Mise en œuvre du plan Juppé

23 janvier 1996
02m 02s
Réf. 00049

Notice

Résumé :

Le plan Juppé est annoncé par le discours du 15 novembre 1995. Sa mise en œuvre se réalise par une série d'ordonnances publiées au cours de l'année 1996. Tous gouvernements confondus, l'œuvre d'Alain Juppé a perduré, constituant un tournant dans l'architecture de la Sécurité sociale. Les LFSS, l'Ondam, la Cades, les ARH sont les grandes pierres de cet édifice.

Date de diffusion :
23 janvier 1996
Source :
FR3 (Collection: SOIR 3 )
Thèmes :

Éclairage

Le plan Juppé est présenté par son auteur dans un discours de politique générale sur la Sécurité sociale, le 15 novembre 1995. La particularité de ce plan est qu'il est très ambitieux. Le Premier ministre veut d'abord que le Parlement se prononce par un vote sur son plan. Mais la Constitution ne le permet pas. Alain Juppé n'a donc que la possibilité de faire un discours et, il faut le reconnaître, un débat sur ces mesures. Ce débat sur la Sécurité sociale est d'ailleurs explicitement prévu par la loi du 25 juillet 1994 tous les ans au milieu de la session d'automne du Parlement.

Alain Juppé est aussi surpris que heurté par cette situation qu'il juge anachronique.

Pour obtenir quand même un vote du Parlement, Alain Juppé décide donc d'engager la responsabilité de son Gouvernement. Il obtient, sans difficulté, le quitus de l'Assemblée, mais le problème est posé. Il faut donc modifier la Constitution. Il faut également mettre en œuvre toutes les mesures contenues dans son plan, ceci est fait par une série d'ordonnances.

Les principales mesures, outre la création des lois de financement (voir La constitution est modifiée pour les LFSS), sont les suivantes :

- Début de désendettement de la Sécurité sociale avec la création de la CADES, financée par la CRDS (voir La Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS)).

- Début d'une certaine forme de régionalisation du système de soins avec la création des Agences Régionales d'Hospitalisation (ARH) (voir Lancement des agences régionales d'hospitalisation).

- Volonté de réguler les dépenses de santé avec la mise en place de l'Ondam (objectif national des dépenses d'Assurance maladie). L'Ondam n'est pas vraiment une nouveauté : au tout début des années quatre-vingt-dix, sous l'impulsion de trois Ministres socialistes de la santé - René Teulade, Jean-Louis Bianco et Claude Evin - ont été créés les OQN, Objectifs Quantifiés Nationaux, qui s'appliquent progressivement à toute une série de professionnels de santé : cliniques, masseurs, infirmiers, mais à l'exception des médecins. En faisant rentrer les médecins dans l'Ondam, Alain Juppé s'attire une véritable opposition du corps médical, qui vingt ans après reste vivace.

- Création de l'Agence Nationale d'Evaluation et d'Accréditation en Santé (ANAES) (voir Lancement des agences régionales d'hospitalisation).

- Création des Conventions d'Objectifs et de Gestion (COG), conclues entre l'Etat et les caisses nationales de la Sécurité sociale.

Jean-François Chadelat

Transcription

Présentateur
Le plan Juppé sur la Sécu est donc de retour à l’Assemblée Nationale. Pendant trois jours, les députés planchent sur la loi constitutionnelle qui permettra au Parlement de se prononcer tous les ans sur le budget de ladite Sécurité sociale. Devant l’hostilité de la gauche et certaines critiques de la droite, le gouvernement a fait quelques concessions aujourd’hui. Eric Thibault.
Journaliste
Drôle d’atmosphère à l’Assemblée, les députés RPR ont obtenu du gouvernement de débattre des dépenses, mais aussi des recettes de la Sécurité sociale. Le gouvernement ne pouvait aller contre le bon sens. Car depuis trois jours, sa majorité expliquait le ridicule de la situation : voter des dépenses sans les recettes. Alors, on a évité la crise, mais au dernier moment.
Michel Péricard
Sans doute, faut-il regretter que la concertation qui a été beaucoup plus facile qu’on ne croit n’ait pas eu lieu plus tôt. Et je la regrette très profondément.
Journaliste
Au RPR, les critiques sont désormais de pure forme. Pourtant, une partie de la majorité affiche encore son mécontentement. A l’UDF, on estime que le gouvernement ne va pas assez loin.
Ladislas Poniatowski
Alors, peut-être qu’on a évité une crise avec la France sociale. Je crains qu’il y ait probablement une certaine déception d’une partie de la majorité qui espérait que ce plan Juppé de la Sécu aille un petit peu plus loin.
Journaliste
Et voilà bien le problème du gouvernement : satisfaire le Parlement, mais sans fâcher les partenaires sociaux. Et l’opposition ne manque pas de souffler sur les braises de la crise sociale.
Jean-Pierre Chevènement
En réalité, on veut faire du parlement l’alibi d’une politique de démantèlement de la Sécurité sociale.
Alain Bocquet
Avec cette réforme constitutionnelle à propos de la Sécurité sociale, c’est la marche forcée vers l’étatisation du système français de protection sociale.
Julien Dray
Le gouvernement va confisquer la Sécurité sociale aux partenaires sociaux pour mieux préparer par la suite une privatisation de notre système de protection sociale.
Journaliste
Le débat dans l’hémicycle est désormais une simple formalité. Le compromis a un avantage, le gouvernement évite une crise politique. Mais le compromis a aussi un inconvénient, il déçoit beaucoup de gens.