La mine d'uranium à Saint Priest la Prugne

17 décembre 1964
05m 20s
Réf. 00227

Notice

Résumé :

Le gisement d'uranium trouvé à Saint Priest la Prugne a engendré la création d'une mine. Monsieur Chardon explique les différentes étapes suivis par le minerai, de son extraction à sa purification. Des prospections dans la région sont en cours.

Date de diffusion :
17 décembre 1964
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Dix ans après le fonçage (creusement) du premier puits et de la galerie d'exploitation près de Saint-Priest-la-Prugne, le reportage télévisé de décembre 1964 décrit le fonctionnement de la mine et de l'usine d'exploitation d'uranium au nord-ouest du département de la Loire. Il s'agit d'une explication essentiellement technique de la transformation du minerai : le produit occupe l'essentiel du reportage.

L'origine de cette exploitation remonte à la création du Commissariat à l'Énergie atomique (CEA) par le général de Gaulle (ordonnance du 18 octobre 1945). Les différents gouvernements de la IVe République (1946-1958) ont soutenu les programmes de développement du CEA. Le premier plan quinquennal de l'énergie atomique (1952-1957) avait abouti à la création d'un centre production de plutonium à Marcoule dans le Gard. En juillet 1957 est lancé le deuxième plan quinquennal de l'énergie atomique et le gouvernement de Félix Gaillard décide, le 11 avril 1958, de réaliser en 1960 la première série de tirs expérimentaux d'engins atomiques. Le général de Gaulle officialise et théorise au nom de l'indépendance nationale un programme conçu et mis en place par ses prédécesseurs. La première bombe atomique française explose en février 1960 à Regane au Sahara alors que les autres pays occidentaux et l'URSS observaient alors un moratoire sur les expérimentations à ciel ouvert. C'est dans ce contexte qu'est développée l'exploitation du gisement d'uranium de Saint-Priest-La-Prugne.

L'essentiel des ressources françaises en minerais d'uranium français, généralement de faible teneur, se trouve dans des gisements associés à des granites. Leur exploitation se fait par mines à ciel ouvert ou par des travaux miniers souterrains pour la partie profonde. Le gisement du Limouzat, situé à 3 km environ à l'Ouest du village de Saint-Priest-la-Prugne sur 1,5 km de longueur se love dans une structure faillée La Division du Forez/Grury comprend deux centres d'extraction : la mine des Bois-Noirs à Saint-Priest-la-Prugne (Loire) et celle de Grury (Saône-et-Loire). Après des années d'exploration dès 1955, commence en 1960 l'exploitation de la mine des Bois-Noirs. L'usine de traitement chimique des minerais fut confiée à la Société Industrielle des Minerais de l'Ouest (SIMO). Le traitement des minerais était réalisé dans deux unités distinctes : l'atelier de préparation des minerais situé à proximité des deux puits d'extraction. Après le passage dans un cylindre compteur (mesure du rayonnement gamma), le minerai était concassé deux fois, d'abord pour débourbage, ensuite un concassage secondaire était associé au broyage. L'ensemble était enfin réduit en pulpe décantée avant d'être pompée vers l'usine de traitement. Construite à proximité du site minier, elle fut mise en service en février 1960. Sise à 600 mètres en amont de la mine, l'usine a une capacité annuelle de traitement de 180 000 t de minerai avec une production de 330 t d'uranium et un rendement de 95 %, fournissait du nitrate d'uranyle très pur contenant 25 % de métal. Le produit final était liquide. Il était ensuite versé dans des containers en acier inoxydable. Les effectifs de la mine évoluent peu : 470 en 1958, 422 en 1963, 322 en 1974. Les effectifs de l'usine, selon les périodes ont évolué de 110 à 170 personnes. Au total donc, au plus fort de l'activité, le site comptait environ 650 à 700 personnes. La mine d'uranium a été très vite mécanisée par l'introduction d'engins mécaniques de forage, d'abattage et de transport. Les risques principaux sont communs à toutes les exploitations souterraines : chutes de blocs, accidents de manutention et ceux liés aux engins de transport. La silicose semblait peu fréquente chez les mineurs d'uranium.

Mais en 1970, la conviction est faite que les réserves s'épuisent et qu'il faudrait arrêter l'exploitation dans les dix ans à venir. Produit en 1964, le reportage très lucidement prévoit 15 ans d'activité, ce qui est exactement la durée de l'exploitation. De fait l'activité de l'usine est maintenue jusqu'au mois de juillet 1980. En 20 ans, de 1960 à juillet 1980, l'usine de Saint-Priest a traité 2 584 000 tonnes de minerai contenant 6 718 tonnes d'uranium..Pendant un demi-siècle d'existence, les mines françaises ont extrait 53 millions de tonnes de minerai et produit 76 000 tonnes d'uranium sous forme de concentré soit 3,9 % de la production mondiale.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Bien que situé dans un vallon enchanteur, Saint-Priest la Prugne nous fait plutôt penser à l’uranium. Depuis quand ce gisement est-il exploité et quelle est l’importance de la mine placée sous le contrôle du Commissariat à l’Energie Atomique, c’est ce que nous sommes allés demander à Monsieur Chardon, chef de la division du Forez.
Intervenant
Ce gisement a été reconnu en 1953, est exploité depuis 1960. Il s’agit d’un filon siliceux situé en bordure nord du massif granitique des Bois-Noirs. Le minerai contenu dans ce filon se trouve sous forme de pechblende, c’est un oxyde d’uranium. Les réserves connues aujourd’hui suffisent pour assurer à la mine une vie d’environ 15 années.
Journaliste
Monsieur Chardon, je vais vous demander maintenant de nous aider à découvrir le travail au fond de la mine et avec les téléspectateurs, de nous permettre de suivre les différentes opérations.
Intervenant
Une mine d’uranium n’est pas différente d’une autre mine métallique, cette mine a un développement d’environ 11 kilomètres de galeries. Elle est équipée de 2 puits dont l’un a 200 mètres de profondeur, l’autre 400 mètres. Si vous voulez, suivons les mineurs au fond de la mine, prenons la cage qui descend à 4 mètres seconde et allons jusqu’au niveau 200, c’est-à dire à 200 mètres de profondeur, là où se trouvent aujourd’hui les chantiers d’abattage. Les mineurs forent le filon, tirent le, tirent le minerai à l’explosif, raclent les produits jusqu’à des berlines de 1800 litres. Ces produits sont ensuite acheminés vers le puits, là ils sont culbutés dans un skip de 5 tonnes. Nous extrayons ainsi tous les jours de l’ordre de 600 tonnes. Les produits une fois extraits sont acheminés vers l’atelier de broyage. D’abord, concassés à 120 millimètres, le minerai est repris par un broyeur équipé d’un moteur de 380 chevaux, chargé de 40 tonnes de barres. Là, le produit est transformé en une boue très fine, les grains ont une dimension moyenne de 160 microns. Cette boue est ensuite pompée vers l’usine chimique, elle est contrôlée auparavant par toutes sortes d’appareils. Nous mesurons ainsi le débit de la boue, son poids, sa teneur, sa densité. Le CEA a confié la direction de l’usine à la Société Industrielle des Minerais de l’Ouest qui assure l’extraction de l’uranium grâce à un procédé original et breveté. Les produits extraits sont sous forme liquide. Il s’agit du nitrate d’uranyle qui contient 25% de métal et qui est nucléairement pur. Ce liquide est acheminé vers les usines métallurgiques, soit du Bouchet en Seine et Oise, soit à l’usine de Malvési près de Narbonne.
Journaliste
Ceci est le présent Monsieur Chardon mais nous savons que l’énergie atomique, c’est l’avenir également et où en sont les prospections en cours ?
Intervenant
Les prospections en cours représentent l’essentiel de nos activités, il ne fait aucun doute qu’il s’agit surtout pour le moment d’assurer l’avenir de l’activité atomique en France et dans ce but, nous avons des équipes réparties entre le Morvan et le Livradois et en même temps le long des Monts du Beaujolais, du Livradois, du Lyonnais. Nous avons eu également des travaux dans les plaines sédimentaires du, de la région de Roanne, de la région de Montbrison. Tous ces travaux ont donné des résultats positifs. Notre activité s’étendra encore pendant une quinzaine d’années dans le domaine de la recherche géologique et nous espérons avoir d’autres résultats intéressants qui nous permettront de définir d’autres gisements.
Journaliste
Pouvez-vous nous dire pour terminer quelle est l’incidence de l’implantation de la mine sur la vie économique et la situation économique de la région ?
Intervenant
La division minière du Forez et l’usine chimique a créé dans cette région 500 emplois nouveaux. Le personnel est réparti dans les agglomérations de Saint-Priest la Prugne, de Saint-Just-en-Chevalet dans la Loire, de Laprugne dans l’Allier. Nous distribuons sous forme de salaire chaque année de l’ordre de 6 millions de francs actuels.