La Chaussée Tirancourt : découvertes archéologiques au Camp César

27 août 1985
01m 59s
Réf. 00607

Notice

Résumé :

Les fouilles du site archéologique de la Chaussée-Tirancourt se sont poursuivies autour d'un rempart gaulois, en fait un lieu habité par les Belges au 1er siècle avant notre ère. 90 mètres d'une coupe sont mis à jour avec plusieurs découvertes qui sont détaillées par Alain Duval, conservateur du musée d'archéologie de Saint-Germain-en-Lay.

Date de diffusion :
27 août 1985
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Éclairage

Localisée à la confluence de deux rivières, sur la rive droite de la Somme, l'enceinte fortifiée de La Chaussée-Tirancourt a été classée Monument Historique en 1865. Occupant une superficie d'une vingtaine d'ha, elle défend un passage obligé des marais de la Somme. Elle a été considérée comme “Camp de César” dès le XVe siècle. Les fouilles récentes ont permis d'émettre l'hypothèse d'un “camp retranché” établi après la Guerre des Gaules, probablement par des auxilia de l'armée romaine.

Occupant l'extrémité d'un plateau s'étendant dans la direction de l'est, l'enceinte domine au nord la vallée sèche de Vaux, au sud, les pentes abruptes bordant la vallée tourbeuse qui s'étend jusqu'à la Somme, à l'ouest, la vallée d'Acon. Elle est fermée à l'est, son seul point faible, par une grande levée de terre en arc de cercle qui mesure 27 m d'épaisseur à la base et est doublée, sur 457 m de longueur, d'un imposant fossé (Fossé Sarrasin) creusé presque entièrement dans la craie.

Des fouilles ont été exécutées par L. d'Allonville en 1822 et O. Vauvillé en 1891. Par la suite plusieurs opérations archéologiques se sont attachées à un point particulier de la structure du rempart. B. Bréart a fait un sondage du rempart intérieur en 1983, A. Duval et J.-L. Brunaux ont réalisé une coupe du rempart principal en 1983-1986 (objet de ce reportage), J.-L. Brunaux et C. Marchand ont étudié la porte principale en 1986-1989, puis Stephan Fichtl, le rempart intérieur en 1990-1992.

La coupe du rempart principal a permis d'identifier deux phases de construction. Le premier rempart consiste en un talus de craie avec une rampe arrière inclinée et probablement protégé à l'avant par une palissade de bois. Dans son second état, le rempart est constitué de couches de pierres et de terres organisées autour d'un système de poutres horizontales clouées à un système de doubles poteaux verticaux, ancrées dans la masse du rempart par des poutres transversales. Sur la face externe, un mur est formé de dalles de grès soigneusement appareillées, calées par des silex bleutés et conservées sur 0,80 m de hauteur.

Un fossé intérieur apparaît comme le résultat d'une opération d'extraction de la pierre ayant servi à surélever le rempart. Le grand fossé extérieur, profond de 3 mètres, est large de près de 13 mètres à l'ouverture. En bordure du chemin actuel, ce fossé s'interrompt, confirmant que la route gauloise est au même emplacement.

La fouille du côté nord de l'entrée principale a révélé l'existence d'une entrée précédée d'un porche monumental qui soutenait une tour haute d'une trentaine de mètres.

La chaussée, au niveau de l'entrée, décrit un large arc de cercle. Trois phases successives de fréquentation ont été mises en évidence. La première correspond à l'établissement initial de la chaussée et à l'installation de la porte principale. Elle est datée par 26 monnaies (dont 13 oboles massaliotes émises après 49 av. J .-C.) entrant probablement dans la solde d'auxilia ayant stationné auparavant dans le sud de la Gaule. Le matériel recueilli confirme le caractère militaire de l'occupation (quelques armes, pointes et talons de lances, une garde de gladius ?). La dernière phase est liée à une destruction probablement définitive du site fortifié, et peut-être à son abandon. Un as de Tibère “à l'autel de Lyon” issu de la couche de décapage pourrait dater cet abandon du site.

Beaucoup plus à l'intérieur de l'oppidum, un second rempart arasé délimite une surface de 6 ha. Il forme un talus massif, seulement parementé en grès à proximité de l'entrée. Il est défendu par un fossé à fond plat, aux parois assez abruptes taillées dans la roche calcaire. L'entrée est analogue à l'entrée principale. On accède à cette porte par une chaussée qui, se trouvant directement sous les labours, est très mal conservée.

Bibliographie :

G. Fercoq Du Leslay. "Le camp de César". Un camp militaire romain au Ier siècle avant J.-C. à la Chaussée-Tirancourt, Somme. Ed. Conseil général de la Somme, 2009, 64 p.

T. Ben Redjeb. Carte archéologique de la Gaule. La Somme 80/2. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 282-284.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Catherine Matausch
Deux archéologues et une vingtaine d’étudiants ont poursuivi, cet été, la mise à jour du site gaulois de la Chaussée-Tirancourt. Un ensemble exceptionnel pour la région autour duquel devrait s’articuler prochainement un complexe archéologique, le centre Samara dont vous avez déjà entendu parler. Tout au long de cette coupe de 90 mètres de long, les chercheurs vont de découverte en découverte.
(Bruit)
Isabelle Tepper
Pour la troisième année consécutive, c’est au tour d’un rempart gaulois que sont concentrées les fouilles du site de la Chaussée-Tirancourt. Dans notre région, le terme de gaulois est d’ailleurs impropre. Et c’est précisément aux Belges que l’on doit ce rempart, la route, le fossé et les habitations. Un tel ensemble édifié au premier siècle avant Jésus Christ représente pour les chercheurs l’amorce d’un processus d’urbanisation interrompu par la conquête romaine. 90 mètres d’une coupe celtique sont mis à jour progressivement. Un cas pratiquement unique en Europe.
(Bruit)
Alain Duval
Le rempart lui-même est déjà très considérable puisqu’il y a quatre états du rempart. Et ce qui est visible dans la fouille de cette année, c’est l’avant-dernier état du rempart, le plus beau, avec le parement de grès qui est derrière nous. Et d’autre part, nous avons également découvert l’habitat qui se trouve à proximité de ce rempart, dans l’intérieur du camp, un habitat qui est datable des années 100-50 avant Jésus Christ. Et nous avons également découvert la porte d’entrée et la route d’entrée, la route gauloise et puis la route du début de l’époque gallo-romaine vers ce camp fortifié de la Chaussée-Tirancourt.
Isabelle Tepper
Ça a été la grosse surprise des fouilles cette année ?
Alain Duval
C’était la grosse surprise des fouilles. On savait, de toute façon, qu’il y avait, quelque part, une porte. Mais ce qui est assez étonnant, c’est de voir que la porte se situe à l’emplacement même où passe la route contemporaine c'est-à-dire que depuis 2000 ans, on passe à travers le rempart exactement au même endroit.