
Journaliste
Des grosses là ?
Intervenante 2
Voilà, les pieds de cheval, et c’est cela la caravane, et c’est très chouette. Le bateau, on le connaît bien sûr, parce que de toute manière….
Intervenante 1
Pendant la construction, on a assisté.
Intervenante 2
Pendant la construction, on le connaît parce qu’on l’a beaucoup vu, on a attendu. C’est comme un enfant, c’est à nous, c’est comme un gosse cela.
Journaliste
Mais est-ce que ce n’est quand même pas la propriété du mari, étant donné ?
Intervenante 2
Non, pourquoi ?
Journaliste
Vous y sentez à l’aise sur le bateau ?
Intervenante 1
Ah oui !
Journaliste
Alors finalement, en ce moment, la pêche a beaucoup de problèmes si on lit les journaux.
Intervenante 1
Enormément, ah oui. Ben nous en ce moment, on a de la seiche là. Elle est vendue trois fois moins cher que par rapport à l’année dernière. Ben, en l’espace d’un an, cela fait quand même une grosse différence.
Intervenante 2
Toutes les semaines, on se demande si on va la vendre.
Intervenante 1
Voilà, on a beaucoup de problèmes à écouler notre marchandise, même le poisson, il y a une mévente.
Intervenante 2
Une mévente totale, la coquille Saint-Jacques, ça a été pareil.
Intervenante 1
Les prix sont au plancher quand ils ne sont pas en dessous.
Intervenante 2
Nous, quand on voit le prix où c’est revendu dans les villes, et que nous on vend et qu’on se bat pour la vendre, c’est scandaleux de toute manière. On ne fait rien pour nous. Moi je dis que les paysans, ils rouspètent, ils ont toujours quelque chose. Nous, on a beau rouspéter, on n’a rien, cela ce n’est pas normal.
Intervenante 1
Disons que les côtiers ne sont pas tellement pris en considération.
Intervenante 2
Non la pêche si, la grande pêche, cela coûte cher. A l’arrivée, on va les soutenir, tout l’hiver on les a soutenus, on leur a donné tant du kilo. Et nous, il n’y a plus de sous dans les caisses, c’est marrant mais il n’y a plus de sous. Alors, ou vous vendez ou vous la gardez.
Intervenante 1
Déjà de toute façon, la saison de sèches pour l’année prochaine est bien compromise. Il y en a plein les frigos, des centaines de tonnes. Elles ne seront pas écoulées en l’espace d’un an, il ne faut pas rêver. Donc, l’année prochaine, moi je dis que si cela se trouve, la seiche, enfin je ne sais pas, elle ne sera pas peut-être ouverte.
Intervenante 2
Comme le plan, il dit qu’il veut supprimer les côtiers, mais il va y arriver de toute manière, parce que les gars, il y en a qui vont se supprimer tous seuls. Ils ne tiendront pas le choc.
Journaliste
Justement, malgré toutes ces difficultés que vous traversez actuellement, vos enfants qui ont 5 et 6 ans, vous les encouragez quand même à continuer.
Intervenante 2
On ne les encourage pas.
Intervenante 1
Non, mais ils sont trop jeunes à cet âge là.
Intervenante 2
On ne sait pas ce qu’ils feront, si pour l’instant, ils font cela pour s’amuser. Mais ce n’est pas de l’encouragement. Nous, on se fait la bille, on a encore des années à faire, on n’est pas rendu. On ne sait pas comment on va faire, peut-être bien pour s’y rendre, mais on y arrivera. De toute manière, on ne se fera jamais abattre, on y arrivera.
Intervenante 1
Moi je sais bien, parce qu’il débarque moi, le mien.
Intervenante 2
Mais on ne peut pas dire qu’on va les encourager à 6 ans. Moi, j’ai mon fils qui a 6 ans, je ne sais pas ce qu’il fera, je ne peux pas vous le dire. Je souhaite pour lui peut-être un autre métier. Dans le fond de moi-même, peut-être que ce n’est pas vrai que je ne le souhaite pas, parce que c’est quand même une liberté aussi, on est libre. La liberté, cela a beaucoup de prix.
Journaliste
Mais on est libre, quand on est en mer, on est libre ?
Intervenante 2
Non, ce n’est pas dans ce sens là.
Journaliste
C’est dans quel sens alors ?
Intervenante 2
La liberté, je ne sais pas, si vous avez envie là, ces gars-là, ils sont contents, ils travaillent. On ne peut pas dire qu’on ne gagne pas notre vie. On la gagne, il ne faut quand même pas cracher dans la soupe. Heureusement, tout le monde travaille, tout le monde gagne de l’argent. Mais je veux dire, vous n’avez pas de patron, vous n’avez personne qui est au-dessus de vous. On est artisan quand même. Mais c’est un bon métier pour moi, je ne verrais pas faire autre chose.
Journaliste
Alors, quand on vous demande, profession, qu’est-ce que vous dites ?
Intervenante 2
Pêcheur.
Journaliste
Cela n’existe pas au féminin, je constate.
Intervenante 2
Non, une femme de pêcheur, c’est tout.
Journaliste
C’est pas mal.
Intervenante 2
C’est très bien.C’est super.
Journaliste
Pourvu que cela dure.
Intervenante 2
Mais il y en aura toujours. Cela a toujours existé, et c’est ceux qui tiendront, ceux qui l’ont dans la peau, c’est tout. Vous savez, les pêcheurs, les vrais, ils ne savent faire que cela, ils ont cela là. Puis bon, ils peuvent avoir des années noires et des années meilleures, mais c’est leur métier. Leur métier, c’est plus que tout.
Journaliste
Est-ce qu’à un moment de votre vie, vous avez été découragé complètement ? Cela vous est arrivé ou pas ?
Intervenante 2
Non, parce qu’on a toujours confiance. J’ai une totale confiance en lui, et puis il a confiance en moi. De toute manière, il compte sur nous, c’est nous qu'on est à terre. Donc, il faut leur remonter le moral, toujours leur dire, mais cela ira mieux demain, tu vas voir, on va y arriver et tout. Le prix, ce n’est pas grave s’il y a le tonnage. C’est cela quoi, c’est tout le temps, c’est deux, c’est un métier qu’on fait à deux. C’est tout ce que je peux vous dire.
Journaliste
Bonne pêche !
Intervenante 2
Oui, on recommencera demain, on se reposera ce soir.