Une deuxième greffe du visage réalisée à Amiens par le professeur Devauchelle

07 décembre 2009
04m 22s
Réf. 00330

Notice

Résumé :

Invité en plateau, Bernard Devauchelle professeur du CHU d'Amiens, commente la deuxième greffe partielle de visage qu'il vient de réaliser au CHU d'Amiens. L'opération a eu lieu, jour pour jour, quatre ans après la première greffe réalisée sur Isabelle Dinoire. Le reportage (images exclusives de l'opération par France 3) montre les différences de cette greffe avec la première. Cette nouvelle réussite est le résultat du travail de toute une équipe, dont les compétences sont aujourd'hui largement reconnues. Le Pr Devauchelle espère maintenant mener à bien la création d'un centre de recherche consacré à ce secteur.

Date de diffusion :
07 décembre 2009
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Éclairage

Le 27 novembre 2005, le Centre hospitalier universitaire d'Amiens voit se dérouler un événement capital dans l'histoire des transplantations : la première greffe partielle du visage, pratiquée à l'initiative du chirurgien Bernard Devauchelle, en étroite collaboration avec ses collègues Sylvie Testelin et Benoît Langelé et l'équipe du service de chirurgie maxillo-faciale du CHU d'Amiens, et en partenariat avec le service de transplantologie du Centre Hospitalier Édouard-Herriot de Lyon (Pr Dubernard). Spécialiste en matière d'allogreffe, ce service lyonnais a été responsable de l'établissement du traitement immunosuppresseur et du suivi immunologique.

La patiente, Isabelle Dinoire, avait été blessée par son chien dans la soirée du 27 mai 2005. La partie inférieure du visage (nez, joue, lèvres, menton) avait été emportée. Elle avait été hospitalisée à Amiens le 30 mai et le remplacement des tissus manquants par une allogreffe de tissu composite avait été rapidement envisagé comme étant la meilleure solution. L'été 2005 est consacré à la préparation de la greffe et à l'attente des autorisations de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Le succès de la greffe provoquera une forte pression médiatique — dont témoignera en particulier le livre de Noëlle Chatelet, Le Baiser d'Isabelle, paru en 2007 — tandis qu'un important travail scientifique est mené à Amiens autour de la question du visage, avec en janvier 2007 l'organisation d'un colloque international "Un visage, œuvre de main", la publication en 2010, aux éditions Brepols, de La fabrique du visage, de la physiognomie antique à la première greffe, sous la direction de François Delaporte, Emmanuel Fournier et Bernard Devauchelle et la création de l'Institut Faire Faces, lauréat en 2011 du programme "Investissements d'avenir" pour un Equipex.

Le reportage a été diffusé à l'occasion de la seconde greffe, réalisée le 27 novembre 2009, quatre ans jour pour jour après la première greffe, avec la nécessité de greffer de l'os, car le patient avait perdu son maxillaire.

L'entretien diffusé est l'occasion pour Bernard Devauchelle de rappeler que la Grande Guerre, si présente en Picardie, fut la matrice de la chirurgie maxillo-faciale, avec le traitement des gueules cassées dans des "hôpitaux de l'avant" destinés aux blessés de la face, comme l'hôpital auxiliaire d'Amiens, installé dans un édifice religieux loué à la Communauté des Dames de Louvencourt puis agrandi en 1916 au Palais de justice, où travaille le docteur Blot, aidé de 137 personnels, au service des 550 blessés que son service peut accueillir

Une troisième greffe sera réalisée à Amiens le 13 juin 2012 au bénéfice d'une patiente âgée de 52 ans qui présentait, préalablement à l'opération, une grave défiguration des étages moyen et inférieur du visage liée à une malformation artério-veineuse tumorale bénigne agressive.

Cette dernière opération constitue la 22ème transplantation faciale réalisée dans le monde.

Philippe Nivet

Transcription

Antoine Marguet
Alors cette seconde greffe a été très différente de la première d’Isabelle Dinoire que vous avez fait effectuer. Le cas de ce jeune patient est tout à fait singulier. Explication des différences entre ces deux cas. Regardez. Pour cette seconde greffe, c’est tout un menton, os compris, qu’il a fallu implanter au receveur. Toute la mandibule inférieure. Une difficulté technique supplémentaire et inédite pour l’équipe du professeur Devauchelle.
(Bruit)
Bernard Devauchelle
Ce jeune garçon, lui, avait eu un traumatisme beaucoup plus violent, beaucoup plus important que le traumatisme subi par madame Dinoir qui avait un traumatisme superficiel, très défigurant, c’est clair. Mais ce garçon était également terriblement défiguré. Surtout son squelette au-dessous était totalement détruit. Ce qui nous avait posé des problèmes de resensibilisation et de restauration de motricité chez lui.
Antoine Marguet
Il y a quatre ans, Isabelle Dinoire, la première greffée du visage au monde, n’avait reçu que des tissus. Avec là, encore, un résultat esthétique particulièrement réussi. En quelques mois, le greffon s’est parfaitement intégré au visage de la jeune femme. Quelques années plus tard, difficile de retrouver les traces de l’intervention sur son visage.
(Bruit)
Bernard Devauchelle
Il n’y a pas deux opérations qui se ressemblent dans ce domaine tout à fait particulier de la transplantation. Ce n’est pas possible. Chaque nouveau cas est un cas particulier auquel on doit s’adapter même s’il y a des éléments de ressemblance.
Antoine Marguet
Malgré toutes ces contraintes, pour cette seconde opération, le menton a été parfaitement placé. Puis vient le temps de la microchirurgie où il faut recoudre avec ces grands microscopes chaque vaisseau, chaque veine. Travail d’extrême précision. Et puis moment important dans une greffe de visage. Après 10 heures au bloc, voilà que le sang du receveur circule enfin dans le greffon qui rosit. La vie prend possession du transplant. C’est toute la beauté du don d’organe. Bernard Devauchelle, vous voyez ces images. Il y a une émotion particulière à revoir ces images ?
Bernard Devauchelle
Il y a toujours une émotion, oui, très forte, oui. La revascularisation du transplant, c’est faire passer un tissu qui est sans forme, sans consistance à quelque chose de vivant. Non seulement vivant mais quelque chose qui va retrouver complètement toutes ses propriétés physiologiques. On avait été très marqué par cet aspect des choses qui apparait évident, qui tombe sous le sens. Il n’empêche que chaque fois, eh bien, chaque fois, c’est une émotion très forte.
Antoine Marguet
Cette seconde greffe, est-ce que c’est la manière de confirmer la spécialité du CHU d’Amiens autour du visage ?
Bernard Devauchelle
Je crois que la transplantation, on l’a dit, s’inscrit dans une très longue histoire de microchirurgie reconstructrice. Ça s’inscrit dans l’élaboration de techniques, effectivement, de plus en plus sophistiquées qui ont pu être menées grâce à l’adhésion aussi de toute une équipe. C'est-à-dire que c’est gentil, là. On met, là, en avant, quelqu’un. Mais derrière tout cela, il y a toute une équipe de chirurgiens, de jeunes chirurgiens particulièrement performants. Et il y a aussi des infirmières, des anesthésistes. Et effectivement, au fil des années, nous avons été reconnus très au-delà de nos frontières comme étant des spécialistes de la microchirurgie reconstructrice des grands délabrements.
Antoine Marguet
En quelques mots, est-ce que ce sera un argument pour vous ? On sait que vous avez un projet, l’institut Faire face, un centre de recherche. Est-ce que ça sera un argument, cette greffe ?
Bernard Devauchelle
Elle vient, j’allais presque dire, à point nommé. Il nous paraissait important que l’essai fut transformé c'est-à-dire ce qui a été la première transplantation soit transformée par la création d’un centre de recherche. Enfin, on l’a voulu comme cela. Création d’un centre de recherche totalement dévolu à la défiguration. Et là, je crois que là, il y a un projet qui est absolument magnifique. Et pour des raisons historiques aussi. Enfin, là, on est près des champs de bataille de la Grande guerre. Or notre spécialité est née de la Grande guerre. On a là donc un certain nombre d’arguments. Et moi, je veux dire que nous avons reçu, dès que nous avons initié ce projet, un écho extrêmement favorable de la part des collectivités territoriales, de la part de l’ensemble de la communauté. Oui, ce projet, il faut le mener à bien.