Découverte de tombes néolithiques : la flèche mystérieuse

06 octobre 2005
02m 18s
Réf. 00618

Notice

Résumé :

Une découverte archéologique majeure qui a été faite à Beaurieux, entre Soissons et Reims. Un monument funéraire datant de 6000 ans, période du Néolithique, a été mis à jour. Les chercheurs explorent depuis ce trésor. Témoignage de Bruno Robert, ingénieur Inrap qui a découvert le monument funéraire. Laurence Manolakakis, chercheur CNRS qui étudie les objets à la Maison de l'archéologie à Nanterre, explique que des tombes de cette période Michelsberg sont rares. Jérôme Dubouloz, chercheur CNRS, spécialiste du Néolithique moyen souligne l'intérêt de cette découverte pour comprendre la société néolithique.

Date de diffusion :
06 octobre 2005
Source :

Éclairage

La nécropole néolithique de Beaurieux se situe sur la rive droite de l'Aisne, à environ 700 m de cette dernière. C'est un projet d'extraction de granulats qui a motivé une intervention archéologique réalisée, de 2005 à 2007, dans le cadre du programme de Recherches de la Vallée de l'Aisne, par Bruno Robert (Institut national de recherches archéologiques préventives, Inrap) en 2003 puis par l'Inrap et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Elle comprend quatre monuments funéraires dont deux contenaient des sépultures, un bâtiment monumental attribué à la culture de Cerny (4700-4400 av. n.è.) interprété par les archéologues comme un édifice cultuel ou "sanctuaire" et quatre sépultures isolées, une d'adulte et trois d'enfants, datées du Michelsberg (4300-3500 av. n.è.).

Les monuments funéraires sont matérialisés par deux rangées parallèles de fosses délimitant un espace abritant les sépultures. Le monument I n'est conservé que sur 19 m de long, le monument III sur 135 m de long. Dans l'axe médian ce dernier, se trouvait une sépulture qui a été datée par le radiocarbone de la même période que le "sanctuaire". Le squelette, tête à l'est, reposait sur le dos, jambes fléchies. Son dépôt funéraire contenait dix-sept objets en silex dont trois armatures de flèches et deux outils en os. Un autre monument funéraire, daté de 4200 av. n.è. environ, était constitué d'une tranchée en forme d'épingle à cheveux de 45,5 x 4 m, faite de poteaux de bois accolés recouverts de torchis et s'ouvrant à l'est sur un poche imposant. A l'intérieur se trouvaient deux sépultures. La première était celle d'un jeune homme (20-29 ans), inhumé en position fortement repliée, accompagné de son carquois de quatre flèches sur l'épaule et d'une céramique près de la tête. Il était probablement enveloppé dans un tissu ou une vannerie souple. La seconde sépulture appartenait à un homme âgé gisant dans un coffre en bois déposé sur deux rangées de pierres plates, puis entouré sur ses bords de pierres posées sur chant et à plat sur le dessus. Il était accompagné de deux carquois de neuf et cinq flèches, l'un sur son épaule, l'autre à ses pieds. L'une des flèches est décorée d'une ligne axiale peinte, fait unique dans la Préhistoire française. De grandes lames en silex avaient été posées près de ses genoux. Une grande coquille de moules de rivière perforée et deux grandes lames de silex étaient déposées sous le coffre. Avant la fermeture de la tombe, un vase en céramique avait été placé sur le coffre. D'autres objets, à l'extérieur de ces deux tombes, témoignent de rituels qui se sont déroulés au moment des funérailles ou bien à l'occasion de cérémonies commémoratives. Ces deux défunts étaient très probablement des personnages importants, chasseurs ou guerriers.

Le bâtiment monumental, par ses dimensions et sa forme, constitue une construction unique en France comme en Europe. Mesurant 80 m de long, orienté est-ouest, il est constitué de 43 trous de poteaux disposés par groupe de trois creusés côte à côte. Sa façade est large de 20 m à l'est et de 6 m à l'ouest, d'où sa forme trapézoïdale prononcée. Les poteaux servant à soutenir le toit étaient profondément ancrés dans le sol (entre 1 m et 1,70 m). Les datations au radiocarbone ont permis de le dater de la première moitié du Ve millénaire.

L'une des quatre sépultures isolées a livré une perle en schiste et quatre canines de renard.

Caroline Colas, Laurence Manolakakis. "Les monuments funéraires du Néolithique moyen de Beaurieux, La Plaine (Aisne)", dans Archéologie en Picardie, 40, Amiens : DRAC Picardie, Service régional de l'archéologie, 2010.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Paul Satis
C’est a priori une découverte archéologique majeure qui a été faite à Beaurieux-la-Reine. Ça se trouve entre Reims et Soissons. Dans un monument funéraire vieux de 6000 ans a été retrouvée une flèche qui fait se poser pas mal de questions aux scientifiques qui l’étudient depuis maintenant quelques semaines. Voyez ce reportage de Rémi Vivenot et Eric Henry.
Rémi Vivenot
C’est en 2003, lors d’une fouille préventive dans cette carrière, qu’un chercheur de l’INRAP a mis le doigt sur un monument funéraire datant de 4100 ans avant notre ère, soit 1000 ans avant les pyramides d’Egypte. Son travail a été minutieux, pourtant, il a bien failli passer à côté.
Bruno Robert
Il ne restait plus qu’une vérification à faire avant de partir, donc, à 4 heures et demi du soir, le dernier jour, donc, de mon travail sur le terrain. Et donc vers 4 heures et demi, donc, qu’il restait cette tache. On va dire une tache puisque les vestiges archéologiques se présentent sous la forme de taches dans le sol. Donc cette tache à vérifier qui ressemblait à quelque chose comme un fossé ovalaire.
Rémi Vivenot
En fait, lors de fouilles approfondies au printemps dernier, les archéologues ont trouvé deux tombes, des vases et une vingtaine de pointes de flèche dont celle-ci qui pourrait être l’unique cas de silex peint au monde. Actuellement, ces objets sont étudiés à la Maison de l’Archéologie à Nanterre. Mais la découverte est déjà d’ores et déjà exceptionnelle pour la période concernée, le Michelsberg.
Laurence Manolakakis
Les tombes de cette période, on en a très peu. En général, sur toute l’ère d’extension de Michelsberg, mais en particulier dans le bassin parisien, on n’en a pas énormément. Et surtout pas dans un monument funéraire comme c’est le cas à Beaurieux.
Rémi Vivenot
De quoi nous apporter de précieuses informations sur le mode de vie de l’époque. Bref, cela a tout l’air d’un trésor.
Jérôme Duboulloz
C’est un trésor, oui, parce qu’imaginez que l’ensemble de ces choses-là sont associées à des individus directement. Donc quand on est face à ces assemblages, là, on touche un peu plus, d’un peu plus près, au statut de certaines personnes dans la société néolithique. Et c’est vrai que ça fait partie des questions qu’on se pose et pour lesquelles on aimerait avancer un peu plus vite.
Rémi Vivenot
En tout cas, cette découverte pourrait en amener d’autres. Les pièces retrouvées vont encore subir quelques mois d’analyse. Ensuite, elles pourraient être transmises au musée de Soissons.