Un libre service Carrefour à Villeurbanne

20 mars 1964
59s
Réf. 00224

Notice

Résumé :

A Villeurbanne, un supermarché vient d'ouvrir. La ville, en pleine expansion, est ainsi dotée d'un espace de 4000 mètres carrés où les produits les plus divers sont en vente.

Date de diffusion :
20 mars 1964
Source :

Éclairage

Les superlatifs fusent dans le reportage de Rhône-Alpes Actualités du 20 mars 1964 qui salue l'ouverture du libre-service Carrefour de Villeurbanne, à côté de Lyon. C'est que l'on inaugure ce jour une très grande surface de vente pour l'époque (plus de 2 500 m2 et non 4 000 m2 comme le dit le reportage), où se côtoient produits alimentaires et non alimentaires. Un « très vaste terre-plein », une façade « immense », un libre-service « géant », avec des allées « très larges » et une gamme « particulièrement étendue de tous les produits », tout y semble « facile », « rapide », « ultramoderne » et surtout les « prix sont compétitifs ». Comme pour souligner le commentaire, les gros plans sur les caisses enregistreuses et les billets de banque, sur les pancartes, sur les produits non-alimentaires sont fort nombreux. C'est dire l'effet de surprise.

Les libres-services ne sont pourtant pas une nouveauté en France, pas plus que les supermarchés. Le groupe Goulet-Turpin a créé le premier libre-service à Paris en 1948, suivi de près par le groupe stéphanois Casino, fondé par Geoffroy Guichard en 1898. Le premier supermarché a ouvert ses portes neuf ans plus tard, en 1957, toujours à Paris. En 1959, on compte en France 1 663 magasins fonctionnant en libre-service et une trentaine de supermarchés contre 300 000 épiceries traditionnelles. Les surfaces de vente dépassent rarement les 400 m2 ; on y vend exclusivement des denrées alimentaires.

L'idée d'un supermarché de grande taille mettant à disposition de sa clientèle tous les types de produits à prix discount va germer dans la tête de Marcel Fournier, propriétaire à Annecy, en Haute-Savoie, d'un grand magasin de nouveautés. Fournier a découvert dès 1948, alors qu'il rendait visite à son frère, les « usines à vendre » américaines. Il est séduit par leur gigantisme et leurs techniques de vente (notamment le discount).

En 1959, impressionné aussi par la réussite d'un certain Édouard Leclerc, qui vend, à Landerneau, des produits alimentaires à prix discount dans de vastes hangars, il convainc Louis et Denis Defforey, propriétaires à Lagnieu, dans l'Ain, du comptoir Badin & Defforey, de se lancer dans l'aventure. Ils créent ensemble la société Carrefour et ouvrent, en juin 1960, un premier supermarché d'une surface de 850 m2, dans le quartier de Parmelan (Annecy), précisément à un carrefour. Le succès est immédiat. Dans la foulée, ils en ouvrent un deuxième à Annecy.

Mais les pionniers voient grand. En 1962, ils partent aux États-Unis suivre les séminaires organisés par la National Cash Register Company sur les « méthodes marchandes modernes » et animés par Bernard Trujillo. Dès leur retour, ils vont tout mettre en œuvre pour appliquer les formules choc du « pape de la distribution moderne »: « empilez haut et vendez bas », « le plus grand barrage entre le client et la marchandise, c'est le vendeur », « les pancartes sont vos meilleurs vendeurs. Vous ne les payez qu'une fois et elles ne prennent pas de vacances », « le succès repose sur trois pieds : libre-service, prix bas, spectacle », et surtout le célèbre « no parking, no business ». Comprenant que les banlieues vont se développer, ils choisissent un terrain de deux hectares à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), en région parisienne. Le 15 juin 1963, ils inaugurent leur magasin de 2 500 m² (le terme « hypermarché » n'apparaîtra qu'en 1968 sous la plume de Jacques Pictet, fondateur de la revue Libre Services Actualités), où ils proposent sous un même toit, pour la première fois en France, des produits alimentaires, du bazar, de l'électroménager... Au total, quelque 20 000 produits. Et surtout, 400 places de parking. C'est une ruée sur les rayons.

L'année suivante, c'est donc à Villeurbanne, que Carrefour ouvre un supermarché de même taille. Avec le même succès. La vraie révolution viendra deux ans plus tard, toujours en banlieue lyonnaise, à Vénissieux avec l'inauguration d'un supermarché qui pouvait paraître démesuré pour la zone de chalandise de l'époque : 10000 m², 50 caisses, 2 500 chariots et 2000 places de parking. Ce jour-là, 12 km de bouchons se formeront sur le périphérique lyonnais.

La France vient d'entrer dans l'ère de la grande distribution.

Bibliographie :

- Jean-Claude Daumas, « Consommation de masse et grande distribution. Une révolution permanente (1957-2005) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, n° 91, juillet-septembre 2006, p. 57-76.

- Jean-Claude Daumas (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Une immense façade avec d’innombrables portes vitrées s’ouvrant sur un très vaste terre-plein. Nous sommes à Villeurbanne, cité en pleine expansion et où vient de s’ouvrir un libre-service géant. L’intérieur, le voici. 4 000 m², le tout bien entendu ultra-moderne avec de très larges allées, des comptoirs d’accès facile, un affichage apparent et un approvisionnement rapide. Vous y trouvez bien sûr une gamme particulièrement étendue de tous les produits. Tout cela avec des prix compétitifs. Mais oui, car la compétition reste ouverte.
(Musique)