Retour à accueil

Pierre Soulages, le rapport à la musique et à la solitude de l'atelier

20 octobre 1992
01m 45s
Réf. 00021

Notice

Résumé :

Pierre Soulages est l'invité de Michel Field dans sa toute jeune émission Le cercle de minuit sur France 2. Durant cet entretien le peintre décrit la façon dont il aime travailler dans son atelier : seul et en silence.

Type de média :
Vidéo - Magazine
Date de diffusion :
20 octobre 1992
Source :
A2 (Collection: LE CERCLE DE MINUIT )
Personnalité(s) :
Michel Field / Pierre Soulages
Thèmes :
Lieux :

Éclairage

Pierre Soulages est l'invité de Michel Field dans le cadre de l'émission Le cercle de minuit du 20 octobre 1992. Par le biais de la question que lui pose le journaliste sur son rapport avec la musique, Pierre Soulages évoque sa manière de travailler, seul dans le silence de son atelier.

Dans celui de Sète, l'artiste pose une pierre devant la porte afin de signifier qu'il souhaite rester seul pour créer. L'espace de l'atelier reste hermétique à toute personne et à tout élément extérieur qui pourrait venir perturber le processus de création. Selon Pierre Soulages, la musique fait partie de ces éléments ; il dit la respecter trop pour l'utiliser uniquement comme fond sonore. Il conçoit la musique comme une entité artistique à part entière, peinture et musique ne se confondent pas dans le processus de création, afin que chacune puisse préserver la pureté et l'unicité de son message artistique. Pourtant, sans l'inclure concrètement dans son processus de création, Pierre Soulages aime utiliser le vocabulaire de la musique : il compose ses œuvres, en découpe des plages rythmiques, crée des silences profonds, des temps d'envolées ou de nuances. Ces découpages sont plastiques et ne proviennent jamais de l'influence de la musique sur la main de l'artiste. Cette véritable règle lui permet aussi de rendre légitime l'indépendance de son geste et de le préserver de ce qui pourrait l'emmener vers une peinture gestuelle.

Par cette solitude de l'atelier et par le silence, Pierre Soulages s'impose une méthode de travail quasi monastique qui se trouve interrompue et perturbée lorsque quelqu'un s'y trouve pour l'observer. C'est notamment le cas dans l'anecdote que Pierre Soulages raconte au cours de cet extrait, lorsque Roger Vailland vient l'interroger sur cette méthode. L'écrivain et grand reporter s'est invité dans l'atelier du peintre un après-midi de mars 1961 pour regarder peindre l'artiste et, fait exceptionnel, recueillir ses commentaires. Il en tire un texte précieux car unique, publié en 1998 dans un recueil dédié à l'artiste et titré Comment travaille Pierre Soulages ?.

Léa Salvador

Transcription

Michel Field
Vous écoutez beaucoup de musique, Pierre Soulages ?
Pierre Soulages
J’aimerais en écouter davantage. J’en écoute trop peu.
Michel Field
Vous n’en écoutez pas quand vous travaillez ? Quand vous peignez ?
Pierre Soulages
Surtout pas. Surtout pas parce que j’ai trop de respect pour la musique pour la considérer comme une musique de fond. Non, quand j’écoute de la musique, je m’arrête et j’écoute. Et si je travaille, eh bien je préfère le silence.
Michel Field
Alors vous vous enfermez seul et vous travaillez ?
Pierre Soulages
Oui.
Michel Field
Il faut que vous soyez seul ?
Pierre Soulages
De préférence, oui. Distrait... Aucune distraction. Et quand on est seul, évidemment, il n’y a pas de distraction.
Michel Field
Je me souviens d’avoir lu un texte de Roger Vaillant qui décrivait votre façon de travailler.
Pierre Soulages
Exceptionnellement, c’est un ami très cher et il a tenu absolument à assister. Et d’ailleurs, sans cesse, je lui expliquais que ça ne se passait pas comme ça. Mais il a dit : « Fais comme si je ne suis pas là », « Non, je ne peux pas faire ça ». Et d’ailleurs, il m’est arrivé de commenter ce que je faisais, parce qu’il était là. Je ne commente jamais ce que je fais quand je suis seul.
Michel Field
Et depuis…
Pierre Soulages
Il y avait quelque chose qui apparaissait, qui était très séduisant et ça m’a déplu, alors je lui disais : « Non, je ne peux pas ». Et puis j’ai essayé de l’effacer et puis ça réapparaissait toujours. Et c’était toujours de plus en plus séduisant, d’ailleurs. Et je sais qu’à un moment, j’ai dit : « Merde ! C’est encore rose ». C’était un rose qui apparaissait. Vaillant faisait ça dans un style tout à fait fidèle à ce qu’il entendait. Il a inscrit sur son papier : « Merde ! C’est encore rose ». Et alors ce mot a servi, par la suite, je ne sais plus à quel romancier comme exergue dans son... à son roman.