Alain Gilles, meilleur basketteur français

20 avril 1972
15m 34s
Réf. 00323

Notice

Résumé :

Le basketteur Alain Gilles fait parti des joueurs emblématiques du club de basket-ball de Villeurbanne (ASVEL). Il vient de remporter son cinquième titre de champion de France avec l'ASVEL après leur victoire sur Antibes.

Type de média :
Date de diffusion :
20 avril 1972
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Thèmes :

Éclairage

Au printemps 1972, « Les Coulisses de l'exploit», la très populaire émission télévisée d'informations sportives créée onze ans plus tôt par Jacques Goddet, le directeur du journal L'Equipe et Raymond Marcillac, ancien directeur de l'information sur la première chaine et célèbre journaliste sportif qui vit ici ses dernières semaines à ce poste, diffuse un reportage sur celui que l'on considère alors comme le meilleur joueur de basket du pays, le Villeurbannais Alain Gilles. Le reportage, signé Régis Forissier, fait alterner en noir et blanc des séquences de matches, des prises de vue du quotidien du champion et des interviews d'Alain Gilles et de son entourage sportif, professionnel et familial. Il s'attache à célébrer simultanément la réussite sportive du joueur et les grandes valeurs qu'il incarne : simplicité et modestie, travail et rigueur, fidélité au club des origines, plaisir, convivialité et camaraderie, ce dernier terme revenant de façon récurrente dans les commentaires de Jean Raynal. En s'affranchissant de toute nuance ou critique, le reportage réunit ainsi nombre des poncifs sur le sport du début des années 1970. Il fait aussi reposer l'excellence sportive sur l'idéologie du don et la précocité du talent que la qualité d'une éducation familiale sportive contribuerait à faire s'épanouir. Le stéréotype du bon fils est redoublé par celui du bon travailleur quand un hommage appuyé est rendu à son employeur, Raphaël de Barros, un industriel local par ailleurs président du club de l'ASVEL où joue Alain Gilles. Celui-ci, en effet, n'est pas un basketteur professionnel malgré son palmarès. En le filmant au travail dans la chaudronnerie de Raphaël de Barros puis dans le bar qu'il possède, le reportage témoigne du statut semi-professionnel sur lequel le basket-ball français repose encore dans les années 1970.

Tout en reflétant pleinement le statut du basket de l'époque, la trajectoire d'Alain Gilles n'en est pas moins remarquable. Né en 1945 à Roanne où il joue d'ailleurs trois ans, il est en 1972 à son apogée de joueur et est alors élu « meilleur basketteur français du XXe siècle » par un panel de joueurs, entraîneurs et journalistes. Avec un poids de 75 kilos et une taille relativement modeste d'1,88 m à un moment où les double-mètres sont déjà fréquents dans les équipes, sa valeur tient surtout dans son intuition, sa rapidité et sa technique. Champion du monde militaire à 19 ans, il entre à l'ASVEL en 1965 où il fait toute sa carrière sportive en contribuant à imposer durablement le club comme le meilleur du pays. Il remporte en effet deux coupes de France en 1965 et 1967 et devient champion de France en 1966, 1968, 1969, 1971, 1972, 1975, 1977 et 1981, tout en étant consacré meilleur joueur de championnat en 1964, 1965, 1967, 1968, 1969, 1971, 1972 et une dernière fois en 1975. Il cumule 177 sélections en équipe nationale et joue à huit reprises en équipe d'Europe. Dès le début des années 1970, le joueur-capitaine de l'ASVEL participe à la préparation de ses coéquipiers ; il devient entraineur à part entière en 1980 et conduit le club au titre national dès l'année suivante. En 1990, il part finalement entraîner Montpellier pour trois saisons. A l'ASVEL, sa légende demeure cependant intacte. Son numéro 4 est d'ailleurs retiré du lot des maillots, afin que nul ne puisse plus le porter après lui.

Thierry Terret

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Avant-dernière journée du Championnat de France de basketball, dans un palais des sports de Lyon archicomble, Villeurbanne rencontre Antibes, titre en jeu. Tous les Villeurbannais vont se surpasser comme Alain Durand qui fait la loi sous les panneaux face aux géants antibois. Mais une fois de plus, un joueur va dominer le match de toute sa classe. Alain Gilles, meilleur marqueur de la rencontre avec 43 points. C’est le triomphe, l’ASVEL a remporté son 13ème titre de champion de France, le 5ème pour Alain Gilles.
Alain Gilles
Oui, c’est formidable, enfin disons que ça fait le 5ème depuis 7 ans que je suis à Villeurbanne…
Journaliste
5 titres en 7 ans.
Alain Gilles
Oui, plus 2 coupes de France.
Journaliste
Un beau palmarès. Alain Gilles, 26 ans, 1 mètre 88, 75 kilos, international à 16 ans alors qu’il jouait à la chorale de Roanne son premier club. Alain Gilles, meilleur basketteur français de sa génération, le roi du dribble, le spécialiste de la contre-attaque, l’homme qui ne s’avoue jamais vaincu, le joueur à l’adresse diabolique. Cette adresse, ce sens du panier qui le caractérise, Alain Gilles va en fournir une preuve éclatante au cours de la rencontre Le Mans Villeurbanne. A une seconde et demie de la fin du match, les 2 équipes sont à égalité. Tous en faveur des Villeurbannais.
Intervenant 1
Non, le panier n’a pas été accordé, c’est donc une seconde et demie pour marquer là, c’est extraordinaire. Voilà, dernier tir de Gilles qui marque. Extraordinaire Gilles, à la dernière seconde, Gilles marque le panier de la victoire. Le public conteste, mais Villeurbanne a gagné par 77 à 75. C’est vraiment extraordinaire grâce à ce panier de Gilles presque du milieu du terrain.
Inconnu 1
Attention à ne pas tomber la pipe.
Journaliste
Mais Alain Gilles, ce n'est pas seulement le joueur exceptionnel, c’est aussi le camarade, le copain avec qui on aime se retrouver pour une partie de boule, de boule lyonnaise bien sûr. Ici, il se détend entre 2 rencontres de championnat en compagnie des rugbymen du Lyon Olympique uni et de quelques amis.
(Bruit)
Inconnu 2
Oh, elle est bonne celle-là, c’est la mienne.
Inconnu 3
Tu peux tirer là maintenant si tu veux.
Alain Gilles
Non, mais elle est à nous celle-là, il y en a 2.
Journaliste
La vie d’Alain Gilles n’est pas cependant entièrement au basketball et au loisir. Comme tous ses coéquipiers, il exerce un métier, 2 même, car Gillou ne fait rien comme tout le monde. Il est propriétaire d’un bar et attaché de direction dans une entreprise de chaudronnerie. Son patron, Monsieur Raphaël de Baross, un employeur compréhensif, puisqu’il s’agit du président de l'AS Villeurbanne. Parmi les employés de Monsieur de Baross un autre basketteur célèbre, Gérard Moreau.
Gérard Moreau
Voilà, le système de vidange là est modifié. Il faut tout de suite changer le moteur réducteur qui est trop rapide pour la contenance. On va changer le moteur réducteur.
Alain Gilles
Tu as une contenance de combien là ?
Gérard Moreau
De 150 kilos. C’est possible, c’est très difficile. C’est toujours conciliable, mais une des deux choses l’emporte sur l’autre.
Journaliste
Et souvent, c’est bien sûr le travail qui l'emporte sur le basket, c’est sûr.
Gérard Moreau
A mon niveau, l’échelon auquel j’évolue, c’est le travail qui l’emporte bien sûr.
Journaliste
Pour Alain Gilles, c’est un peu différent, car il est encore entraîneur, capitaine, joueur de l’équipe de l’ASVEL, il est aussi un patron d’un café, donc c’est une de ses activités.
Alain Gilles
Oui, bien sûr comme disait Gérard, c’est très difficile pour concilier les 2, le sport et le travail. Maintenant, nous avons la chance pour Gérard auparavant, ou pour moi maintenant d’avoir un président qui est compréhensif et qui nous aide beaucoup pour continuer le basket.
Journaliste
Je crois que c’est une politique un peu de l'AS Villeurbanne de donner à tous les joueurs une situation, que ce soit chez vous ou ailleurs même.
Raphaël (de) Baross
Je crois que c’est primordial. Je considère que dans le sport, c’est très intéressant que chaque pratiquant puisse avoir une situation. Car il est évident que quand nous arrivons à 29 – 30 et 32 ans, le sport quand on l’arrête, on ne peut pas continuer à pratiquer, ou alors on le pratique à un niveau beaucoup plus, un niveau moindre...
Alain Gilles
Lorsque les joueurs, le meneur de jeu aura dépassé la zone de défense, à ce moment-là, on fait une défense normale, c'est-à-dire notre défense habituelle, notre défense individuelle avec floating. OK, alors maintenant on va faire un match pour 20 points en répétant, d’un côté Sénégal, tu joues meneur de jeu, et Michel Leuret, tu le prends en pressing. De l’autre côté, c’est Nanar qui monte le ballon et qui est meneur de jeu, et c’est Bob qui marque en pressing. OK, allez, alors pressing sur le meneur de jeu. Et pour les autres joueurs, défense individuelle normale.
Journaliste
Car Alain Gilles est aussi entraîneur de Villeurbanne. Un entraîneur comblé puisque depuis 2 ans qu’il exerce cette fonction, son équipe a gagné 2 fois le titre de champion de France. 125 fois international, capitaine de l’équipe de France, Alain Gilles a beaucoup appris au contact des meilleurs joueurs mondiaux. Il n’a pas attendu la fin de sa carrière de joueur pour faire profiter ses camarades de son expérience. Tout naturellement, Villeurbanne pratique un basketball à son image, un basketball rapide, agressif basé sur les contre-attaques et sur l’adresse des joueurs de champ.
(Bruit)
Journaliste
Mais une rencontre ne se prépare pas seulement à l’entraînement. 24 heures avant le match, tous les joueurs se réunissent à quelques kilomètres de Lyon, loin des supporters et des tentations de la ville. C’est dans une atmosphère retrouvée de chambrée en regardant un match de rugby ou de football que se forge cet état d’esprit, cette camaraderie qui font la force des champions de France.
(Bruit)
Journaliste
La traditionnelle partie de cartes, de tarot ou belote coinchée, permet d’oublier le basketball à quelques heures du coup d’envoi.
(Bruit)
Jésus Mercader
C’est le match, une rencontre de championnat parmi 26 autres. Les Villeurbannais vont se battre pendant 40 minutes sous la conduite d’Alain Gilles, leur capitaine. Si Alain Gilles jouera une fois de plus un rôle prépondérant, il serait injuste de ne pas rendre hommage à ses coéquipiers qui ont tous bien mérité le titre de champion. Alain Durand, meilleur pivot français, Michel Dupré, si précieux dans les luttes sous les panneaux, Bruno Rocoura qui se retrouve toujours dans les grandes circonstances, Gérard Lespinasse excellent défenseur. L’Américain Bob Purkisher à l’adresse insolente. Michel Le Ray le technicien, Bernard Magnien, Mick [Mardi]. Son 13ème titre de champion de France, c’est à tous ses joueurs que Villeurbanne le doit, à ses joueurs et aussi à Jésus Mercarder, le manager. Vous avez vu, vous avez joué au ballon comme il faut en attaque pendant 15 minutes. Entre le poste et le pivot, il y a eu des passes très bonnes qui se sont finies par des paniers. Vous avez fait circuler le ballon assez rapidement. Mais en défense, vous vous êtes laissé aller. Et sur certains blocages, même où il y en avait point Gillou, surtout toi, vous vous êtes laissé prendre 2 ou 3 paniers qu’on ne méritait pas de prendre.
Journaliste
Alors, Michel Duprez, à quoi attribuez-vous ces succès de Villeurbanne qui tout de même pratiquement remporte un titre sur 2 ?
Michel Duprez
Moi je pense d’abord que ça vient de la valeur des 10 joueurs. En plus, il y a, question jeu, une grande collectivité et une très bonne ambiance à Villeurbanne. Donc, c’est surtout ça, une ambiance de copains au départ.
Journaliste
Avec Gérard Lespinasse.
Gérard Lespinasse
Oui, c’est une grande famille, les dirigeants sont très soudés, ils n’ont pas beaucoup de problèmes dans la vie. Ils essaient de prévenir tous nos problèmes, et je crois que c’est très important maintenant.
Journaliste
Bernard Magnien ?
Bernard Magnien
Je pense que c’est la camaraderie, et les dirigeants ont su en 20 ans justement éliminer toutes les erreurs, et ils ont réussi à créer un climat qui veut qu’on réussisse.
Journaliste
Bob Purkisher.
Bob Purkisher
C’est formidable, oui.
Journaliste
Enfin, Alain Durand.
Alain Durand
Je suis heureux, j’ai appris à jouer au basket à Villeurbanne. Et je crois que je finirai ma carrière de basketteur à Villeurbanne.
Journaliste
Un seul club donc.
Alain Durand
Un seul club, oui. C’est le meilleur alors.
Alain Gilles
Je pense que c’est surtout la camaraderie qui existe entre nous, et la grande ambiance qu’il y a, que les dirigeants essaient d’amener justement au club. Je pense que ce sont les 2 seules raisons de tous ces résultats. Bien sûr, on a de bons joueurs, mais enfin vous savez, une équipe souvent avec de très bons joueurs n’est pas forcément championne de France.
Bob Purkisher
Bruno Rocoura, qu’est-ce que vous pensez d’Alain Gilles votre capitaine entraîneur ?
Bruno Rocoura
Gilles, c’est le meilleur joueur en France. Enfin, je n’invente rien, il est certainement un des meilleurs en Europe. Pour moi, c’est le numéro 1, et puis j’aime bien jouer avec lui parce que j'ai l'habitude de jouer avec lui. On a des tactiques ensemble, tout ça, on ne se cherche pas sur le terrain, on sait où se trouver.
Journaliste
Puis en dehors de la vie, vous êtes de bons camarades aussi je crois.
Alain Durand
Oui, on a fait de bonnes sorties ensemble.
Journaliste
Les fameuses troisièmes mi-temps. Enfin, il ne faut pas exagérer. 3ème mi-temps, elles sont légères.
(Bruit)
Bruno Rocoura
Et nous retrouvons Alain Gilles dans son bar Le Dribble pour le classique repas d’après match. Décidément infatigable, capitaine, entraîneur de l’ASVEL, bien secondé par Martine, sa compagne, sert ses coéquipiers, ses dirigeants, ses amis. Parmi eux, le vieux complice, Michel Le Ray, qui nous dit ce qui selon lui, fait la force de Villeurbanne.
Michel Le Ray
Dans un sens social surtout, et qui forme ensuite avec les joueurs un tout, et une ambiance formidable comme vous pouvez le constater.
(Bruit)
Michel Le Ray
Cette camaraderie, ces chansons à boire, cette joie d’être réunis, c’est peut-être tout le secret des victoires de Villeurbanne, et de sa continuité dans le succès.
(Bruit)
Journaliste
Au petit matin, c’est le départ pour Saint Geniès des Mourgues, petit village de l’Hérault où habitent les parents d’Alain Gilles. Des parents sportifs, le père ancien rugbyman, la mère ancienne basketteuse qui bien sûr sont pour beaucoup dans la réussite sportive de leur fils.
(Bruit)
Intervenant 3
Alain est venu tout de suite vers le basketball, et c’est ainsi que lorsqu’il avait 6 ans, je me souviens toujours de son premier panneau de basket, qui fut ni plus ni moins qu’un cercle de tonneau de Saint Geniès des Mourgues, fiché sur un panneau dans le jardin de son grand-père. Et c’est ainsi qu’Alain manifesta ses premières intentions au basketball.
Intervenante 1
J’étais heureuse à l’époque quand Alain a voulu faire le basket. Je préférais le basket au rugby parce qu’il y avait quand même moins de risques. Alors évidemment, je l’ai un petit peu encouragé, puis il était avec [Vacherès]. Alors, il était entre de bonnes mains. Alors j’ai été très heureuse qu’il fasse du basket. Quand j’ai vu qu’il était vraiment doué, évidemment, je l’ai encouragé.
Journaliste
Il a commencé le basketball très jeune, je crois.
Intervenante 1
Il a commencé le basketball, ben je crois que finalement, presque dès qu’il a su marcher pratiquement, il a commencé à dribbler avec un ballon. Alors après évidemment, il a fallu avoir le cercle.
Journaliste
Alors on dit que certains enfants naissent dans les choux, lui il est presque né dans un panier.
Intervenante 1
Oui, ben presque dans un panier. On aimait tous le sport à la maison. Moi j’avais fait du sport toute petite. Puis, j’ai été élevée avec 2 grands frères qui étaient sportifs aussi, alors ce qui fait qu’évidemment Alain a été élevé dans le milieu sportif.
Journaliste
C'est jamais une corvée de jouer au basketball pour vous ? Vous n’allez pas à l'usine, quoi, vous ne pointez pas ?
Alain Gilles
Non, c’est un plaisir pour moi.
Journaliste
C’est toujours un plaisir ?
Alain Gilles
Il faut que ça soit un plaisir le sport.
Journaliste
Alors maintenant, la grand-mère d’Alain Gilles, car la grand-mère d’Alain Gilles était vraiment une supportrice. On se souvient encore d’un jour où elle a cassé un parapluie sur la tête d’un joueur qui avait frappé Alain Gilles.
Intervenante 2
Oui, c’est vrai. Je crois que Monsieur était présent, je m’en souviens un petit peu. J’ai donné un coup de parapluie à La [Motte] je crois.
Journaliste
Oui, Julien La [Motte].
Intervenante 2
Et il a dû le sentir. Pardon, je n’y suis pas allée de main morte.
Alain Gilles
J’aimerais rester dans ce club de Villeurbanne que j’ai connu dans le fond depuis l’âge de 20 ans. Je connais beaucoup de dirigeants, je connais les problèmes de ce club. J’aimerais pouvoir les aider, parce qu’il y a encore d’autres difficultés qui se poseront à ce club. Et j’espère, disons apporter quelque chose à Villeurbanne.
(Musique)