Des Ukrainiens accueillis dans une famille cannoise

Débutée par l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, le conflit entre l’Ukraine et la Russie connaît un nouvel épisode dramatique à partir du 24 février 2022 et l’invasion de son voisin décidée par Vladimir Poutine. Début mars, soit à peine quelques jours plus tard, un couple de réfugiés ukrainiens, ayant traversé l’Europe en bus, arrive à Cannes dans les Alpes-Maritimes. Ils sont hébergés dans un petit appartement mis gracieusement à leur disposition par une femme habituée à un tel accueil solidaire en faveur de ceux qui fuient la guerre.

Dans le cadre de cette arrivée soudaine dans la région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur de milliers puis de dizaine de milliers de personnes, l’accueil citoyen a joué un rôle fondamental, puisqu’il a représenté une solution d’hébergement pour plus du quart des réfugiés ukrainiens. Il a à ce titre bénéficié d’une aide financière des pouvoirs publics, afin de soutenir la démarche dans la durée. Ce couple constitue en effet l’avant-garde des six millions de personnes, qui ont fui l’Ukraine au cours de la première année suivant l’invasion. Il s’agit principalement de femmes et d’enfants, puisque les hommes en âge de combattre, comme les deux enfants du couple, ne peuvent quitter leur pays. Les pays voisins de l’Ukraine, comme la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, la Moldavie ou les Pays baltes ont absorbé une large part du flux, et il en a été de même de l’Allemagne, qui, en raison de sa faible fécondité, a un impérieux besoin de main-d’œuvre. Eu égard à son poids démographique, la France a été le pays de l’Union européenne qui, en proportion, a accueilli le moins de réfugiés ukrainiens. À l’apogée, début 2023, environ 110 000 personnes étaient recensées sur le territoire français, et ce chiffre est tombé à 68 000 un an plus tard.

Cet état de fait n’est pas lié à des conditions d’accueil plus restrictives, puisque la France a appliqué aux réfugiés ukrainiens la directive européenne sur la protection temporaire, adoptée en 2001 et mise en œuvre pour la première fois face à ce retour de la guerre sur le vieux continent. Ce dispositif dispense les Ukrainiens de déposer une demande d’asile et leur offre collectivement le droit de séjour, une allocation, l’accès au marché du travail et au logement, l’assistance médicale gratuite et l’accès des enfants à l’éducation. La faible attractivité de la France résulte d’abord de la taille restreinte de la diaspora ukrainienne présente en France avant le déclenchement de l’invasion russe, estimée à environ 17 000 personnes. On migre en effet plus spontanément vers un endroit où l’on peut disposer du soutien de parents ou de connaissances. D’autres membres de la famille ayant fui l’Ukraine avec ce couple logent d’ailleurs chez la sœur de l’époux immigrée de longue date dans la région. C’est d’ailleurs leur neveu franco-ukrainien qui assure la traduction de leurs propos durant l’interview. La perspective de trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences était également moindre en France qu’en Allemagne pour les Ukrainiens. Toutefois la région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur a été numériquement la seconde région d’accueil des réfugiés ukrainiens après l’Île-de-France, en recevant environ un cinquième du total soit un peu plus de 20 000 personnes, avec un fort contingent dans les Alpes-Maritimes.

Espace touristique par excellence, la Côte d’Azur entretient depuis plus d’un siècle une histoire commune avec le monde russe, dont témoigne la cathédrale orthodoxe de Nice inaugurée en 1912, si bien qu’une petite diaspora ukrainienne y est installée. Département frontalier, les Alpes-Maritimes ont été en outre le réceptacle naturel de ce flux de réfugiés arrivant principalement par voie terrestre. Sans toujours y demeurer des dizaines de milliers d’Ukrainiens y ont transité. Dans un boulodrome couvert, situé à Nice dans la plaine du Var, un centre d’accueil et de répartition des réfugiés ukrainiens, appelé « hub régional », a d’ailleurs été installé dès mars 2022. Il avait pour fonction d’enregistrer les nouveaux arrivants et de leur offrir une solution temporaire d’hébergement pour quelques nuits avant de les orienter vers une solution plus pérenne. Au-delà de l’hébergement citoyen ou familial ont été mis à disposition des réfugiés des bâtiments publics vacants, des établissements touristiques et pléthore de de structures temporaires, y compris un ferry, le Méditerranée, amarré à quai dans le port de Marseille durant plus de deux mois pour accueillir près d’un millier d’Ukrainiens. Un hébergement plus durable a ensuite été réalisé en orientant les personnes concernées vers des logements sociaux et, dans une moindre mesure, vers le parc privé.

Bibliographie

• François Gemenne, Hélène Thiollet, « L’accueil des réfugiés ukrainiens et l’universalité du droit d’asile », Hommes & Migrations, n° 1337, 2022/2, p. 180 à 184.
• Catherine Wihtol de Wenden, Atlas des migrations : De nouvelles solidarités à construire, Paris, Autrement, 2021.