Bilan sur le théâtre régional par Marcel Maréchal

29 décembre 1969
05m 13s
Réf. 00241

Notice

Résumé :

Marcel Maréchal fait un bilan de l'année théâtrale dans la région. C'est une réussite quant à l'augmentation des spectateurs, cependant il s'inquiète des possibilités de suppression des subventions.

Date de diffusion :
29 décembre 1969
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Éclairage

En décembre 1969, après les déclarations du ministère des Affaires culturelles, Edmond Michelet, sur la diminution des subventions aux compagnies théâtrales, Marcel Maréchal fait le bilan non seulement de la fréquentation des théâtres à Lyon et à Grenoble, mais aussi de l'ensemble des activités culturelles (arts plastiques, photographies) sur la place lyonnaise.

Le théâtre avait été largement favorisé et subventionné pendant les « années Malraux » de 1959 à 1969, ceci malgré la diminution des crédits attribués aux Affaires culturelles. En arrivant au ministère, Edmond Michelet répartit entre les différents secteurs un budget en baisse. Le théâtre est donc touché à double titre.

Maréchal s'efforce de faire un bilan quantitatif du public fréquentant le théâtre à Grenoble et dans son théâtre du 8ème à Lyon où il s'était installé en mai 1968. Il s'insurge contre une idée reçue selon laquelle il ne se passerait rien en province et avance de façon paradoxale qu'on pourrait présenter l'agglomération lyonnaise comme la capitale du théâtre. Ceci afin de démontrer qu'on ne peut se contenter de subventionner une seule salle, en l'occurrence le TNP de Villeurbanne.

Marcel Maréchal, né à Lyon en 1937 a consacré sa vie au théâtre. Il fonde à Lyon en 1960 la compagnie des Comédiens du Cothurne et s'installe rue des Marronniers dans la salle de 100 places créée par Planchon qui a rejoint en 1957 le Théâtre de la Cité à Villeurbanne. Maréchal forme ici de jeunes acteurs, tels Pierre Arditi, Catherine Arditi, Marcel Bozonnet, Maurice Bénichou, Bernard Ballet, Jacques Angénio et met en scène un certain nombre d'œuvres classiques et contemporaines. Il fait connaître Jacques Audiberti (création du Cavalier seul en 1963 et de l'Opéra du monde en 1965, La poupée en 1968), Jean Vauthier (création de Badadesques en 1965 et de Capitaine Bada en 1966) et Louis Guilloux (création de Cripure en 1967). En 1967, il organise également le Festival de Sail-sous-Couzan dans la Loire avec un spectacle mémorable, Shakespeare notre contemporain.

Le 10 mai 1968 est inauguré en présence du maire de Lyon, Louis Pradel, le théâtre du 8ème (le maire fait ce jour-là sa seule sortie publique de ce mois très particulier). Marcel Maréchal et sa troupe passent d'un théâtre de 100 places à un théâtre de 1100 places. La première création - La Poupée d'Audiberti, avec Rita Renoir - est un triomphe. Le 8ème devient vite un lieu très vivant où se produisent aussi des artistes aussi divers Mike Jagger, Edouard Pignon, The Who ou les Pink Floyd. Le public répond en masse : 24 000 abonnés en 1969 et 128 000 spectateurs alors que la Compagnie des Alpes, créée depuis une dizaine d'années, a 147 000 spectateurs, avance t-il le 29 décembre 1969 dans le journal télévisé Rhône-Alpes Actualités.

Metteur en scène, directeur de troupe, acteur, Marcel Maréchal met en scène et joue La Moscheta de Ruzzante (en 1968) et La Paix d'Aristophane en 1969.

En 1975 Marcel Maréchal quittera Lyon pour Marseille pendant une quinzaine d'années, puis rejoindra Paris pendant cinq ans. Enfin, il animera jusqu'en 2011 la compagnie itinérante des Tréteaux de France retrouvant ainsi l'âme et la vie de bateleurs des hommes de théâtre.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
La fin de l’année traditionnellement, c’est le moment des bilans. Marcel Noël Maréchal, homme de théâtre et artiste tout simplement, l’année 1969 dans l’activité culturelle, dans la région Rhône Alpes, elle se caractérise comment cette activité culturelle ?
Marcel Maréchal
Et bien, elle se caractérise de façon optimiste par, sur le plan général par une augmentation globale du nombre de spectateurs dans la région Rhône Alpes. Et plus particulièrement à Lyon. Pour citer des chiffres, enfin on annonce qu’à Grenoble, à la Maison de la Culture, il y a eu 147334 spectateurs pour 2 salles, pour le théâtre du 8ème, je parle de ce que je connais, nous avons eu l’année passée pour une seule salle 128000 spectateurs, ce qui est quand même assez important. Ça c’est optimiste. Mais si vous voulez, sur un petit côté pessimiste, c’est que à côté de cette réussite éclatante, on parle dans certaines sphères de, pour des raisons d’austérité, de couper les crédits à cette réussite et c’est là que je suis un peu inquiet. Mais enfin, j’espère.
Journaliste
Vous avez parlé d’augmentation du nombre des spectateurs dans la région Rhône Alpes, pourtant on dit que en dehors de l’enceinte de Paris, rien ne passe en province.
Marcel Maréchal
Ah, ça c’est une, c’est une idée qui est un peu vieille. Je crois que au contraire, de… dans de nombreuses salles de rédaction, les journalistes spécialisés se demandent si Lyon n’est pas devenue, Lyon particulièrement et la région Rhône Alpes aussi, si Lyon n’est pas devenue la Capitale du théâtre, du théâtre français. Enfin et je crois quand même que cette année, ça a été une année tout à fait éclatante puisque entre le Théâtre de la Cité, le Théâtre des Célestins, le Théâtre du 8ème, il y a eu une vingtaine de créations d’ouvrages contemporains à Lyon et il y a eu aussi l’ouverture d’un Opéra Nouveau, un opéra à répertoire et à prix populaires sous la direction d’Erlo avec la collaboration de Pierre [Bern]. Un opéra un peu ans le style de ce que Vilar avait voulu faire avec le TNP, a voulu faire, a fait même avec le TNP. Je crois que donc, on peut dire qu’à Lyon il se passe des choses d’une importance nationale et que Lyon est vraiment la capitale du Théâtre.
Journaliste
L’activité culturelle, c’est le théâtre surtout pour vous Marcel Noël Maréchal mais il n’y a pas que le théâtre.
Marcel Maréchal
Oui, il y a les arts plastiques par exemple, mais je crois qu’à Lyon il se passe pas mal de choses, c’est pas tellement ma partie mais j’ai eu assez de plaisir cette année à voir des choses importantes, notamment à le Lutrin où j’ai vu une belle exposition du Jim Léon, que j’aime beaucoup. Et puis à la Galerie Verrière, j’ai vu aussi une exposition qui m’a beaucoup, qui m’a beaucoup plu, c’est l’exposition de Max Schoendorff mais ceci dit, je crois qu’il se passe beaucoup d’autres choses, je ne voudrais pas vexer les autres galeries parce que, mais c’est malheureusement, je n’ai pu voir que ça.
Journaliste
Expositions aussi dans le cadre du théâtre du 8ème.
Marcel Maréchal
Ah oui, et bien, il y a eu surtout une exposition de Costa Coulentianos, de ses sculptures, que moi je considère comme un très très grand artiste, qui vit dans la région, qui vit à Chavannes- sur-Reyssouze dans l’Ain, et puis alors une exposition. Je crois que c’est la, Jean-Jacques Lerrant a dit que c’est une des premières ou la toute première d’art cinétique, c’était l’exposition du grand artiste Soto.
Journaliste
Combien de spectateurs, combien l'ont vue, plutôt ?
Marcel Maréchal
Ah ben 30000, à peu près. 30000, ce qui est assez… Alors il y a eu aussi, je crois qu’il faut, il faut signaler les expositions qu’il y a dans les maisons de la culture, qui sont très importantes, que malheureusement je n’ai pas pu voir.
Journaliste
Dans la région ?
Marcel Maréchal
Oui, surtout à Grenoble je crois, qu’il y a eu des choses très importantes.
Journaliste
Nombreuses créations au théâtre dans la région lyonnaise, l’Opéra Nouveau à Lyon, l’augmentation du nombre de spectateurs, beaucoup d’expositions, somme toute, le bilan est assez satisfaisant.
Marcel Maréchal
Le bilan est tout à fait satisfaisant. Enfin en ce qui concerne les créateurs et l’augmentation du public. Seulement comme je vous l’ai dit, il y a le revers de la médaille, c’est-à dire c’est l’insuffisance de crédits. Et là, je tiens à dire que il s’agit de très peu de choses, peut-être que le public est lassé de voir que les animateurs demandent de l’argent. Ce n’est que nécessité et justice. Dans les autres pays du monde, notamment en Allemagne de l’ouest, il y a longtemps que c’est passé dans les mœurs tout ça. Il y a longtemps que l’Etat et les collectivités locales ont compris qu’il fallait subventionner le théâtre, ça faisait comme l’éducation nationale. Il s’agit de quoi en plus. Il s’agit de rien du tout, il s’agit peut-être de donner des crédits qui correspondent à 50 kilomètres d’autoroute. Je dis pas pour nous mais pour l’ensemble de, des affaires culturelles en France, c’est-à dire rien du tout quoi. Très, très peu de choses pour qu’il y ait une vie théâtrale plus grande, pour que les enfants, pour que le public puisse accéder de façon démocratique à la culture.
Journaliste
Alors Marcel Maréchal, après le bilan, ça c’est un vœu.
Marcel Maréchal
C’est un vœu mais je crois qu’on y arrivera parce qu’il y a beaucoup de gens qui en ont pris conscience, le public en a pris conscience et je crois qu’aussi, les gens qui nous gouvernent en sont conscients, je l’espère au moins qu’ils vont faire quelque chose pour que les choses s’arrangent.