Alan Stivell

05 décembre 1984
06m 57s
Réf. 00873

Notice

Résumé :

Jacques Chancel reçoit le chanteur Alan Stivell. Il évoque ses harpes celtiques, son père qui refabriqua une harpe celtique, la fabrication de ces instruments, ses débuts, son succès. Il parle du livre de Pierre Jakez Helias, "le cheval d'orgueil", de sa rencontre avec Angelo Branduardi, de la prédominance de la musique américaine.

Type de média :
Date de diffusion :
05 décembre 1984
Source :

Éclairage

Cette Radioscopie complète l'hommage que l'Ouest en Mémoire rend à Alan Stivell en laissant largement la parole à l'artiste. Constatant qu'il pratique la musique celtique depuis plus de 30 ans, il évoque son art et celui de la harpe celtique à laquelle son père l'a initié, mais aussi les influences artistiques qui l'ont marqué et qu'il a conjuguées à la tradition pour affirmer une identité bretonne contemporaine.

Alain Cochevellou, qui ne s'appelle pas encore Stivell, a de la musique dans les oreilles depuis qu'il est tout petit. C'est son père qui a fait revivre en Bretagne la harpe celtique, oubliée depuis huit siècles. Il a également été membre très jeune de plusieurs bagadou, notamment celui de Paris, Bleimor. Il a ainsi participé directement au renouveau de la musique celtique, par le biais de ces groupes de sonneurs, à la fin des années 1950 et pendant les années 1960.

A la fin des années 1960, il prend le nom d'Alan Stivell (la source), et commence à jouer des morceaux aux sonorités plus modernes. En 1967, le jeune musicien signe un contrat avec Sony et vend rapidement 10 000 disques. Mais c'est l'album « Renaissance de la harpe celtique » qui le fera vraiment connaître en le propulsant en tête des ventes de disques en France et en Europe. Un succès notamment dû à « Pop Plinn », un air de danse interprété à la guitare électrique et à la batterie. A la suite d'Alan Stivell, et d'autres groupes poussés par la même motivation, des milliers de jeunes Bretons se réapproprient peu à peu leur culture, la langue, les festoù-noz.

En 1972, le concert d'Alan Stivell à l'Olympia est diffusé en direct à la radio avant de devenir un disque. Le succès continuera tout au long des années 1970. On voit le chanteur et musicien sur les scènes de Bretagne, en soutien aux luttes sociales et aux luttes pour la reconnaissance de la culture bretonne, aux côtés d'autres artistes comme Gilles Servat, Glenmor.

Martine Cocaud – CERHIO – UHB Rennes 2

Martine Cocaud

Transcription

Jacques Chancel
Alan Stivell, j’ai là devant moi la pochette de ce disque, la musique que l’on entend, La Renaissance de la Harpe celtique et je m’aperçois que c’est l’enregistrement américain avec le titre américain.
Alan Stivell
Ça c’est le, la distribution américaine quoi, qui a été, qui est sortie il y a deux ans, seulement, il s’avère qu’il avait été en import il y a une dizaine d’années. Mais là, ça a été distribué seulement il y a deux ans maintenant.
Jacques Chancel
Comment est-elle cette harpe ?
Alan Stivell
Ben en fait, c’est une harpe évolutive, puisque c’est une harpe à géométrie variable. Puisque en fait, mon père avait donc recréé la harpe celtique, et sa première harpe était son chef-d’œuvre quoi ! Et quand il est mort, euh, après j’ai voulu faire d’autres harpes, dessiner d’autres harpes, du fait en plus que donc, il avait fait une harpe à cordes nylon et j’aime aussi les harpes à cordes métal et la harpe à cordes métal, il avait moins étudié, moins travaillé. Et donc, là actuellement, j’ai une harpe qui évolue sans arrêt. Là je viens juste en Italie d’échanger ma dernière harpe celtique. Le luthier milanais, enfin je veux dire, c’est un juste retour des choses parce que Milan a été fondée par les celtes. Le luthier milanais qui fabrique mes, des harpes celtiques, et qui a, il avait pris 150 photos de ma harpe sur scène. Donc, je lui ai dessiné une nouvelle harpe et tous les ans maintenant, on va les changer, on va…
Jacques Chancel
Vous avez des élèves qui suivent un peu et l’enseignement de la harpe et la fabrication d’une harpe ?
Alan Stivell
Là, il y a, il y a maintenant énormément de gens qui apprennent à en jouer. Pour la fabrication, il y a aussi beaucoup de fabricants. D’ailleurs, on est stupéfaits de voir que dans, d’ailleurs il y a une revue américaine qui s’appelle Folk Harp Journal, qui est essentiellement consacrée à la harpe celtique. Les Japonais également fabriquent des harpes celtiques. Donc, on voit des publicités pour plusieurs fabricants en Australie. Là, c’est la grande victoire de mon père en fait, quoi. Puisque ça, ça me paraît, ça paraissait, un compositeur breton qui s’appelait Jef le Penven, n’y croyait pas lui-même. Il pensait pas que la harpe celtique, qui a certaines limites par rapport à la harpe de concert, avait des chances de pouvoir renaître en Bretagne.
Jacques Chancel
J’ai eu la chance de vous voir marcher, depuis une quinzaine d’années, parce que tout a commencé en 1970 à peu près, hein ?
Alan Stivell
Oui.
Jacques Chancel
1970,
Alan Stivell
Oui.
Jacques Chancel
Et on pouvait penser au départ, Alan Stivell que ce serait une mode. Que vous inventiez un genre, que c’était une manière pour vous de vous lancer, vraiment dans les grands concerts de chansons.
Alan Stivell
C’est ce qui est un petit peu difficile, si vous voulez, c’est que évidement, le grand public a un peu tendance à forcément connaître quelqu’un à un moment où il est connu par beaucoup de gens. Et du fait, les choses peuvent, on a un peu tendance à penser : Untel est venu au bon moment et cetera, quoi. Et j’ai commencé, j’ai fêté mes 30 ans de musique celtique récemment quoi ! Donc, le bon moment, il est venu en fait, il y a jamais de bon moment, enfin je veux dire les choses se sont effectivement peut-être croisées un moment, mais j’ai commencé en 53 et il a fallu donc attendre pas mal d’années avant que…
Jacques Chancel
Vous avez lu Le Cheval d’Orgueil , qui a…
Alan Stivell
Oui.
Jacques Chancel
Eté un moment fort aussi dans l’histoire de la Bretagne,
Alan Stivell
Oui.
Jacques Chancel
Un moment qui a été aimé, et détesté aussi par d’autres !
Alan Stivell
Je connais beaucoup Pierre-Jakez Hélias, et je l’ai connu, il m’a connu tout petit aussi. Et ce qui est assez intéressant, c’est que en fait, je crois que il y a eu de grandes querelles là-dessus mais je crois qu’en fait, la Bretagne, c’est l’adition de Pierre-Jakez Hélias, de Xavier Grall et de, d’autres gens, de Glenmor, et cetera quoi !
Jacques Chancel
Moi, je crois beaucoup aux échanges, je crois beaucoup aux rencontres et j’ai le souvenir de celle que j’avais organisée, c’est-à-dire vous, Alan Stivell et Angelo Branduardi. Et puis comme les années passent vite, comme vous avez chacun de votre côté beaucoup d’occupations, les choses ne se font pas. Et c’est dommage, parce que ce sont deux tempéraments qui allaient ensemble.
Alan Stivell
Oui, mais j’aime beaucoup Angelo et il y a des croisements comme ça parce que il a des, justement des recherches qui se retrouvent en fin de compte. Je pense que ça, que Angelo part de la même, du même point de vue qui est bon, la musique américaine ou une certaine imitation de la musique américaine, c’est bien mais il faut, il y a autre chose aussi de possible ! Eternellement, les Européens vont pas se contenter d’imiter le, les anglo-saxons. Pour moi, il est important qu’il y ait toujours une place, il y aura toujours une place pour la musique américaine dans ma radio mais ça pourrait être une radio.
Jacques Chancel
Ça vous révolte quand même. Ça vous révolte un tout petit peu d’entendre tant de chansons américaines. Tant de musiques américaines.
Alan Stivell
Je pense que personnellement, moi j’étais très influencé par la musique américaine. Je veux dire, je ne le nie pas, je suis influencé par moment dans…
Jacques Chancel
Le jazz d’abord !
Alan Stivell
Le jazz, le rock, je suis influencé par ce qu’il y a dans le monde entier. Mais je crois que ce qui est très important, c’est d’essayer de manifester sa propre identité. Et alors là, il y a une tension qui est quelquefois mal comprise, parce que on va dire, du moment aussi qu’on a accepte des influences extérieures, on va dire non, on se nie soi-même. Et en fait, toute culture de toute éternité a toujours vécu que par la digestion d’influences extérieures, quoi. Mais seulement, il faut pouvoir les digérer et je crois très intéressant que les Américains commencent à chanter en breton, commencent à être influencés eux-mêmes aussi par l’Europe.
Jacques Chancel
Vous rêvez un tout petit peu là parce que…
Alan Stivell
Ça existe hein !
Jacques Chancel
Oui, ça existe mais…
Alan Stivell
Ça me paraît…
Jacques Chancel
Ça ne va pas très loin quoi !
Alan Stivell
L’échange culturel, il doit aller dans les deux sens.
Jacques Chancel
Avouez Alan Stivell, lorsqu’on se promène aux Etats-Unis, on n’entend pas beaucoup de chansons françaises !
Alan Stivell
Non et enfin, bon ça…
Jacques Chancel
On entend quelques musiciens français, oui en revanche.
Alan Stivell
Ça va venir quoi, parce que bon, moi personnellement, je fais des tournées donc assez régulièrement là-bas maintenant, et…
Jacques Chancel
Aux Etats-Unis ?
Alan Stivell
Et d’ailleurs, ce disque que vous avez sous les yeux, Renaissance de la Harpe celtique , c’est donc la version américaine du disque.
Jacques Chancel
Vous faites beaucoup de tournées dans le monde ?
Alan Stivell
Ben j’en fais essentiellement dans le monde, là dans le…
Jacques Chancel
Aux Etats-Unis ?
Alan Stivell
Dans les derniers 6 mois, là c’était une tournée européenne surtout parce que j’ai pas été en Amérique quand même là depuis deux ans. Là je vais y retourner au printemps, et autrement c’est donc en Italie, en Allemagne, en Espagne.
Jacques Chancel
Lorsque vous faites ces tournées, vous êtes seul ou vous êtes accompagné maintenant d’une troupe, d’une troupe de fidèles.
Alan Stivell
Depuis, depuis une dizaine d’années donc, j’ai été en permanence avec un groupe.
Jacques Chancel
Oui.
Alan Stivell
Et là, j’ai décidé en septembre de repartir en solo au moins pour la saison. Peut-être après, je continuerai ça parallèlement.
Jacques Chancel
Les concerts que vous avez donné à Paris, là ?
Alan Stivell
J’ai trop besoin de ça aussi personnellement et à la limite, je recevais aussi du courrier de gens qui me réclamaient plus de harpe aussi et… Le problème, c’est que j’ai, j’aime beaucoup me balader musicalement quoi. J’aime bien découvrir des nouvelles choses et j’ai eu envie de faire quelque chose beaucoup plus sur la harpe et faire un disque de harpe prochainement. Heu, qu’au moment où j’avais une nouvelle harpe et qui me donnait envie à la limite de, mais là, ça mais autrement !
Jacques Chancel
En décembre là, Alan Stivell, vous allez donner une série de concerts, je crois, à Paris ou près de Paris.
Alan Stivell
Et bien, dans Paris là, à Saint-Julien-le-Pauvre, là le 14 et 15 décembre. Et donc là, c’est du solo total donc je ré-inaugure une formule que j’ai, très ancienne.