Abbeville au Moyen Âge

09 septembre 1989
03m 06s
Réf. 00438

Notice

Résumé :

Depuis le IXe siècle, Abbeville a vécu avec plus ou moins d'intensité les grands moments de l'histoire de France. Robert Mallet en retrace les origines

Type de média :
Date de diffusion :
09 septembre 1989
Source :
FR3 (Collection: Pour mémoire )
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Éclairage

C'est avec une réelle précision et un vrai sens de l'érudition que l'écrivain picard Robert Mallet évoque le passé glorieux de la cité d'Abbeville qui fut l'ancienne capitale du Ponthieu, l'une des cinq villes du nord de la France les plus détruites, et la plus sinistrée après Dunkerque. C'est désormais la seconde ville importante du département de la Somme. Les recherches archéologiques récentes n'ont pas montré l'existence d'une agglomération avant le début du IXe siècle en ce lieu. C'est donc en 831, dans un dénombrement des biens de l'abbaye de Saint-Riquier dressé à la demande de Louis le Débonnaire par l'abbé Héric, qu'Abbeville est mentionnée pour la première fois sous le nom d'Abbatisvilla. Selon Hariulfe, chroniqueur de l'abbaye de Centula (Saint-Riquier) du XIe siècle, Hugues Capet, craignant les raids des normands, fortifia des domaines des moines de Saint-Riquier pour en faire une place forte. Pour qu'il soit mieux défendu, il aurait donné le titre et la charge d'avoué du monastère à son futur gendre Hugues, chevalier d'Abbeville et fondateur de la dynastie médiévale des comtes de Ponthieu. Les prémices de la ville se cristallisent autour d'un château et d'un bourg situé traditionnellement dans une île naturellement protégée par le bras principal de la Somme et le cours du Scardon qui s'y jette. Ainsi protégé le site a pu développer une activité économique privilégiée de commerce et d'artisanat par ce port fluvial hautement stratégique.

Jusqu'en 1100, date à laquelle la maison d'Alençon hérite du Ponthieu. Abbeville reste sous la domination des comtes de Ponthieu. Ils avaient également ajouté à leur titre celui d'abbés de Saint-Vulfran. A l'image de Jean, ils exercèrent une influence considérable sur le développement d'Abbeville, y possédant un château et un atelier monétaire.

En 1130, le comte Guillaume Talvas cède aux bourgeois le droit de Commune. Il se réserve le revenu de ses droits seigneuriaux mais leur abandonne autour de la ville une banlieue assez étendue. Dès lors, une administration municipale composée d'un mayeur et de plusieurs échevins est établie. C'est le comte Jean de Ponthieu qui fait mettre par écrit la charte de Commune, à la demande des habitants le 9 juin 1184. Ainsi, les comtes n'apparaîtront plus que comme autorité secondaire et la municipalité sera régulièrement constituée comme pouvoir politique et administratif. Des magistrats élus géreront directement les intérêts de la ville.

Le développement de cette belle cité picarde est intimement lié à la présence des rois de France comme se plait à le dire Robert Mallet. Le voisinage d'Amiens et d'Arras, la présence d'une rivière facilement navigable, facilitent l'épanouissement du commerce, d'autant plus qu'en 1200, Philippe Auguste accorde aux marchands d'Abbeville la liberté de naviguer sur la Somme. La draperie d'Abbeville se développe dès le XIIe siècle, puisqu'elle est citée à Gênes, en 1185, parmi les villes exportant du drap vers les régions méditerranéennes.

A partir du XIIIe siècle, la ville connaît une remarquable prospérité ainsi qu'une importance militaire et politique accrue. En 1250, Saint-Louis y tient les États Généraux de France. Pendant la guerre de Cent Ans, il ne semble pas qu'elle ait trop à souffrir de la confrontation franco-anglaise. Sous Louis XI, elle est cédée, à deux reprises, avec les autres villes de la Somme, au duc de Bourgogne dont les troupes entrèrent dans la ville. Après plusieurs atteintes à la charte de Commune, les Abbevillois se révoltent en 1471 voulant livrer leur ville au roi. Charles le Téméraire expédie des troupes, fait brûler les faubourgs pour garantir la place de toutes éventualités. Plus de 1700 maisons seront ainsi détruites. À la mort de Charles le Téméraire (1477), Abbeville est de nouveau réunie à la couronne.

Le 9 octobre 1514, le remariage de Louis XII avec Marie d'Angleterre, la très jeune sœur du roi Henri VIII d'Angleterre, pour sceller sa réconciliation avec ce dernier témoigne encore de l'importance politique d'Abbeville.

La guerre entre François Ier et Charles Quint, puis la reconnaissance de la Ligue en 1589 auront de graves répercussions sur l'essor de la ville. En 1594, il est décidé de reconnaître l'autorité d'Henri IV qui, en échange, confirme les privilèges de la ville.

Plus tard encore, pendant la guerre de Trente ans, Abbeville devient le centre d'approvisionnement de l'armée française opérant en Flandre contre les impériaux. C'est dans ce contexte que Robert Mallet termine cette présentation élogieuse en évoquant le vœu de Louis XIII, montrant du même coup l'importance de cette ville dans l'histoire de la France. A la reprise des hostilités en 1638, les Espagnols s'avancent de nouveau jusqu'à Hesdin et menacent Abbeville. Le roi y arrive avec Richelieu au début d'août. La fête de l'Assomption y est célébrée en grande pompe dans l'église du couvent des minimes d'Abbeville. Au cours de la messe solennelle, Louis XIII, au moment de l'Élévation, la main droite à la hauteur de l'hostie sainte, voua son royaume à la Vierge la faisant ainsi patronne de la France. Ainsi, la cérémonie d'Abbeville est la partie religieuse de la consécration signée le 10 février 1638 à Saint-Germain.

François Blary

Transcription

Robert Mallet
Abbeville, c’est le IXe siècle. C’est environ vers 830, 831 qu’il y a eu réellement une ville qui s’est constituée, qui était une annexe, d’abord, de Saint-Riquier, Centule, la villeaux cent tours où il y avait une abbaye de bénédictins. Et il y a une annexe de cette ville de Saint-Riquier qui a compté jusqu'à 15 000 habitants qui s’est située à l’endroit où le Scardon, la petite rivière qui passe à Saint-Riquier, se jette dans la Somme qui, à ce moment-là était le front de la baie de Somme. Il ne faut pas oublier qu’en 830, la mer venait jusqu'à Abbeville. Et tout était regagné ensuite sur la mer. C’était donc un port. Et ce n’est pas un paradoxe. L’annexe est devenu la ville la plus importante parce qu’elle était commercialement mieux située, qu’elle était sur un pont qui faisait communiquer deux parties de la Picardie.
(Musique)
Robert Mallet
Abbeville a eu très rapidement une charte. C’est une des premières villes avec Saint-Quentin et Laon. Ce sont les villes picardes qui ont eu les premières chartes en France. Et Abbeville l’a eue en 1184 avec… par un contrat signé avec le comte Jean de Ponthieu qui a eu l’habileté et la générosité (mais les deux peuvent coïncider, heureusement) de se mettre… de se faire citoyen bourgeois de la ville dont il acceptait la franchise. Il faisait partie, finalement, de la ville. Et les bourgeois étaient solidaires de lui. Je crois que ca a été une très bonne idée. C’est ce qui fait qu’Abbeville a eu une unité. Il n’y a pas eu de lutte seigneuriale à Abbeville puisque le comte de Ponthieu s’entendait avec les bourgeois pour défendre la ville. Et je tiens à rappeler que le cri d’alarme à cette époque-là était, quand l’ennemi était signalé ou qu’un incendie était lui aussi signalé, on criait : « Commune ! Commune ! » C’est bien beau. C’était la communauté qui venait défendre la ville à ce cri. C’est une belle leçon pour l’époque actuelle : « Commune ! Commune ! »
(Musique)
Robert Mallet
Les grands moments, ce sont les moments où les rois de France sont venus à Abbeville. Ils sont presque tous venus, y compris Louis XIV. Mais il y a eu le mariage de Louis XII avec la sœur d’Henri VIII d’Angleterre. Et ça a été un très grand événement pour Abbeville puisque ça a été la réconciliation, en somme, entre les Français et les Anglais. Mais il y a eu aussi le voeu de Louis XIII quand il a voué la France à la Sainte Vierge et qu’il a remercié la Vierge à Abbeville de lui avoir donné un héritier. Et il venu au couvent des Minimes et c’est là qu’il a voué la France à la Sainte vierge. Ça a été un des très grands moments d’Abbeville puisqu’il a choisi Abbeville comme lieu de votation pour cette espèce de dédicace à la Vierge Marie, patronne de la France. C'est-à-dire c’est depuis ce moment-là que la Vierge est la patronne de la France pour les Catholiques.
(Musique)