Séquestration des membres de l'université de Picardie et manifestation d'étudiants

10 mars 1976
02m 26s
Réf. 00210

Notice

Résumé :

Les étudiants au bout de leur cinquième semaine de grève réclament la dissolution de l'association université de Picardie et patronat. C'est l'application de la réforme 2ème cycle. Les étudiants contestent la tenue du Conseil d'Université au moment des vacances. Roland Perez, président d'université explique que le conseil a été perturbé et après avoir levé la séance, il a été "retenu". D'après lui, Le conseil ne pouvait pas modifier l'ordre du jour. Le 19 mars le conseil étudiera les modalités d'un conseil de développement qui rendra caduc l'association passée. Images de la manifestation pour l'abrogation de la réforme Soisson.

Date de diffusion :
10 mars 1976
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Éclairage

La grève étudiante de 1976 contre la réforme du deuxième cycle universitaire est alors la plus longue depuis les événements de mai-juin 1968. Mais, le mouvement est cette fois provincial et c'est l'Université d'Amiens qui est à l'avant-garde. Dès février 1976, les étudiants picards se mobilisent et prennent possession des locaux du campus. Ainsi, des fresques colorées – depuis recouvertes par des badigeons – habillent rapidement les murs du bâtiment D. Inorganisé, le mouvement, qui a gagné l'ensemble des universités françaises courant mars et pris de l'ampleur, se structure autour d'une "coordination nationale" étudiante, qui siège à Amiens début avril. Roland Pérez, président de l'Université de Picardie, s'engage aux côtés des étudiants et des enseignants contre la politique gouvernementale. Il affirme en particulier son hostilité à l'arrêté publié en janvier par la nouvelle secrétaire d'Etat aux universités, Alice Saunier-Seïté avec qui il débat en direct à la télévision, s'affirmant comme le porte-parole des présidents d'université hostiles à la réforme. Ce texte, qui est à l'origine de la mobilisation, crée de nouvelles filières en second cycle (licence-maîtrise), invite les universités à rapprocher leurs formations des débouchés et fait de la licence – qui est alors un diplôme d'études approfondies à la fin de la troisième année d'études – un diplôme terminal sanctionnant une formation portant sur les éléments fondamentaux d'une discipline ou ayant un objectif professionnel. D'après l'arrêté, la licence est ouverte aux titulaires d'un diplôme d'études universitaires généralisées (DEUG, créé en 1973) et peut être suivie par un autre diplôme de deuxième cycle, la maîtrise. Le texte donne aussi aux universités l'initiative pour définir les enseignements, leurs intitulés et leurs contenus, tout en laissant au ministère le contrôle des habilitations relatives à la délivrance des diplômes nationaux. Cette réforme, en réalité préparée par son prédécesseur, Jean-Pierre Soisson, est immédiatement interprétée par les étudiants comme une tentative de professionnaliser l'université et d'accroître la sélection. Le contexte de crise économique renforce les inquiétudes des étudiants, qui redoutent une dévalorisation de leur diplôme, de se voir interdire la poursuite d'études ou contraint de choisir une filière par défaut, et de ne pas trouver d'emploi à la sortie, du moins pas d'emploi correspondant à leur niveau de qualification. Alice Saunier-Seïté est notamment accusée de livrer l'université à une compétition sauvage voulue par le patronat. Commencé début mars, le mouvement se poursuit durant trois mois, jusqu'à la fin mai, date à laquelle les cours reprennent. Le deuxième cycle universitaire français est ainsi constituée de la licence (un an) et de la maîtrise (un an) jusqu'à la réforme "LMD" (Licence-Master-Doctorat) de 2002 qui modifie l'architecture de l'enseignement supérieur.

Julien Cahon

Transcription

Intervenant
Les étudiants réclament la dissolution de l’association université patronat. C’est une association qui a été conclue entre l’université et Union patronat de Picardie et que les étudiants ont dénoncé dès le début de leur action puisqu’à notre avis, elle est la première application de la réforme du 2ème cycle. La première application locale. Elle nous semble très dangereuse.
Christian Galli
Le conseil d’université n’a pas voulu examiner cette question ?
Intervenant
Le conseil d’université a décidé de l’étudier vendredi prochain, vendredi qui est le jour des vacances pour les étudiants. C’est pourquoi nous voulions, nous voulions avancer cette discussion au mercredi. Parce que mercredi, les étudiants sont présents sur la fac et les étudiants veulent vraiment voir ce qui va se passer à ce conseil d’université, parce qu’il y a quand même une inquiétude de la part des étudiants face à ce conseil d’université qui a mis en place, à Amiens, la réforme 2ème cycle.
Roland Perez
Le conseil a été perturbé. J’ai, en conséquence, levé la séance. Et nous avons été, selon l’usage, retenus, c'est-à-dire empêchés de sortir durant un certain moment.
Christian Galli
Les étudiants, ce matin, vous demandaient donc d’abroger une convention, une charte passée entre l'université de Picardie et le patronat de la région. Et vous avez refusé. Pourquoi ?
Roland Perez
Oui, cette question ne pouvait pas être prise en considération dans la mesure où le conseil d’université extraordinaire était convoqué sur un ordre du jour pré-établi et qu’il ne pouvait donc pas modifier. En second lieu, il est prévu un conseil d’université pour le 19 mars. Ce conseil d’université doit étudier les structures de développement de l’établissement et en particulier mettre en place un conseil de développement qui regrouperait l’ensemble de nos partenaires régionaux extérieurs, ce qui, ipso facto, rendrait caduque la cessation partielle qui aurait pu être passée.
Christian Galli
Est-ce que les événements de ce matin n’ont pas marqué, un peu, la coupure entre le conseil de l’université et les étudiants qui entament leur 5ème semaine de grève ?
Roland Perez
Non, je ne pense pas, entre la… Peut-être, le conseil d’université et un groupe d’étudiants, peut-être, mais je pense que ce même groupe d’étudiants se rendra compte qu’on ne peut pas demander à une institution qui a ses règles de fonctionnement de faire n’importe quoi n’importe comment.
(Bruit)