L'élevage traditionnel en Bresse

15 décembre 1979
03m 31s
Réf. 00127

Notice

Résumé :

Les petits producteurs de Bresse souhaitent conserver l'élevage traditionnel de leur volaille. Il sont concurrencés par la production intensive et les normes européennes les poussent à modifier leur pratique.

Date de diffusion :
15 décembre 1979
Source :

Éclairage

La Bresse est une région agricole dont la renommée est grande dans le domaine de la qualité des produits. Elle se trouve aujourd'hui à cheval sur trois départements et trois régions (Saône-et-Loire et Bourgogne, Jura et Franche-Comté et enfin, Ain et Rhône Alpes).

Dans le domaine agricole un triptyque maïs, lait, volailles s'est mis en place de longue date. Le maïs fait son apparition dès le début du XVIIe siècle et contribue à définir une économie agricole bien spécifique. Son succès est reconnu dès le XVIIIe siècle dans la qualité des chapons qu'il permet d'élever et dans le reportage il apparaît immédiatement sous la forme des séchoirs grillagés sur la gauche de l'image, dominant les volailles en liberté qui mangent à proximité des bâtiments d'exploitation. Outre l'alimentation du bétail et de la volaille, le maïs a longtemps servi comme élément de base à l'alimentation humaine avec les gaudes (bouillie de maïs grillé), les flamusses (pain de maïs), les matefaims (crêpes épaisses)... « Nourrissant hommes et animaux, le maïs est synonyme d'abondance ; les bressans sont appelés ‘ventres jaunes' et, jusqu'aux années 50, ils sont considérés comme les enfants riches du département. »

Le reportage insiste beaucoup sur les tracasseries dont la Communauté européenne avec ses fonctionnaires, trop éloignés du terrain, serait responsable. L'opposition entre tradition et construction européenne est un argument que déclinent les différents acteurs de la filière. Il faut rappeler qu'une loi du 1er août 1957 a défini l'appellation d'origine contrôlée « volaille de Bresse » pour les poulets, poulardes et chapons.

Le type d'alimentation, le type d'élevage mais aussi les modes de préparation (plumaison, abattage, absence d'éviscération totale) sont autant de critères qui permettent de distinguer cette aristocratie de la volaille, des produits de l'élevage industriel en batteries. L'énumération des critères obligatoires pour obtenir l'appellation « chapon de Bresse » en est la manifestation directe que seul peut apprécier ce que le commentaire dénomme « le vrai consommateur ».

Les foires à la volaille et les concours sont le complément direct de cette production qui mise plus sur la tradition que sur l'industrialisation. Depuis 1862, quatre concours permettent de classer et de distinguer les différents producteurs, ce sont les Glorieuses de Bresse. Le commentaire évoque les « trois glorieuses » de Pont-de-Vaux, Montrevel et Bourg-en-Bresse, situés dans le département de l'Ain mais ne mentionne pas le 4e concours, situé dans le département de Saône-et-Loire, celui de Louhans.

Dans ces concours, les éleveurs présentent leurs plus beaux produits et le chapon reste le symbole de l'excellence. En dépit de la course à la production intensive de volailles, le poulet de Bresse, et plus encore le chapon demeurent des marqueurs de l'identité bressanne.

Bibliographie :

- Patricia Pellegrini, La volaille de Bresse, un terroir et des hommes, Bourg en Bresse, Musée départemental des Pays de l'Ain, 1992.

- Pierre Ponsot « Les débuts du maïs en Bresse sous Henri IV », Histoire et Sociétés Rurales, 2005, Vol. 23.

- Maud Hirczak, Le co-construction de la qualité agroalimentaire et environnementale dans les stratégies du développement territorial, une analyse à partir des produits de la région Rhône-Alpes, thèse de géographie, Université Joseph Fourier, Grenoble, 2007.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
La volaille de Bresse doit-elle, pour être agréée passer par les fourches caudines des dérèglements européens et voir remise en cause son Appellation d’Origine, sa qualité, au bénéfice de la quantité, sa présentation spécifique. Voilà les inquiétudes qui agitent les producteurs attachés à une tradition d’élevage à la dimension humaine.
Intervenant 1
Cette année, je produirai 3 000 volailles de Bresse.
Journaliste
Et peut-on faire d’avantage de poulets, c’est un impératif pour vous, jeune producteur ?
Intervenant 1
Euh, en faire un peu plus, on produit plus de volailles que il fut un temps. Mais en faire des quantités, non, énormes non.
Journaliste
Alors conserver la tradition ou alors se diriger vers l’industrialisation ?
Intervenant 1
Ben non. Conserver la tradition.
Intervenant 2
Cette tradition a fait le, a fait les grands, les grands jours de gloire de notre Bresse, alors nous tenons nous, producteurs du moment de continuer cette tradition.
Journaliste
Tradition, qualité. Voilà les maîtres mots. La Bresse produit environ un million de poulets par an, c’est évidemment peu par rapport aux 250 millions de gallinacés provenant des élevages intensifs mais ici, il faut de 4 à 6 mois pour amener à terme poulets et chapons tant dans les prés que dans les épinettes pour l’engraissement final. Le vrai consommateur lui, ne s’y trompe pas.
Intervenant 3
Loi d’appellation française. Des volailles de Bresse courant de toute l’année, crête rouge, plumes blanches, pattes bleues, étiquette tricolore, garantie du paysan, garantie de l’artisan expéditeur. Article de fête, voilà le chapon. On lui a donné une forme originale et voilà une pièce de 4 kilos.
Journaliste
Et oui. Les tracasseries européennes agacent les Bressans. Ils ne veulent pas pour leurs volailles de l’abatage électrique, de la plumaison automatique, de l’éviscération totale prônés par Bruxelles. Un poulet sans collerette, sans pattes et sans abats ne serait plus pour eux qu’un oiseau sans personnalité aucune.
Intervenant 3
Les Bressans souhaiteraient obtenir les dérogations qui s’imposent. Nous ne pouvons pas, nous ne pouvons pas imaginer que l’on puisse traiter un chapon sur le même pied d’égalité que un vulgaire poulet venant de tel ou tel coin de la Communauté Européenne.
Intervenant 4
Moi je voudrais quand même avant tout pouvoir rester un Européen Bressan, conserver mon métier, défendre ma production, exporter, pouvoir exporter, les produits que l’Europe nous demande faute de les trouver ailleurs et, si demain matin je dois rentrer dans le rang, et bien je, l’Europe ne m’intéresse plus.
(Musique)
Journaliste
La récompense de leurs efforts, c’est le concours annuel des trois glorieuses de Bourg, Montrevel et Pont de Vaux. Il n’est besoin que de regarder pour admettre la réalité de l’aviculture bressane. Mais, au fait, est-ce que l’Europe est vraiment nécessaire à sa continuité et à son devenir ?
(Musique)