Roger Vailland

06 mars 1963
01m 18s
Réf. 00307

Notice

Résumé :

Roger Vailland dresse le bilan de sa vie. Il parle des différentes étapes de son parcours et se voit comme l'unité de tous ses passages successifs.

Type de média :
Date de diffusion :
06 mars 1963
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Personnalité(s) :

Éclairage

Roger Vailland, écrivain prolixe à la réputation sulfureuse, s'est installé dans l'Ain au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Deux ans avant sa mort, le visage émacié et tendu, Roger Vailland, dresse dans un monologue à la télévision, un bilan de sa vie : « Catholique fervent, footballeur, intellectuel petit-bourgeois, combattant dans la Résistance, communiste, je suis sorti de toutes ces ‘ écoles' sans les renier », mais – dit-il, « je suis l'unité de tout cela et je suis arrivé à un stade où l'on se retrouve seul face à face avec soi-même ». Né dans l'Oise en 1907, il est mort à Meillonnas en 1965, le village de l'Ain où il s'était retiré pour écrire en compagnie de son épouse Élisabeth, compagne attentionnée pendant un quart de siècle.

Après de courtes études de lettres, il est embauché par le directeur Pierre Lazareff et devient journaliste à Paris-Soir. Admirateur de Rimbaud, il fréquente les milieux littéraires parisiens et particulièrement les surréalistes, mais s'attire l'animosité d'André Breton. Libertin, il s'adonne également à l'alcool et à la drogue. Réfugié à Lyon pendant la guerre, il entre en Résistance et adhère brièvement au parti communiste français entre 1952 et 1956 jusqu'à ce qu'en compagnie de Jean-Paul Sartre, il condamne en novembre 1956 l'invasion soviétique en Hongrie. Compagnon de route puis adhérent, Vailland écrit dans sa période communiste des romans engagés : Les Mauvais coups en 1948, Bon pied bon œil en 1950 sur le militantisme, Beau masque en 1954, peut-être son œuvre la plus connue qui célèbre la fraternité syndicale et la lutte contre l'aliénation ; en 1955, 325 000 francs est un pamphlet contre le capitalisme. En 1957, le prix Goncourt pour La Loi lui amène la gloire, l'argent, la vie facile. Écrit dans un village des Pouilles en Italie du Sud où il s'était retiré un temps avec sa femme Élisabeth, le roman de mœurs décrit les rapports de hiérarchie et de domination entre notables et paysans et entre hommes et femmes. Le roman est adapté deux ans plus tard au cinéma avec des acteurs et actrices prestigieux (Gina Lollobrigida, Yves Montand, Marcello Mastroianni, Melina Mercouri). Critique de cinéma, scénariste, dialoguiste, pour l'adaptation de ses propres romans ou pour d'autres scenarii, Roger Vailland collabore avec plusieurs metteurs en scène tels Louis Daquin ou Roger Vadim.

Roulant en Jaguar à la fin de sa vie, Roger Vailland - cet ancien communiste proche des paysans de son village - ne se laisse donc enfermer dans aucune catégorie.

Michelle Zancarini

Transcription

Roger Vailland
Quand j’ai été enfant, j’ai été catholique fervent. Ensuite j’ai été amateur de football, ensuite j’ai été surréaliste, ensuite j’ai été ce que les marxistes appellent un intellectuel petit bourgeois, ensuite j’ai été un combattant dans la Résistance, ensuite, j’ai été un communiste. Et maintenant j’ai tout ça derrière moi c'est-à-dire je suis successivement sorti de toutes ces écoles, je dirais… oui c’est le mot école, je crois qui est assez juste, c’étaient des écoles pour moi. Et qu’est-ce qui est sorti de tout ça, je ne renie rien de tout ça, il n’y a aucun de ces passages que je renie et j’ai l’impression que ce que je suis maintenant, je ne suis pas entré dans une nouvelle école et que je n’entrerai plus dans une nouvelle école, que je suis l’unité de tout ça. L’unité de tout ça, sortant de tout ça, s’y opposant si vous voulez. Et que maintenant, ce que je dois écrire si je fais de nouveaux essais, je ne m’occuperai plus de Laclos, ni de Casanova ni de peinture, peut-être, bien que cela m’amuse un peu plus, mais j’essaierai de me poser, moi, parce que maintenant je suis arrivé à cet âge où on n’a plus besoin d’école, on n’a plus besoin de parents, on n’a pas besoin ni de confesseur ni de parents ni de parti. On se trouve seul face-à-face avec le monde et avec soi et sachant qu’on mourra bientôt.