Bioforce : une formation pour l'humanitaire

12 mars 1995
03m 20s
Réf. 00067

Notice

Résumé :

Bioforce est le premier établissement de formation des professionnels de l'humanitaire. On y apprend aussi bien à conduire un véhicule tout terrain, construire des bâtiments, ou encore à tenir une conférence de presse.

Date de diffusion :
12 mars 1995
Source :
Antenne 2 (Collection: MIDI 2 )
Lieux :

Éclairage

« Aujourd'hui l'action humanitaire peut devenir un métier ». Le commentaire résume par cette phrase la principale caractéristique de Bioforce, fondée en 1983 à l'initiative du Docteur Charles Mérieux pour combler le manque de techniciens dont il venait de faire l'expérience à l'occasion d'une campagne de vaccination de masse menée au Brésil en 1974. L'initiative s'inscrit dans un mouvement plus général de professionnalisation de l'humanitaire et traduit l'émergence d'une nouvelle génération d'ONG qui entendent concilier générosité et efficacité. A Lyon, marquée par un engagement ancien dans l'humanitaire confessionnel issu des missions catholiques, puis dans les questions de développement, les années 1960 et 1970 amorcent une recomposition des engagements et accélèrent la sécularisation des associations.

Les modes et les motifs d'engagement se déplacent dans les années 1980 et 1990 au fur et à mesure que les grandes idéologies porteuses de projets alternatifs reculent. On assiste à un foisonnement d'initiatives individuelles, nées souvent à l'occasion d'un voyage (en Thaïlande pour Handicap International, 1982), d'une expérience de coopération, de contacts avec des étrangers. Les motivations idéologiques tendent à s'estomper au profit d'objectifs soigneusement ciblés qui revendiquent un savoir-faire et en appellent à la générosité mais n'ambitionnent pas de bouleverser les structures. Les Facultés de Médecine (Actes Lyon) et de Pharmacie (Lyon Humanitaire), l'Ecole vétérinaire (Vétérinaire Sans Frontière, 1983), l'Ecole d'Architecture de Lyon (OBEAHH, 1999), les Ecoles d'ingénieurs (Solidari'Terre, pour l'Ecole de Management de Lyon et l'Ecole Centrale ; Lato Sensu en 1993 et RAPP en 1994 à l'INSA), et sans doute beaucoup d'autres, voient se constituer des associations étudiantes qui montent des projets de coopération médicale, économique, technique. La stabilité que fournit le cadre d'un établissement universitaire compense l'extrême rapidité du renouvellement des générations étudiantes.

Mais ces associations nées d'initiatives individuelles, comme celles qui ont été créées par des institutions publiques ou privées, manquent souvent d'outils de formation adaptés aux besoins de l'action humanitaire d'urgence ou de l'action pour le développement. La séquence consacrée à Bioforce insiste sur le caractère pratique des formations données en 1995. Il est vrai que durant les premières années les formations sont centrées sur la logistique autour de 5 filières : Gestion, Santé Habitat, Techniques, Elevage Agronomie tropicale, Maintenance technique hospitalière. Mais la part théorique et la formation à la connaissance des sociétés concernées prend au milieu des années 1990 une importance croissante. Elle se traduit par l'évolution des programmes de formation et l'organisation régulière de colloques qui s'interrogent par exemple sur l'éthique de l'humanitaire ou ses relations avec les médias. Les années 2000, durant lesquelles Bioforce s'installe à Vénissieux, s'accompagnent d'une extension des relations à l'international et traduisent par un changement de nom les nouvelles orientations : Institut Bioforce Développement.

Claude Prudhomme

Transcription

Présentateur
Intervenir sur le terrain, s’engager dans l’action humanitaire, ceci peut être envisagé comme un métier. Bioforce, c’est le premier établissement de formation des professionnels de l’humanitaire. Il existe depuis 10 ans, financé à 80% par des fonds publics, il est installé à Lyon. Reportage de Stéphane Manier et de Claude Sicard.
Inconnu
Freine, freine, freine, doucement !
Journaliste
Ce ne sont pas tout à fait les cours qu’ils avaient imaginé mais conduire un 4X4, ils le feront tous les jours quand ils seront en mission. Alors cela fait partie du programme scolaire de Bioforce. Bioforce est le premier établissement de ce type au monde. On y apprend l’humanitaire sous toutes ses formes, pratique et théorique. L’idée de base est simple, même avec les meilleurs intentions, l’humanitaire ne peut plus être une affaire réservée aux amateurs.
Intervenante 1
Il faut en faire un métier. Il faut qu’on, il faut que l’humanitaire devienne professionnel pour être efficace je pense oui. Il faut, il faut envisager ça comme un métier oui. On est confronté à un tas de problèmes mais on apprend ici à les appréhender d’une certaine façon avec calme et sang froid.
Journaliste
Parmi les 65 jeunes de la promotion de cette année 95, Sandrine nous a un peu servi de guide. A Bioforce, se doutait-elle de ce qui l’attendait ?
Intervenante 1
Non, non pas du tout. Je suis, enfin j’étais sous-officier dans l’armée de terre, j’étais sergent. En Allemagne.
Journaliste
D’où viennent vos petits camarades ?
Intervenante 1
Alors d’horizons vraiment, vraiment très différents. On a Anne qui est assistante sociale, qui était assistante sociale, on a un charpentier, Alef, le grand là-bas avec ses cheveux longs, Kamel qui se cache là-bas, qui était maçon, et qui est déjà parti pas mal en mission, notamment en ex-Yougoslavie. Donc vraiment de, des horizons vraiment très, très différents.
Journaliste
Certains ont fait Sciences-Po, d’autres n’ont qu’un simple CAP. Mais tous ces jeunes ont été sélectionnés sur concours avec comme critère principal savoir s’adapter et réagir vite. Les cours sont aussi éclectiques que les élèves. De la maçonnerie à la géopolitique en passant par, et oui, savoir tenir une conférence de presse. Apprendrait-on ici à manipuler l’information ?
Intervenante 2
C’est pas de la manipulation, il y a de nombreuses ONG qui sont là pour, je crois qu’elles ont un rôle de témoignage aussi sur ce qui se passe, relativement objectif, qui doit être le plus objectif possible.
Journaliste
Ces jeunes ne sont qu’une petite partie de ceux qui s’engagent dans l’humanitaire chaque année. Pour l’instant, car la tendance au professionnalisme se développe très vite. Alors, peut-on faire carrière dans l’humanitaire ?
Jean-Michel Vezant
Oui, un certain nombre sont revenus dans les sièges des ONG en France, d’autres sont dans des grandes institutions internationales telles que le Programme Alimentaire Mondial ou le Haut Commissariat aux Réfugiés ou CICR.
Journaliste
En 10 ans, plusieurs milliers de jeunes sont ainsi entrés dans le monde du travail par le biais de l’humanitaire. Mais croire que ce sont des professionnels dénués de passion serait une erreur. Tous gardent une profonde motivation altruiste. Comme Sandrine, prête à jouer de tous ses talents pour faire oublier aux autres que l’humanitaire, c’est toujours travailler en terrain difficile.
(Musique)