Pierre Soulages vu par Michel Dieuzaide

10 février 1988
04m 43s
Réf. 00016

Notice

Résumé :

Le réalisateur et photographe Michel Dieuzaide est convié à la télévision toulousaine afin de présenter son documentaire intitulé Pierre Soulages, été 1986. Les extraits choisis pour illustrer ce reportage montrent la particularité de ce portrait filmé : celui de proposer un mariage entre les toiles de Pierre Soulages, la musique et les sons. L'entretien porte ensuite sur la réalisation de ce type de documentaire et sur la difficulté pour le réalisateur de rester neutre.

Date de diffusion :
10 février 1988
Source :
FR3 (Collection: Midi magazine )

Éclairage

En février 1988, la cinémathèque de Toulouse consacre une rétrospective au travail du photographe et réalisateur Michel Dieuzaide au cours de laquelle est présenté le film documentaire Pierre Soulages, été 1986. Cette archive, tirée de la télévision locale toulousaine, propose quelques extraits de ce film ainsi qu'un court entretien avec le réalisateur. Fils du célèbre photographe Jean Dieuzaide, Michel Dieuzaide se forge très tôt un prénom dans le domaine artistique en collaborant dès 1977 avec le Centre Pompidou à la réalisation de portraits filmés d'artistes plasticiens et musiciens. Dans cette veine, il débute en 1986 un documentaire sur Pierre Soulages dans lequel il propose un mariage jusqu'alors jamais tenté entre l'image des toiles de l'artiste et la musique. La bande son de ce portrait filmé mixe musique classique et contemporaine avec des bruits de la vie courante et de la nature. Au début de l'extrait montré dans ce reportage, on peut ainsi entendre une pièce pour piano de Bach, mixée avec quelques accords de Boulez, puis suit le bruit d'une cognée qui abat un arbre en forêt, une pièce pour voix de Luciano Berio chantée par Cathy Berberian, l'arbre qui tombe, puis en clôture d'extrait le cri d'une chouette la nuit. Lors de cet entretien a télévision toulousaine, Michel Dieuzaide a tenu à souligner l'équilibre qu'il a souhaité maintenir entre ses propres choix artistiques et ceux fait par Pierre Soulages. Avant lui, plusieurs réalisateurs s'étaient penchés sur la transmission visuelle de l'œuvre du maître, tels que Jean-Michel Meurice ou André Romus. Michel Dieuzaide expose cependant dans cet entretien la difficulté de la transmission de l'œuvre de Soulages par l'image sans en imposer son propre partis-pris visuel au spectateur, sans glisser vers l'interprétation trop personnelle. Même si l'acte de filmer une œuvre est déjà, en un sens, une interprétation personnelle, il n'est pas question de dénaturer la parole de l'artiste et le message contenu dans l'œuvre. En ce sens, si Michel Dieuzaide impose un fond musical très particulier à ce documentaire, il avoue dans cet extrait en avoir fait part avant parution à l'artiste qui a semblé “désarçonné”. A plusieurs reprises, lors d'entretiens, Pierre Soulages a déclaré que la musique représentait pour lui une entité artistique à part entière et qu'elle ne pouvait, à ce titre, s'incorporer dans son processus de création. S'il a avoué avoir été déconcerté par la proposition artistique de Michel Dieuzaide, Pierre Soulages a accepté ce portrait fait de lui et cette ouverture donnant une tribune originale à son Œuvre.

Léa Salvador

Transcription

(Silence)
(Musique)
Journaliste
Michel Dieuzaide, filmer de la peinture doit poser un problème de transposition à un réalisateur de film ?
Michel Dieuzaide
Oui, je crois qu’il ne faut pas se tromper, justement, sur la transposition qu’on fait. C'est-à-dire qu’on utilise le cinéma et qu’être devant une toile, dans une salle noire, ce n’est pas la même chose qu’être devant une toile dans une galerie de peinture.
Journaliste
Le réalisateur a tous les pouvoirs.
Michel Dieuzaide
Oui. Moi, je crois qu’il doit quand même, avant tout, respecter la peinture sinon il y a un danger de basculer très vite dans autre chose.
Journaliste
Soulages, c’est un peintre que vous connaissiez ?
Michel Dieuzaide
Que je connaissais depuis assez longtemps et dont j’aime beaucoup le travail depuis toujours. C’était difficile de faire un film sur Soulages parce qu’il y en a déjà beaucoup qui ont été faits. Et celui-là est un peu particulier dans la mesure où il veut raconter la vie de Soulages en essayant de marier les images et la musique pour montrer un peu une universalité de cette peinture depuis ses débuts.
Journaliste
Vous avez fait le choix des musiques en accord avec le peintre ou pas du tout ?
Michel Dieuzaide
Je n’ai pas fait le choix en accord mais je lui ai montré la mouture finale avant de l’envoyer au tirage au laboratoire pour avoir son accord.
Journaliste
Et il était pleinement satisfait ? Ça évoquait bien sa musique ?
Michel Dieuzaide
Il était à la fois satisfait et dérouté. Et je crois que la bande sonore, finalement, qui est très présente dans ce film, le gêne un petit peu.
Journaliste
Eh bien, on va en avoir un bon exemple sur un petit extrait de votre film qu’on va voir tout de suite.
(Bruit)
Pierre Soulages
Pour moi, la peinture n’est pas signe. Le propre d’un signe, c’est que, une fois que le message qu’il a transmis est passé, on peut le déchirer. Une peinture, c’est quelque chose qui n’existe vraiment que si elle est vue, regardée, ressentie par d’autres. Que si elle provoque un choc, une émotion qui permet ensuite de la regarder souvent et de lui trouver toujours quelque chose de nouveau.
Journaliste
Vous avez eu beaucoup de chance avec Soulages ! Il semble très bavard !
Michel Dieuzaide
Il est très loquace sur l’explication qu’il a de sa peinture, oui. Il en parle facilement et il en parle clairement.
Journaliste
C’est rare parce que souvent, les peintres n’aiment pas du tout parler. Ils sont peu bavards.
Michel Dieuzaide
C’est vrai.
Journaliste
Ils s’expriment par la peinture.
Michel Dieuzaide
C’est vrai que c’est rare, oui.
Journaliste
Et vous alors, vous êtes le fils de votre père. Ce n’est pas trop gênant dans le milieu de l’audiovisuel ?
Michel Dieuzaide
Ça l’a été. Je crois que c’est, maintenant, un peu un problème qui est réglé, je crois.
Journaliste
Complètement réglé puisqu’on vous rend des hommages. Je sais que vous n’appréciez pas trop le mot mais on vous rend des hommages demain, par exemple, à la cinémathèque. Ça vous fait quel effet, si jeune ?
Michel Dieuzaide
Le mot hommage est, c’est vrai, un mot qui me touche et qui m’impressionne. Non, je suis content, simplement, de montrer aux Toulousains le travail que j’ai fait depuis les 15 ans que j’ai quitté la ville et que je vis à Paris.
Journaliste
Alors demain, dans cette soirée, le film sur Soulages. Et les deux autres ?
Michel Dieuzaide
Un film sur Pierre Tal-Coat, qui est un peintre français qui a été un des plus… je ne sais pas. Je suis très ému quand je parle Tal-Coat donc je ne dis pas autre chose. Et un film sur Olivier Debré qui vient de peindre le rideau de scène de la Comédie-Française. Ça, c’est une grande aventure et c’est un film qui a été fait sur 6 mois. Les 6 mois de travail que le peintre a mis pour faire cette toile immense qui fait 13 mètres sur 15 je crois.
Journaliste
Donc à peu près 2 heures de visionnage quand même, et un débat pour terminer. Vous aimez débattre avec votre public ?
Michel Dieuzaide
Oui, j’aime bien que les gens me disent ce qu’ils comprennent de ce que j’ai fait.