Le Festival de la correspondance de Grignan

07 juillet 2001
02m 21s
Réf. 00300

Notice

Résumé :

Le Festival de la correspondance de Grignan est une manifestation culturelle qui célèbre l'art épistolaire. Cette année, les auteurs infréquentables sortent de l'ombre.

Date de diffusion :
07 juillet 2001
Source :

Éclairage

Chaque semaine et pendant un quart de siècle, la marquise de Sévigné, née Marie de Rabutin Chantal, écrivit trois ou quatre lettres à sa fille, Françoise Marguerite. En février 1671, cette fille choyée a quitté Paris pour rejoindre son mari, François d'Adhémar, comte de Grignan, nommé lieutenant général en Provence par Louis XIV. Si les premières lettres expriment le déchirement de la marquise face à cette séparation, les suivantes – 764 recensées sur plus d'un millier de lettres envoyées – dresseront la chronique spirituelle et sensible de la cour et des salons parisiens, où elle fréquente La Rochefoucauld, le cardinal de Retz, Fouquet ou Mme de La Fayette, et feront le récit des événements marquants qui se produisent à Paris, sur le ton enjoué d'une conversation mondaine.

C'est à cette grande épistolière, morte à Grignan, en 1696, alors qu'elle était venue soigner sa fille, que le Festival de la correspondance a voulu rendre hommage. Et le pari du maire de Grignan, Bruno Durieux, de créer en 1996, l'année du tricentenaire de la mort de Mme de Sévigné, un festival consacré à l'art épistolaire, genre littéraire plutôt négligé, était plutôt osé.

Pendant une petite semaine, les ruelles de ce village perché, les jardins et la collégiale bruissent des lectures que déclament des comédiens connus ou moins connus, s'animent au rythme des ateliers d'écriture ou de calligraphies et de rencontres littéraires, résonnent d'intermèdes musicaux.

Force est de constater que l'audace a payé. Grignan, en Drôme provençale, n'attire pas seulement les promeneurs en quête de patrimoine, de gastronomie (nous sommes au pays de la truffe et du picodon !) et de paysages baignés de lumière où s'étirent les champs de lavande. Au fil des éditions, le Festival a su fédérer auteurs, éditeurs, comédiens et artistes pour contenter un public exigeant. Chaque année, autour d'un thème choisi, il célèbre « toutes les correspondances de toutes les époques et sous toutes ses formes, des plus traditionnelles aux plus contemporaines ». Pour sa sixième édition, en cet été 2001 qu'évoque le reportage, c'est sur les auteurs « infréquentables » qu'il a choisi de se pencher. Infréquentables comme l'était la marquise de Sévigné, selon l'écrivaine Françoise Amel, interviewée dans le JT du soir de France 3 : « Une femme de plume est toujours infréquentable car une femme qui écrit vrai, qui va au fond du style et de la vérité des sentiments et de sa propre vérité écrit forcément des choses qui dérangent l'entourage. »

Michelle Zancarini

Transcription

Présentatrice
Autre festival, celui de la correspondance à Grignan dans la Drôme. Ateliers d’écriture, cafés littéraires, lectures publiques, animés par des comédiens célèbres, pour sa sixième édition, les organisateurs ont choisi de sortir de l’ombre les auteurs infréquentables. Explications.
Journaliste
Les infréquentables. La Marquise de Sévigné aurait pu en parler longuement, en écrire des pages et des pages. C’est Françoise Hamel qui l’affirme. L’écrivain a reconstitué les correspondances détruites entre la Marquise, célèbre épistolière, et sa fille Madame de Grignan, deux grandes infréquentables de leur époque.
Françoise Hamel
Madame de Sévigné était infréquentable à cause de son écritoire. Une femme de plume est toujours infréquentable. Car une femme qui écrit vrai et qui va au fond du style et de la vérité des sentiments et de sa propre vérité, euh écrit forcément des choses qui dérangent l’entourage.
Journaliste
Grignan, terre d’asile des infréquentables comme un pied de nez aux ronds de jambes et au conformisme. Dans les ruelles de la cité, on se régale de plumes combatives, de langages gaillards. Parmi les infréquentables notoires, Agrippine, mère de Néron, Empereur romain.
Comédienne 1
Je suis née des dieux, mais hélas ils m’ont faite femme, pourquoi. C’est la pire des choses qui put m’arriver. L’exil, la faim, la peur, ça n’est rien, mais être une femme.
Journaliste
La collégiale devait porter haut le verbe d’autres femmes libres. Trois infréquentables aussi Anaïs Nin, Colette et Virginia Woolf, mais le vent et la pluie s’en mêlent.
Intervenante
Ben alors, alors quel, il pleut. Voilà alors, alors. Hein.
Journaliste
Pas question de taire de si piquants écrits, la liberté de penser s’exprimera ailleurs.
Fanny Cottençon
Cousin chéri, j’ai essayé pour la dernière fois aujourd’hui de diriger ma vie selon un idéal, mon idéal était de t’attendre toute ma vie et j’ai attendu trop longtemps. Maintenant je me laisse guider par mon instinct et le courant me porte vers Henri.
Fanny Conttençon
Elles sont des phares, ce sont des phares et puis c’est des femmes remarquables et on a besoin de femmes et d’hommes remarquables dans la vie, sur notre terre. Et elles en sont et on a besoin de, je trouve que c’est nécessaire d’entendre leur voix.
Journaliste
C’est le vent de l’insolence qui souffle sur Grignan, le festival a rappelé que biffer des écrivains n’est que rature de l’histoire, la liberté ne peut s’écrire qu’en lettres majuscules.
(Musique)