Après l'avalanche du Val d'Isère

12 février 1970
04m 42s
Réf. 00440

Notice

Résumé :

Depuis trois jours la station de Val d'Isère est fermée. Les risques d'avalanches sont toujours possibles. Les seules personnes présentes sont les sauveteurs qui continuent à déblayer le centre de l'UCPA, où 39 résidents ont trouvé la mort.

Date de diffusion :
12 février 1970
Source :
ORTF (Collection: JT 13H )
Personnalité(s) :

Éclairage

Val d'Isère (Savoie) le Plateau d'Assy (commune de Passy en Haute-Savoie) : en 1970, le 11 février à 8h 10 et dans la nuit des 15 et 16 avril, ces deux lieux sont durement touchés par des aléas majeurs : une avalanche gigantesque à l'instar des 30 000 M3 de boue coulant sur le site du Roc de Fiz au plateau d'Assy. Si ces aléas sont parmi les plus meurtriers des Alpes au cours des 50 dernières années (39 morts et 40 blessés à Val d'Isère et 72 morts au plateau d'Assy), c'est qu'ils atteignent des bâtiments occupés. A Val d'Isère il s'agit du chalet de l'UCPA récemment construit dans une station en plein développement, surtout depuis qu'elle bénéficie de l'aura des vainqueurs des JO de Grenoble, Jean Claude Killy et les sœurs Goitschel. Au plateau d'Assy, il s'agit d'un sanatorium installé depuis 1929. Le fait que les victimes soient des jeunes renforce l'émotion qui entoure ces événements catastrophiques. Celui de Val d'Isère est particulièrement médiatisé le jour même, les jours suivants et reste un exemple toujours rappelé lors d'événements similaires.

Dès le 11 au matin un reporter déjà sur place, en raison des risques liés aux très fortes chutes de neige, envoie ses images pour le journal de 13 heures. Philippe Gildas, présentateur du JT, commence avant l'envoi du reportage à poser la question des responsabilités, de la vulnérabilité de ce chalet aux baies vitrées, largement ouvertes vers la pente ; il s'interroge sur le fait que dans un contexte menaçant rien n'ait été fait pour protéger les résidents. Une démarche bien différente des reportages actuels où cette question arrive toujours tardivement quand elle est posée. Les images tournées montrent essentiellement le travail méthodique des sauveteurs pour tenter de retrouver les corps vivants ou blessés et transportés à l'abri. Les voitures recouvertes et souvent broyées, la longueur de tiges permettant de sonder attestent de la hauteur et de la violence de la coulée. La parole est donnée à un des responsables qui, en des termes concis et apparemment sans émotion, explique le travail des sauveteurs, la solidarité et l'efficacité qui se manifestent dans ces circonstances.

Après des images qui pointent l'enfermement de la vallée, coupée par les avalanches avec les quantités de neige qu'il faut déblayer (images des camions et des pelleteuses enlevant les murs de neige provenant visiblement des pentes abruptes surplombant la route d'accès), la parole est donnée à Raymond Marcellin, ministre de l'intérieur. A l'instar de ce qui avait été initié lors des inondations dans la vallée du Rhône au milieu du 19ème siècle avec le déplacement de Napoléon III venu assurer les populations de sa compassion, le déplacement du ministre de l'intérieur signe l'importance de cet événement.

Dans ce type de reportage, c'est une des premières fois où un ministre annonce en direct des mesures pour la prévention des risques : mise en place d'un plan de lutte contre de telles catastrophes, volonté de conduire une politique plus sévère en matière d'implantation foncière. Tout en insistant sur le fait que la catastrophe n'était pas prévisible, en faisant référence aux affirmations des habitants - ce qui ôte toute responsabilité aux différents niveaux de la hiérarchie administrative et politique - il réitère sa détermination à lutter contre les intérêts particuliers qui mettent en danger l'aménagement des territoires et au final les populations. Le résultat immédiat est la création de la loi instaurant les Plans exposition aux risques (PER) qui doit élaborer une cartographie précise. Ces PER seront ensuite modifiés et leur portée élargie pour concerner l'ensemble des risques avec la loi instaurant les PPR. C'est aussi à la suite de cet événement qu'est créé en 1971 l'Association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches (ANENA). L'épisode catastrophique de Val d'Isère représente un tournant dans la législation et une étape forte dans la représentation des catastrophes de cette nature à la télévision. Dès lors que des victimes sont comptées, elles sont fortement médiatisées, entraînant la venue et l'intervention des politiques (cf. l'avalanche des Orres en 1998). Une exception cependant : l'avalanche de Montroc à Chamonix, durant l'hiver 1999, représentée à minima par la télévision malgré son nombre de victimes au sein de la population locale et parmi les touristes.

Anne-Marie Granet Abisset

Transcription

Journaliste
Sur Val d’Isère pour la troisième journée consécutive flotte le drapeau à damier noir et jaune, station bloquée, isolée. On ne peut ni monter ni descendre. Piste interdite, danger d’avalanche. Peu de monde donc dans les rues de Val d’Isère sauf les sauveteurs, toujours afférés autour du chalet de l’UCPA où les travaux de déblaiement se poursuivent. Malgré les routes bloquées, un convoi a pu passer hier. 5 camionnettes amenant dans la vallée des cercueils dans lesquels on allait placer les 39 victimes de l’avalanche. La petite école basse de la station avait été transformée en chapelle ardente. Un à un les cercueils allaient être placés dans les camionnettes qui devaient les conduire dans la soirée dans la Vallée, à l’hôpital de Bourg Saint Maurice.
(Silence)
Journaliste
A Val d’Isère un autre problème urgent pour les autorités. Les hivernants qui ont été évacués des chalets menacés, on les a regroupés au centre de la station notamment dans la salle de cinéma.
(Silence)
Inconnu
On sait seulement que la route est fermée et quand la route sera ouverte on fera des convois de cars pour nous descendre.
Journaliste
Est ce que vous avez des possibilités pour déjeuner.
Inconnu
Ben je ne sais pas on m’a parlé d’un casse-croûte là, mais pour le moment on s’en occupe nous-mêmes hein.
Journaliste
Effectivement dans l’après midi c’est le ravitaillement. Il est arrivé, vous l’avez vu, avec le convoi venu de la Vallée, venu de Bourg Saint maurice. Ces hivernants là ceux que l’on a donc regroupés de force, seront les premiers évacués avec les enfants des classes de neige dès que la route sera à nouveau praticable. Et vous allez voir dans un instant ce qui était hier encore cette route de Val d’Isère à Bourg Saint Maurice.
(Silence)
Journaliste
Cependant dans la soirée, après tous ces travaux, le premier convoi pouvait donc redescendre avec les cercueils avec 200 enfants de classes de neige. 200 enfants encadrés des moniteurs, avec aussi d’ailleurs monsieur Marcellin ministre de l’Intérieur, bloqué depuis 36 heures dans la station et qui devait ensuite, dans la vallée prendre un avion et atterrir à minuit à Villacoublay.
Raymond Marcellin
C’est vraiment, vous le savez, c’était une catastrophe qui était imprévisible cette avalanche. Il y a des avalanches qui sont prévisibles. Celle-là ne l’était pas.
Journaliste
C’est votre conviction ?
Raymond Marcellin
Pour moi c’est la conviction mais une commission d’enquête va, va étudier l’affaire. Mais le maire qui, euh occupe ses fonctions de conseiller municipal et de maire depuis 1934, qui connaît bien sa station et qui parle sous le contrôle de ceux qui l’ont élu, c’est-à dire de la population, déclare ça n’était pas du tout prévisible. Il avait d’ailleurs fait un plan de lutte contre les avalanches et un plan pour créer euh, une série d’équipements mais il n’avait pas prévu ce coin-là parce que personne dans la région ne, ne prévoyait que de là pouvait venir une avalanche aussi meurtrière, aussi terrible. C’est ce qui prouve que il y a des choses, sont imprévisibles dans ces catastrophes alors évidemment il y a des, des conseillers de la dernière heure qui euh, une fois la catastrophe arrivée, viennent dire il fallait faire ci il fallait faire ça. Et quelquefois ils occupent des fonctions qui nous permettent de dire, à nous responsables, euh ces conseils-là il fallait que vous le donniez avant pas après. De nombreux efforts doivent être faits et faits surtout à mon avis, des efforts doivent être faits en ce qui concerne l’implantation des bâtiments. Il y a beaucoup de hardiesse actuellement et il faudrait que cela soit certainement euh, modéré. Il faudrait beaucoup plus d’études lorsqu’il y a pas eu de catastrophe depuis longtemps euh, il y a trop d’audaces et il faut que les contrôles soient certainement beaucoup plus stricts là où ils doivent être faits.
Présentateur
Monsieur Marcellin a été reçu ce matin par le président de la République, monsieur Georges Pompidou. Il lui a fait part des constatations qu’il a faites sur place à Val d’Isère et il a annoncé également qu’une commission d’enquête serait nommée. C’est ce qu’il vient de dire donc à Jean-Pierre Sautet.