L'église du plateau d'Assy, lieu de culte et musée d'art moderne.

25 juin 1990
03m 39s
Réf. 00040

Notice

Résumé :

L'église Notre-Dame de Toute Grâce fondée par le chanoine Devémy, doit sa réputation aux nombreux artistes de renom ayant participé à sa décoration. Ces derniers bien que de religions, d'opinions et de styles divers ont laissé une œuvre unique.

Type de média :
Date de diffusion :
25 juin 1990
Source :
FR3 (Collection: Magazine 12-13 )

Éclairage

Depuis la fin du XIXe siècle, le plateau d'Assy est un lieu de cure pour les malades atteints de la tuberculose. Dans l'entre-deux-guerres, le chanoine Jean Devémy (1896-1981), aumônier d'un des nombreux sanatoriums, obtient de l'évêque d'Annecy l'autorisation de faire construire une église pour les curistes. En 1937 est organisé un concours d'architecture dont le lauréat est Maurice Novarina (1907-2002). Cet architecte alors débutant venait d'achever la construction de la chapelle Notre-Dame du Léman à Vongy, près de Thonon-les-Bains. Il y a expérimenté une architecture de compromis entre des références à l'art gothique et une modernité fondée sur le dynamisme des lignes. A Passy, il conçoit un édifice qui renvoie au chalet savoyard, mais en simplifiant les volumes afin d'obtenir une monumentalité à la fois rustique et radicale. Ponctuée par un clocher de vingt-huit mètres de haut, la silhouette massive s'intègre parfaitement au site en dialoguant avec les sommets environnants. L'église construite en grès de Taveyannaz, une pierre locale, et en bois d'épicéa, est couverte d'ardoise verte des Ardennes. Le gros-œuvre est achevé quand éclate la Seconde Guerre mondiale ce qui interrompt les travaux terminés seulement en 1946.

Pour le décor de l'édifice, le chanoine Devémy s'adresse à Marie-Alain Couturier, un dominicain qui avait été l'élève du peintre Maurice Denis. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, Couturier, associé à Raymond Régamey, veut renouveler l'art sacré afin de moderniser l'image de l'Église. Il est partisan de faire appel aux plus grands artistes, quelles que soient leurs convictions religieuses. Comme il l'écrit à propos de l'église du Plateau d'Assy : « pour garder en vie l'art chrétien, il faut, à chaque génération, faire appel aux maitres de l'art vivant ». La revue L'Art sacré diffuse ses idées qui heurtent une partie de la hiérarchie catholique conservatrice. A la demande de Jean Devémy et grâce aux connaissances de Couturier, des artistes de tout premier plan acceptent de travailler pour le décor de l'édifice. Fernand Léger et André Lurçat, tous deux communistes, dessinent les plus grandes compositions qui ornent la façade et le chœur. D'autres artistes comme Jean Bazaine, Georges Rouault ou Marguerite Huré ont eux coutume de traiter des sujets religieux. Pierre Bonnard, Georges Braque, Marc Chagall, Ladislas Kijno, Jacques Lipschitz, Claude Mary, Henri Matisse, Germaine Richier et Théodore Strawinsky ont également contribué à cet ensemble exceptionnel.

La modernité de leurs œuvres choque et alimente les débats autour de la querelle de l'art sacré qui oppose Marie-Antoine Couturier et les milieux traditionnalistes de l'Église. Neuf mois après la consécration de Notre-Dame-de-Toute-Grâce qui a lieu en 1950, l'évêque d'Annecy fait retirer le Christ de Germaine Richier. Perçu comme une provocation venant d'une artiste athée, cette sculpture réussit pourtant à atteindre la plus grande expressivité sans recourir au pathétique de la figuration saint-sulpicienne. Elle a retrouvé sa place derrière le maitre-autel en 1969. L'église a été classée Monument historique dans sa totalité en 2004.

Laurent Baridon

Transcription

Présentateur
Pour les vacances, je vous propose aussi d’aller visiter l’église d’Assy qui se trouve au dessus de Sallanches en Haute-Savoie. Un lieu de culte qui est aussi un musée d’art moderne. Le reportage de Jérôme Didier, FR3 Grenoble.
(Musique)
Journaliste
Ce n’est pas à son d’architecture que l’église d’Assy doit sa réputation mais à son fondateur, le chanoine Devémy. Le mérite de ce curé de génie, avoir convaincu les grand maîtres contemporains, quels que soient leur école, leur art ou leur couleur, de marquer de leur sceau ce sanctuaire pour malades. Mais il était important que le premier visage rencontré pour le visiteur soit celui de la Mère de Dieu.
Père Santamaria
Cette façade, elle est faite pour surprendre. Lorsque l’église a été construite, il y avait, cette façade paraissait très triste. Et pour des gens qui avaient pas beaucoup de moral parce que c’étaient des malades, des tuberculeux, on a voulu donner une note de joie et Fernand Léger donc a fait cette mosaïque qui représente la Vierge Marie accueillant dans son église les misères de ceux qui venaient ici se soigner.
(Musique)
Père Santamaria
Lurçat était marxiste et sa première réaction a été de dire non. Mais l’obstination du père Devémy et surtout la page du livre de l’Apocalypse qu’il lui a lu, l’a séduit tout de suite. Et il a accepté volontiers de représenter cette lutte du bien et du mal.
(Musique)
Père Santamaria
Pour Matisse, la démarche a été un peu plus longue car le Père Devémy est allé voir d’abord Picasso qui lui présentant un de ses tableaux que vous connaissez, a dit "est-ce que vous reconnaissez la Vierge Marie en cette figure?" et le père Devémy a dit évidemment non. Alors il lui dit : "Allez donc voir mon ami Matisse qui acceptera certainement de faire quelque chose pour vous." Et Matisse a accepté volontiers donc de faire ce Saint Dominique.
(Musique)
Père Santamaria
Alors nous sommes au baptistère qui a été décoré entièrement par Marc Chagall. Il a, selon sa foi juive, représenté le passage de la mer rouge, que vous ne voyez pas en ce moment malheureusement car il est en restauration. Mais on peut voir encore d’autres œuvres de Chagall. Deux bas-reliefs qui ont pour sujet des psaumes en rapport avec le baptême et puis deux vitraux qui représentent l’ange venant servir le prophète Elie dans le désert.
(Musique)