La plage de l'étang d'Isle à Saint-Quentin

11 juillet 1981
03m 47s
Réf. 00108

Notice

Résumé :

Reportage à Saint-Quentin où une association gère avec l'aide de la municipalité une plage le long du canal pendant la durée de l'été. Cela permet à de nombreux enfants qui ne peuvent pas partir en vacances de s'adonner à des jeux nautiques. Le président de l' association présente l'activité et évoque les problèmes d'envasement du canal.

Date de diffusion :
11 juillet 1981
Source :

Éclairage

La "plage de l'étang d'Isle", qui jouxte le canal de Saint-Quentin et et la Réserve naturelle du marais d'Isle, constitue aujourd'hui le rendez-vous estival des baigneurs axonais. Le projet de création de cette plage remonte à la fin des années 1970. S'il brille alors par son originalité, l'aménagement d'un espace de baignade à la proche périphérie de la ville n'est pas réellement une nouveauté. Les bains citadins (dits également "pleine eau") ont en effet une histoire centenaire en Picardie. On pense par exemple à ceux de l'Île aux Fagots : implantés au cœur des hortillonnages et alimentés par les eaux de la Somme, ils deviennent dans les années 1930 un espace de loisirs prisé de la population amiénoise. Les bains constituent alors un lieu de détente, de convivialité et de régénération du corps mais aussi un espace éducatif où les jeunes citadins apprennent les rudiments de la natation. Plébiscités à l'origine par des jeunes issus de milieux populaires, mais aussi des militaires et des mariniers, ils touchent progressivement l'ensemble du corps social au cours de l'entre-deux-guerres. Ils tendent néanmoins à péricliter en Picardie après la Seconde Guerre mondiale : la pollution des cours d'eau conjuguée au succès de la pratique en bassin amènent en effet les populations à délaisser les rivières et les plans d'eau au profit des piscines.

Ce désintérêt n'est que provisoire. Les baignades de pleine eau, dont celle de Saint-Quentin, connaissent un nouvel essor au cours des années 1970. C'est en effet à cette période qu'émergent, dans la société, de nouvelles représentations du corps : la "civilisation des loisirs" valorise le "corps de plaisir" (sensations, hédonisme) au détriment du "corps productif" (efforts, souffrance). C'est également à ce moment que s'opère une "naturalisation de la ville", c'est à dire le développement, au sein des espaces urbains, de pratiques revendiquant un lien avec la nature. Suivant le modèle des stations balnéaires, la plage de Saint-Quentin s'organise alors principalement autour de pratiques récréatives (toboggans, plongeoirs, pédalos, balancelles) et de détente. Elle devient par ailleurs le lieu où le baigneur se met en scène, où il montre toute l'attention qu'il porte à son corps (bronzage, musculature). Mais le développement de la plage axonaise correspond aussi à un enjeu social et sanitaire. Cet équipement accueille des populations de tous âges et de toutes conditions sociales. Il contribue ainsi à l'amélioration du cadre de vie local, prenant le relais des grandes institutions traditionnelles (colonies de vacances, mouvements de jeunesse, patronages) dont certaines sont sur le déclin. C'est en ce sens que l'association qui assure le fonctionnement de la plage reçoit d'importants subsides de la part de la municipalité.

Le succès rencontré par le site de l'étang d'Isle incite la ville de Saint-Quentin à développer d'autres initiatives autour des loisirs d'eau, telle la "plage de l'Hôtel de Ville". Aménagée pour la première fois en 1996 (soit six ans avant "Paris Plages"), cette animation transforme tous les étés le cœur historique de Saint-Quentin en un espace de détente et de jeux aquatiques. Accueillant plus de 270 000 visiteurs en 2013, elle constitue un temps fort de la vie locale et vient avantageusement compléter l'offre de loisirs déjà proposée à la "plage de l'étang d'Isle".

Sébastien Stumpp

Transcription

(Musique)
Dominique Labarrière
Au cœur de la ville, une bande de sable de quelques centaines de mètres de long sur 25 mètres de large. Des cris, des enfants, des couleurs. Voici ce qu’ici, on appelle volontiers et avec quelques prétentions, la plage de Saint-Quentin.
(Musique)
Dominique Labarrière
Régie par une association loi de 1901 bénéficiant d’une subvention municipale de 400 000 francs par an, la plage de Saint-Quentin pourrait être une banlieue d’Antibes ou de Sainte-Maxime. Mais pour de nombreux enfants qui ne partiront pas cet été, c’est tout simplement la plage.
Président
C’est intéressant du point de vue social parce qu’il y a encore beaucoup de petits enfants qui ne partent pas en vacances et qui peuvent trouver ici, tout au moins quand le temps le permet, et qu’ils peuvent trouver ici un lieu de repos, de loisir, de jeux nautiques également, n’est-ce pas, et à des tarifs que vous avez pu constater à l’entrée qui sont vraiment bas puisque depuis plusieurs années, nous n’avons pas augmenté nos prix, justement pour que ces petits enfants puissent venir facilement.
Dominique Labarrière
Vous connaissez le tarif, monsieur le président ?
Président
Je ne connais pas le tarif, non.
Dominique Labarrière
Je crois que c’est 3,50 francs.
Président
C’est 3,50 francs. Pour les adultes, pardon je le connais quand même suffisamment. 3 francs. 3 francs. Et 1,50 francs pour les enfants.
Dominique Labarrière
D’accord.
(Musique)
Dominique Labarrière
Tu t’es baignée ce matin ?
Enfant
Oui.
Dominique Labarrière
Alors comment elle était ?
Enfant
Elle n’est pas tellement froide.
Dominique Labarrière
Elle n’est pas sale, l’eau ?
Enfant
Un peu.
Dominique Labarrière
Elle est un peu sale ? Ah bon ?
Enfant
Il y a des herbes dedans.
Président
Les eaux de l’étang d’île sont régulièrement surveillées par le laboratoire départemental qui vient faire de multiples prélèvements et qui nous avise si… qui nous aviserait, tout au moins, s’il y avait de la pollution. Les recherches sont faites de façon très méticuleuse avec comptage des germes microbiens, des bactéries d’origine intestinale qui seraient, évidemment si elles étaient en grand nombre, la preuve que ces eaux ont été polluées par des matières organiques.
Dominique Labarrière
C’est vrai que la pollution peut être un danger, ici, au milieu de la ville. Le risque est grand. Les précautions sont donc nombreuses. Le président de l’association est un pédiatre, chef de service de l’hôpital de Saint-Quentin. C’est un peu la caution médicale de la plage. Après le secteur sanitaire, la plage connait une autre difficulté : l’envasement. Régulier, inéluctable, entêté, saison après saison. Et le travail des 7 employés permanents de la plage ne peut enrayer cette contrainte naturelle. L’argent municipal serait bienvenu pour aménager le secteur. Seulement la note est salée, et 400 000 francs par an, c’est déjà une aide non négligeable. Certains mauvais esprits ajoutent que les enfants ne sont pas encore des électeurs et donc leur sort n’est pas prioritaire. N’empêche que pour 1100 personnes, le dimanche, c’est le record d’affluence de la plage en 1980. Ce lieu, un peu petit mais surprenant en pleine ville, est une bénédiction. A l’époque du temps libre que l’on aménage, cet espace avec ses défauts, ses inconvénients est, malgré tout, une chance pour de nombreux petits Saint-quentinois.
(Bruit)