La Villeneuve à Grenoble

24 octobre 1981
05m 01s
Réf. 00161

Notice

Résumé :

La Villeneuve de Grenoble a fait l'objet d'une expérience urbanistique avec l'Arlequin. Depuis 1968, les touristes viennent visiter cette ZUP. Malgré cela, les habitants ne sont pas toujours satisfait de leur lieu de vie.

Type de média :
Date de diffusion :
24 octobre 1981
Source :
FR3 (Collection: Alpes magazine )
Personnalité(s) :

Éclairage

Les années 1960 sont caractérisées à Grenoble par une forte croissance démographique – l'agglomération grenobloise est passée de 190 000 habitants en 1954 à 325000 en 1968 – et par des difficultés de logements. La ville ne peut se développer qu'au sud où se trouve l'aéroport qui sera déplacé en 1967. Les pouvoirs publics entendent remédier à la situation en développant la construction massive de logements ce qui oblige à repenser l'urbanisme de l'agglomération. Les solutions proposées par l'Etat avec la construction de deux vastes zones à urbaniser en priorité (ZUP) sur les communes de Grenoble et d'Echirolles, à l'emplacement de l'aéroport, est refusé par la commune communiste d'Echirolles et par l'opposition socialiste de Grenoble. Lors des élections municipales de 1965, l'opposition socialiste, menée par Hubert Dubedout, l'emporte sur la majorité sortante, gaulliste. La nouvelle majorité est prête à travailler avec la municipalité d'Echirolles et relance le projet de ZUP. Les deux municipalités élaborent un plan d'aménagement commun. C'est dans ce contexte que naît le projet de la Villeneuve, un « grand ensemble réussi » comme on a pu l'écrire. Il s'agit de la plus vaste opération immobilière de l'agglomération grenobloise. A l'occasion de la préparation des Jeux Olympiques de 1968, commence la construction du village olympique, chronologiquement, le premier quartier de la Villeneuve.

Le bâtiment le plus emblématique du projet est celui de l'Arlequin avec ses longues et hautes façades multicolores. Commencé en 1968, conçu par des architectes et des urbanistes qui travaillent avec des sociologues de la ville, ses premiers appartements sont habités à partir de 1972. Le parc paysager de la Villeneuve, aujourd'hui nommé le parc Jean Verlhac du nom de l'adjoint à l'urbanisme de la municipalité Dubedout, offre à la population de vastes espaces de détente à l'écart de la circulation automobile. L'un des concepteurs du projet, Jean-François Parent, un urbaniste arrivé de Paris en 1966 qui y réside encore aujourd'hui, est interviewé dans ces espaces de détente. Il explique le contexte dans lequel a été conçu la rue piétonne de plus de 450 m. qui serpente sous l'Arlequin et nuance une vision trop négative de la vie dans le quartier. Il explique aussi dans quelles conditions ont été développés les autres ensembles de la Villeneuve comme celui des Baladins. Le reportage souligne les visions assez contrastées que la Villeneuve a provoqué, entre l'admiration d'un certain nombre de délégations étrangères qui viennent observer les conditions concrètes de la mixité sociale, et le refus d'une partie des Grenoblois qui dénoncent les choix d'un projet ouvert à une expérience qui voulait changer la vie.

Les logements de la Villeneuve ont des statuts très divers depuis les logements HLM jusqu'aux logements en pleine propriété. De même la taille et le confort des logements sont très variés. Cela explique la diversité sociale qui est encore largement attestée lors du recensement de 1999 et dont témoigne l'étude de l'agence d'urbanisme intitulée « Habiter et vivre à la Villeneuve ».

Si le débat entre atouts et handicaps de la Villeneuve est déjà présent en 1981, il est encore plus vif aujourd'hui où adversaires et partisans font de la Villeneuve un enjeu politique et idéologique majeur. Le débat s'est exacerbé après juillet 2010, lorsque, à la suite d'un cambriolage dans un casino, un des malfaiteurs a été mortellement touché par la police. La Villeneuve a alors été, pendant plusieurs jours, le théâtre de violents affrontements entre les forces de l'ordre et une partie de la population.

Voir le site sur la Villeneuve : Habiter et vivre à la Villeneuve : diagnostic, Agence d'Urbanisme, Mars 2003.

Voir également l'interview de 2011 de Jean-François Parent en forme de bilan.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
On dit Villeneuve de Grenoble mais on pense quartier de l’Arlequin. Tout simplement parce que depuis le début de sa construction en 68, cet Arlequin en question n’a cessé de jouer les vedettes. Il polarise sur lui observation et critique et son épine dorsale constituée d’un immeuble linéaire polychrome abritant 1 800 logements dont 900 HLM, modulés sur 6 à 15 niveaux, ne passe pas inaperçu. C’est un choc visuel qui a tourné au traumatisme pour certains, peu enclins à venir découvrir de l’intérieur une vue pas tout à fait comme les autres. A classer dans les expériences urbanistiques mondialement citées. Pas une semaine sans qu’un groupe de Japonais ou de Canadiens ne vienne arpenter les 465 m de la rue piéton qui serpente sous l’Arlequin. Un lieu de rencontre, un passage obligatoire qui souffre pourtant de plusieurs défauts de conception. Prise au vent, forêt de piliers, difficulté d’entretien. Mais il est utile avant d’aller plus loin de prendre la dimension globale de ce qu’on appelle à Grenoble la Villeneuve. Il s’agit d’un ensemble de quartiers répartis sur Grenoble et sur Echirolles. A leur jonction, on trouve le centre commercial de Grand Place, la Bourse du travail, des activités tertiaires, un restaurant inter-entreprises et un espace libre, la Villeneuve n’a pas fini de grandir. Ces constructions découlent de la décision de créer dans les années 62, 63 une ZUP importante au Sud de l’agglomération grenobloise pour répondre à l’expansion démographique galopante de l’époque. De 180 000 habitants en 1954, Grenoble en 1962 en comptait 260 000. Un boum qu’il fallait maîtriser. Après divers atermoiements, ajustements, concertations divers, est intervenue en 67 la réalisation des premiers quartiers. Les Essarts, 1 400 logements sur Echirolles et le Village Olympique, 2 000 logements sur Grenoble. Un quartier qui garde une identité bien spécifique. En 68, l’Arlequin, deuxième quartier de la ZUP construit sur Grenoble, va subir dans le vent de l’année des ajustements. Pour préserver un parc important et urbaniser le quartier, on construira en hauteur. Les équipements seront intégrés, la circulation rejetée sur le pourtour. Et de nombreux équipements sportifs programmés. L’Arlequin doit être habitable au départ. En 1970, il sort de terre. En 72, les premiers habitants arrivent. En voie d’achèvement actuellement, le quartier des Baladins aura mis lui 8 ans pour être édifié. Sans prendre totalement le contre-pied de l’Arlequin, ce nouveau quartier en a tiré les leçons. Réalisé par une dizaine de promoteurs, il a un aspect bien différent de l’Arlequin conçu par des équipes d’architectes et de sociologues soudées. Ici, les mélanges de genres sont de rigueur au niveau des habitations mais la conception d’ensemble imposait de grands choix. Les parkings ont été disposés sous les habitations et non plus en silo comme à l’Arlequin, la collecte des ordures ménagères par aspiration innovée à l’Arlequin a été abandonnée, elle ne résolvait pas le ramassage des gros déchets. La galerie piéton est apprivoisée et des espaces plus intimistes préservés au pied des immeubles. Plus qu’un discours, ces modifications signent le mea culpa des concepteurs de l’Arlequin qui 10 ans après ne referaient probablement pas la même chose.
Intervenant
J’ai deux réponses à donner en fait. Une en tant qu’habitant, spontanément j’ai envie de vous dire non. Faut pas refaire et il faut faire une liste de tout ce qui est désagréable ou ce qui ne marche pas très bien. Mais en tant qu’urbaniste, il faut que je sois un peu plus nuancé quand même parce que je sais que les inconvénients, c’est souvent la contrepartie inévitable des avantages et les avantages, on vit avec, on les oublie. Par exemple, la grande hauteur et la grande densité, c’est vrai que c’est pas agréable esthétiquement, c’est, au point de vue fonctionnement, ça marche pas très bien mais c’est la contrepartie d’un parc. D’un grand parc. Et ça c’est vraiment très agréable. Bon, la rue par exemple, c’est vrai qu’elle manque de charme et que bon, elle est pas toujours vivable les jours de vent, mais c’est quand même le côté où, l’endroit où on se rencontre, l’endroit où on retrouve tous les gens du quartier qu'on a envie de voir. Je crois qu'on referait les mêmes principes, on reproposerait les mêmes principes mais on les traiterait différemment. Je crois que là on peut plus, compte tenu de ce qu’on sait maintenant, d’ailleurs dans le deuxième quartier, on a beaucoup corrigé un certain nombre de choses aussi.
Journaliste
Aux Baladins, la vie s’installe à l’ombre des géants débonnaires qui ponctuent la place principale. L’Arlequin pendant ce temps se préoccupe surtout de bien vieillir. Si les problèmes ne manquent pas, il semble bien que la façon de les voir soit affaire d’âge et de tempérament. Et qu’en fait, pour ceux qui l’habitent, la Villeneuve ne soit pas si désagréable que cela.
Inconnue
Moi j’y suis bien, j’y ai habité dans un appartement, j’ai déménagé pour trouver un autre appartement à Villeneuve et je, ça a bien des défauts mais ça a aussi d’énormes qualités.