Un environnement menacé à protéger

Un environnement menacé à protéger

Par Jean-Marie Guillon et Stéphane KronenbergerPublication : 2021

# Présentation

Idéalement située entre mer et montagne, la région Provence-Alpes Côte d’Azur possède assurément un environnement des plus privilégié marqué par une forte diversité de milieux naturels. Mais cet environnement est toutefois fragilisé par des pollutions ainsi que l'engouement même qu'il suscite et la sur-fréquentation, permanente ou saisonnière, en résultant. La nette accélération de la création de zones protégées, que représentent les portions de rivages achetées par le Conservatoire du littoral, les parcs naturels nationaux (PNN) ou les parcs naturels régionaux (PNR), résulte indéniablement de cette prise de conscience salvatrice et conjointe par l’État, les collectivités locales et l’opinion publique. Il s'agit en fait de canaliser, y compris au besoin de manière coercitive, une occupation humaine qui, en voulant s'approprier une nature d'exception, tend en fait à lui porter durablement préjudice voire à la faire disparaître.

     

# Pollutions

Le détournement d'une partie des eaux de la Durance en 1967 a entraîné de sérieux problèmes pour l'Étang de Berre, envahi par l'eau douce et des boues qui modifient le milieu naturel. Cette « malague » menace de tuer l'étang. Un contentieux à rebondissements oppose très vite les communes riveraines et EDF. L'une des étapes de cette partie de bras de fer a été l'organisation d'un référendum d'initiative locale, en 1991, permettant aux municipalités de s'appuyer sur les 250 000 habitants qui expriment, en y participant, leur attachement à la survie d'un des bassins d'eau salé les plus importants de France. Ce lieu de pêche, y compris professionnelle, est surtout, avec ses 80 km de littoral, un espace de loisir pour des habitants dont le nombre a quintuplé. Pour limiter les rejets, EDF a été obligée de réduire l'activité de sa centrale hydroélectrique de Saint-Chamas. Mais il a fallu pour cela, entre le plan Barnier de 1993 et la décision du Conseil d'État de 2006, encore plus d'une douzaine d'années d'actions politiques et juridiques. Il est à remarquer que, dès 1972, avec le plan de dépollution de l'Étang de Berre, les industriels du secteur, les raffineries notamment, ont fait des efforts considérables en matière d'épuration de leurs eaux usées. C'est le moment où la zone de Fos-sur-Mer et ses environs sont en plein développement. Mais la question des rejets aériens reste pendante. Vieille de près d’un siècle, la décharge à ciel ouvert dite d'Entressen à Saint-Martin-de-Crau,  qui récupérait l'essentiel des déchets de Marseille, a fermé en 2010, mais il faudra sans doute plusieurs décennie pour qu’elle cesse de polluer la nappe phréatique. Par ailleurs son remplacement par l’incinérateur de Fos-sur-Mer a été contesté par la population locale.

Le problème des pollutions est devenu majeur au fil des ans en particulier le long d'un littoral en voie d'urbanisation accélérée. C'est du milieu des années 1960 que date une prise de conscience dont le déclencheur a été l'affaire des « boues rouges ». En dépit des oppositions, ces résidus du traitement de la bauxite à l'usine d'alumine Pechiney (devenue Alcan, Rio Tinto puis Alteo) de Gardanne  sont déversés pour plus des trois-quarts en mer dans la fosse de Cassidaigne au large de Cassis à partir de 1966. En 2012, la création du parc national des Calanques rend cette pollution des eaux encore plus intolérable. Mais à la fin de l’année 2015 le premier ministre Manuel Valls, contre l’avis de sa ministre de l’Environnement Ségolène Royal, accorde à l’industriel l’autorisation de continuer ses rejets, certes atténués, en mer, afin de préserver les emplois de l’usine de Gardanne. Cette décision provoque des mobilisations et un collectif d’associations manifeste à Marseille devant la préfecture en présence de militants écologistes d’envergure nationale.

Au milieu des années 1960, l’opinion se rend également compte avec étonnement que la plupart des villes, à commencer par les plus grandes, rejettent leurs eaux usées sans traitement dans la mer. Le cas de Marseille est significatif, mais la question concerne toute la Méditerranée. Au milieu des années 1970, le problème de la pollution marine en Méditerranée est posé sur le plan international. La convention de Barcelone, préparée sous l'égide du Programme Nations Unies pour l’environnement, lance, à partir de 1976, un processus, qui est depuis sans cesse complété et amendé. Le premier texte, signé par les pays riverains, concernait la protection des espèces et des habitats menacés, ainsi que la réduction de la pollution provenant, en particulier, des rejets de navires. Le protocole d'Athènes, signé en mai 1980, étendait la protection des eaux de la Méditerranée aux rejets venant du continent.

Certaines personnalités ont contribué à alerter l’opinion publique. Connu dans le monde entier pour ses voyages avec la Calypso, un dragueur de mines anglais qu'il a transformé en bâtiment océanographique, et pour les films sur le monde marin qu'il en a tiré, le commandant Jean-Yves Cousteau est devenu l'un des chantres de l'écologie. Il a commencé son aventure - la mise au point d'un scaphandre autonome, pendant la Deuxième Guerre mondiale - entre Toulon et Marseille. Aussi est-il particulièrement sensibilisé à la question de la Méditerranée, tout comme Alain Bombard, le "navigateur solitaire", médecin et biologiste qui a pris en charge l'institut océanographique créé en 1966 par Paul Ricard sur l'île des Embiez (Six-Fours).

Peu à peu, des mesures sont adoptées. Les villes de la région (Marseille et Toulon par exemple) font construire des stations d'épuration. Il n'en demeure pas moins que la forte urbanisation de la bande littorale et la pollution venant des bassins fluviaux qui se déversent dans la Méditerranée, en particulier celle du Rhône (dont on vient de souligner une fois encore la gravité) contribuent à affecter une zone littorale presque ininterrompue entre l'Espagne et l'Italie. L'état de l'herbier de posidonies inquiète. Localisées entre 0 et 40 mètres de profondeur sous la forme de grandes prairies, ces plantes à fleurs aquatiques endémiques de Méditerranée à la croissance lente d’un mètre par siècle sont essentielles. L'herbier de posidonies favorise l’oxygénation de la Méditerranée, constitue des puits de carbone, sert d’abri, de lieu de reproduction et de source de nourriture aux poissons et joue un rôle contre l’érosion. Il est, à tous ces titres, protégé. Mais attaqué par les pollutions, recouverts par les boues issues des rejets, fragilisé par les ancres des bateaux de plaisance, l'herbier de posidonies a aussi reculé avec le développement des ports de plaisance, construits majoritairement dans les années 1960 et 1970, qui étaient déjà au nombre de 120 pour la région à la fin du XXe siècle et sont 134 deux décennies plus tard. Les gestionnaires des ports de plaisance mettent toutefois désormais en œuvre des actions en faveur du retour de la biodiversité dans l’espace portuaire. Une autre menace s'est ajoutée aux précédentes dont l'existence a été révélée au début des années 1990 : le développement d'une algue exotique invasive, la caulerpa taxifolia, à partir d'un rejet accidentel, en 1984, du musée océanographique de Monaco.

Si le développement de la caulerpa taxifolia n'a pas été aussi foudroyant que ce que l'on avait craint et est resté discontinu, cette algue en déclin est remplacée par une autre la caulerpa racemosa qui a déjà colonisé en 2009 plus de 200 km de côte dans la région.

# Constructions

L'un des problèmes majeurs du littoral provençal vient de son urbanisation et de la congestion touristique qu'il connaît durant l'été. Dès les années 1960-1970, la lutte pour l'appropriation d'une portion de cet espace privilégié est particulièrement vive. Alors que le mitage des collines des Alpes-Maritimes et, dans une moindre mesure (à l'époque), du Var est largement entamé, alors que des villas « les pieds dans l'eau » continuent à s'approprier les grèves ou les rochers qui les relient à la mer, les projets d'immeubles et de ports de plaisance fleurissent. Des criques sont privatisées par des ensembles collectifs. Ainsi à Bandol (Résidence Athéna), où, dès les années cinquante, Paul Ricard avait aménagé l'île de Bendor, de manière, il est vrai, moins agressive sur le plan visuel. Ce sont les projets de « marinas », associant résidences de standing à plusieurs étages et ports privés qui suscitent les refus du "mur de béton" par les premières associations de défenseurs de l'environnement, comme les Amis de la Nature ou l'Union régionale Provence Côte d'Azur Méditerranée pour la sauvegarde de la Vie, de la Nature et de l'Environnement (URVN). Dès les années 1960, des projets d'ensembles immobiliers parviennent à être stoppés, par exemple à Pampelonne (Ramatuelle) en 1968 ou à Bormes-les-Mimosas, en 1973. D'autres constructions comme les immeubles en hauteur érigés à Mandelieu ou à Villeneuve-Loubet (Marina Baie des Anges à partir de 1969) cristallisent les oppositions. En revanche, certains de ces aménagements, Port-Grimaud (1966) et Les Marines de Cogolin au fond du Golfe de Sainte-Maxime-Saint-Tropez ou Port-la-Galère (Théoule) niché dans une crique de l'Esterel, sont acceptés car mieux intégrés.

Depuis, diverses dispositions sont venues entraver la privatisation du littoral et son bétonnage. Un ministère chargé de la protection de la nature et de l'environnement est créé en 1971. Une législation plus contraignante a été mise en place progressivement. Les lois "Littoral" (3 janvier 1986) et "Paysage" (8 janvier 1993) ont contribué à limiter ou entraver l'urbanisation, mais elles suscitent l'hostilité de nombreux élus, et, bien évidemment, celle des promoteurs et des entrepreneurs. Par ailleurs, force est de constater que la pression foncière, héliotropisme aidant, reste si grande que l'intérêt collectif constitue une parade fragile devant les intérêts particuliers.

C'est pour préserver les portions de côte menacées par les constructions que le Conservatoire du littoral a été créé en 1975, avec pour mission de gérer la diversité écologique et paysagère, de réhabiliter les zones que les hommes ont modifiées, et d'assurer l'accès du public tout en l'informant sur la protection des espèces méditerranéennes. En dépit des coûts des terrains et des difficultés, la délégation régionale du Conservatoire du Littoral, installée à Aix-en-Provence, a su mener jusqu'ici une politique d'acquisitions judicieuses dans des secteurs fragiles, comme la très convoitée Corniche des Maures, dans le Var, entre Le Lavandou et Cavalaire, ou dans les presqu'îles de Saint-Tropez et de Giens.

Dans la région, le Conservatoire du littoral contrôle en, 2021, 79 sites, soit plus de 40 000 hectares, dispersés entre la Riviera et la Camargue, dont notamment des zones humides importantes dans la basse vallée de l'Argens, la zone des Salins d'Hyères, ou les bords de l'Étang de Berre. Il est présent au sein des parcs naturels sur le rivage, que ce soit à Porquerolles ou en Camargue et a acquis plusieurs secteurs du massif des Calanques. L’organisme public continue chaque année à accroître son périmètre et envisage de protéger le tiers naturel du littoral à l’horizon 2050. 

# Protection

La protection des zones naturelles la plus drastique passe par leur intégration dans des structures relevant du service public. Ces institutions naissent dans la période où la France bascule dans la société urbaine, industrielle et post-industrielle, caractérisée aussi par l'automobile et les migrations touristiques de masse. Dans cette mutation, la Provence est en première ligne puisqu'elle devient l'une des régions les plus urbanisées du pays. Soumise à cette pression, stimulée par la politique du pouvoir central dans un premier temps, avant que ses collectivités locales ne prennent mieux conscience des enjeux, la Provence voit, peu à peu, entre les années 1960 et aujourd'hui, tout un ensemble de mise sous protection de ses espaces les plus remarquables, sous les labels de parcs naturels nationaux (PNN) ou de parcs naturels régionaux (PNR).

Les parcs naturels nationaux, créés par la loi du 22 juillet 1960, ont pour vocation d'assurer une protection de l'environnement maximale dans leur zone cœur  (ex zone centrale), transformée en une sorte de sanctuaire favorisant l'étude scientifique de la faune et de la flore. En revanche, leur zone d’adhésion (ex zone périphérique) doit permettre le maintien d'une activité humaine et l'accueil des visiteurs.

Le PNN de Port-Cros est le deuxième créé en France, dès 1963, peu après celui de la Vanoise. L'île et ses alentours ont été préservés du tourisme de masse et des constructions par quelques amoureux qui ont commencé à la fréquenter dans les années 1920. Le rôle des propriétaires du seul hôtel de l'île, L'Auberge provençale, Mme et M. Henry, a été décisif dans cette protection. C'est Madame Henry, devenue veuve, qui en fait la dévolution à l'État et a donc permis de créer un ensemble original, puisqu'il est à la fois terrestre et marin.

Élu président de la République, Georges Pompidou qui connaissait bien la côte varoise et qui a été le premier président à venir régulièrement au fort de Brégançon, en face des îles d'Hyères, a contribué à l'extension du parc à l'île de Porquerolles en 1970. Celle-ci, la plus grande de l'archipel, posait d'autres problèmes puisqu'elle est habitée (360 habitants en 1970) et extrêmement fréquentée, que ce soit par les visiteurs qui viennent y passer une journée ou par les plaisanciers de la région qui en font une de leurs destinations préférées. Cette pression, qui n'a cessé d'augmenter, fragilise le parc dans son ensemble et impose de relever de redoutables défis.

La montagne constitue le domaine le plus favorable à la création de parcs nationaux et plusieurs d’entre eux ont vu le jour dans les Alpes. Dix ans après celui de la Vanoise, le PNN des Ecrins, à cheval entre les actuelles régions Auvergne Rhône-Alpes (Isère) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Hautes-Alpes) a été créé en 1973. Il a pour objectif de protéger et valoriser le patrimoine naturel et culturel des 7 vallées principales qui le composent (le Champsaur, le Valgaudemar, le Valbonnais, l’Oisans, le Haut Briançonnais, la Vallouise et l’Embrunais) dans le massif de l’Oisans, tout en accompagnant le développement économique local dans une optique durable, en particulier l’activité touristique. Ce parc, aux paysages grandioses, abrite notamment une centaine de sommets de plus de 3 000 mètres et une quarantaine de glaciers. Il a fêté en 2013 ses 40 ans.

La constitution du PNN du Mercantour, à cheval sur les départements des Alpes-Maritimes et des Alpes-de-Haute-Provence, s’est avérée plus malaisée. Il a en effet seulement vu le jour en 1979 alors que le projet en avait été lancé dès 1966. Les oppositions sont venues de milieux divers : promoteurs et élus soucieux de développement touristique (notamment de stations de sport d'hiver), chasseurs et éleveurs inquiets des restrictions à leur liberté que le parc peut apporter. Le Mercantour verra cinq projets repoussés, bien que l'ensemble concerné soit exceptionnel puisqu'il abrite entre autres les gravures rupestres préhistoriques de la vallée des Merveilles. Il trouve en outre un prolongement sur le versant italien avec le Parco naturale delle Alpi Marittime étant comme lui l’héritier de la réserve royale de chasse instituée dès 1857 par Victor-Emmanuel II et auquel il est jumelé depuis 1987. Sa forme étirée le long de la frontière dit assez bien les compromis qu'il a fallu passer. Il n'en reste pas moins une réalisation exemplaire par bien des points, préfigurant la constitution d'un ensemble naturel véritablement européen. En 2013 les deux parcs renforcent encore leur coopération en créant le groupement européen de coopération territoriale Parc européen Alpi Marittime – Mercantour, qui présente en 2018 la candidature du territoire des « Alpes de la Méditerranée » à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. La protection de la nature induit toutefois des effets imprévus. C'est en effet par le Mercantour que le loup fait sa réapparition en France depuis l’Italie et qu'il essaime depuis 1992, ce qui n'a pas manqué de ressusciter les polémiques à l'encontre d'un parc accusé d'être le responsable du retour du prédateur.

Après une longue gestation, dont une des étapes fut la création en 1999 d’un groupement d’intérêt public rassemblant les pouvoirs publics, les propriétaires privés et les associations, les Calanques, dont le massif est classé depuis 1975, deviennent un parc naturel national en 2012. Le but est de pérenniser la protection d’un espace au riche patrimoine naturel, culturel ou paysager, et mettre son périmètre définitivement à l’abri des appétits immobiliers. Il s’agit du quatrième parc naturel national de la région et du dixième à l’échelon national, le premier en métropole depuis la création de celui du Mercantour en 1979. La localisation du site, dans l’espace périurbain de la seconde ville de France, explique l’acuité des nuisances et l’urgence d’y remédier au moins en partie. Le nouveau parc a la particularité d’avoir un cœur et une zone d’adhésion à la fois terrestre et marin. Le cœur du parc est à 90 % en mer sur 43 500 hectares et est complété à terre par 8 500 hectares répartis sur les communes de Marseille, Cassis et La Ciotat. Si l’aire maritime adjacente fait près de 100 000 hectares, la zone d’adhésion à terre est réduite à 2 600 hectares, ne concernant que certains territoires de Marseille, Cassis et La Penne-sur-Huveaune. Cela signifie que d’autres communes ont refusé de signer la charte. Un des principaux défis du parc est de trouver un subtile équilibre entre la nécessaire protection de la biodiversité (60 espèces marines et 140 espèces terrestres animales ou végétales), des paysages grandioses (falaises de calcaire blanc) ou de sites archéologiques exceptionnels, (dont la grotte Cosquer) et les usages locaux (pêche, plaisance, escalade, plongée sous-marine randonnée, week-end au cabanon etc.), tout en canalisant et mieux répartissant la surfréquentation touristique (plus de 2 millions de visiteurs par an) et le fort trafic automobile qu’elle suscite. L’imprudence de certains de ces visiteurs entraîne aussi une multiplication des risques d’incendie qu’il convient de prévenir par la sensibilisation ou des mesures plus coercitives et dissuasives. Enfin la pollution des terres et des eaux résultant du passé industriel des Calanques depuis le début du XIXe siècle (industrie de la soude et du plomb notamment) ou de problèmes actuels, comme le rejet en mer au large de Cassis d’effluents issus des « boues rouges » de l’usine d’alumine de Gardanne, constitue une autre sujet majeur de préoccupation.  

Les parcs naturels régionaux apparaissent, en 1967, sous l’impulsion de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) pour tenter d’articuler protection de l’environnement et redynamisation des espaces ruraux habités. Le doyen des PNR français est Scarpe-Escaut dans les Hauts-de-France ayant vu le jour en 1968. Aujourd’hui leur création est négociée par la région avec les collectivités locales concernées, qui présentent un projet de territoire avec des actions précises et diversifiées qu’elles se proposent de mener ensemble sur 15 ans. L’État accompagne et valide cette démarche tout au long du processus, et la reconnaissance finale  prend la forme d’un décret du premier ministre sur proposition du ministre de l’Environnement. La charte constitutive des PNR fait toujours une part importante, en plus de la protection et de l'étude scientifique, aux activités économiques traditionnelles qu'il s'agit de sauvegarder et de promouvoir ainsi qu’aux aspects culturels. Un PNR est en effet un territoire rural habité et vivant, bien que son équilibre puisse être en voie d’être fragilisé par la dévitalisation rurale, ou à l’inverse une pression urbaine et touristique excessive. Un PNR de Corse est labélisé en 1971, alors que l'île n'était pas encore région administrative. Dans la même décennie plusieurs créations ont parallèlement concerné la Provence. L'année 1977 est, sur ce plan, exceptionnelle puisqu'elle a vu la création de deux PNR, fort différents, mais représentatifs des orientations données à ces structures : le Luberon (complété du Pays d'Aigues) en moyenne Provence, à cheval sur le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence, et le Queyras, dans les Hautes-Alpes, vallée d'altitude coincée entre le Mont Viso du côté italien et les gorges du Guil qui ont longtemps barré la route vers la vallée de la Durance.

Si ces deux créations témoignent d'une conscience partagée de l'intérêt collectif, le cas du PNR de Camargue, sur les communes d’Arles, des Saintes-Maries-de-la-Mer et de Port-Saint-Louis-du-Rhône, est exemplaire des difficultés que peuvent rencontrer de tels projets. Créé en 1970, après dix ans de maturation, il est adossé à l'origine à une fondation, reconnue d’utilité publique en 1972. Pourtant héritier d’une réserve botanique et zoologique créée dès 1928, ce PNR a eu à affronter les oppositions suscitées par les intérêts contradictoires des acteurs qu'il concernait, et qui, pour certains, refusaient sa réalisation. Il concentre en fait toutes les contradictions qui opposent protecteurs de la nature et autres usagers, tels les riziculteurs et les propriétaires de manades ou de salins. Ce PNR est composé de nombreuses zones humides d'une extrême fragilité, dont l'équilibre dépend de la gestion des eaux par les hommes, en lisière de concentrations urbaines importantes et au sein d'un espace touristique surfréquenté à certaines périodes. La richesse végétale, animale et ornithologique du parc (célèbre notamment pour les flamants roses qui y nichent et qu’il abrite en grand nombre) ne peut d’ailleurs qu’attirer chaque année de plus en plus de visiteurs, qu’il s’agit de sensibiliser aux enjeux du développement durable.   

Les problèmes camarguais ne sont pas tous résolus. Pourtant l'exemple n'a pas été répulsif, puisque de 1997 à 2021, le nombre de PNR a triplé, passant de 3 à 9 et faisant de la région l’une des mieux dotées de France.  Ces PNR couvrent désormais 10 307 km2, soit le tiers du territoire régional. Celui du Verdon voit officiellement le jour en 1997 et s’étend sur les départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Var. Il présente des paysages diversifiés, dont les gorges du Verdon, le lac de Sainte-Croix, le plateau de Valensole et ses lavandes, ou le Haut-Var parsemé de vignes et d’oliviers.

Les oliviers, ceux de la vallée des Baux, sont aussi indissociables du PNR des Alpilles. Il a été créé en 2007 sur 16 communes, dont Saint-Rémy-de-Provence et les Baux-de-Provence, pour préserver un petit territoire soumis à la pression de la périurbanisation et à de forts appétits fonciers, tout en valorisant ses activités agricoles et touristiques dans une perspective de développement durable.

Puis vient le tour, en 2012, de la création dans les Alpes-Maritimes du PNR des Préalpes d’Azur s’étendant du Pays de Grasse à l’arrière-pays niçois à la confluence des influences climatiques méditerranéenne et montagnarde, et entre les vallées de la Siagne, du Loup, de la Cagne, de l’Esteron et du Var. Cette mise en commun des énergies de  près de cinquante communes a notamment pour ambition de capter, au profit du territoire du nouveau parc, une partie du dynamisme de la Côte d’Azur, en proposant aux visiteurs un tourisme durable respectueux de l’environnement. Entre les départements des Hautes-Alpes et de la Drôme, le PNR des Baronnies provençales, a vu officiellement le jour en janvier 2015 et sa création a été annoncée le mois précédent par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal lors d’un déplacement en Drôme provençale à Vinsobres. Ce parc est également au carrefour des influences alpines et méditerranéennes. Il aura fallu plus d’une décennie pour voir ce projet aboutir, et un peu plus de 80 communes se fédérer pour préparer l’avenir de cet espace de moyenne montagne historiquement situé à l’écart des grands axes de communication. Une quarantaine de communes ont toutefois à l’inverse refusé de signer la charte, craignant notamment que la création du parc ne corresponde à une mise sous cloche. Le parc se donne certes pour objectif de protéger un espace naturel d’exception, renfermant une dizaine de sites classés au titre du label européen Natura 2000 en raison de leur forte valeur patrimoniale pour leur flore et leur faune. Mais il souhaite aussi contribuer à valoriser le riche terroir des Baronnies provençales dans une optique de développement économique et touristique. Les deux derniers PNR créés, celui de la Sainte-Baume en 2017 et du Mont Ventoux en 2020 honorent deux sentinelles et belvédères de la Provence. La montagne de la Sainte-Baume recouverte de forêt constitue un écrin de nature à la ruralité préservée aux portes de Marseille, Aix-en-Provence ou Toulon. Pour les habitants de ces villes, elle est un espace de détente en pleine nature, mais cette proximité est aussi synonyme de périurbanisation. Le patrimoine naturel renvoie notamment à la biodiversité minérale et biologique de la Sainte-Baume, ainsi qu’à son statut de château d’eau de la basse Provence. Le patrimoine culturel est lui indissociable de la grotte Sainte Marie-Madeleine, sur le territoire communal de Plan d’Aups, ou de la basilique de Saint-Maximin. Prisé des marcheurs, des skieurs comme des cyclistes, le massif du Mont Ventoux et ses paysages de renommée mondiale (en raison notamment de l’arrivée régulière et spectaculaire d’une étape du Tour de France cycliste) est devenu en 2020 le 55e PNR français. Le parc s’étend sur 35 communes du Vaucluse, dont les trois plus importantes sont Carpentras, Vaison-la-Romaine et Pernes-les-Fontaines. Culminant à 1909 mètres d’altitude, le géant de Provence, est une montagne à la biodiversité exceptionnelle, classée, en 1990, réserve de biosphère par l’UNESCO. Ce patrimoine naturel englobe également les gorges de la Nesque, le plateau de Sault et ses lavandes ou la vallée du Toulourenc et demeure fragile, y compris du point de vue de la ressource en eau. Une telle richesse naturelle doit être préservé, en particulier des atteintes que pourrait engendrer un tourisme non raisonné. Née avec le parc, une équipe d’écogardes est d’ailleurs chargée d’informer et de sensibiliser les visiteurs. La présence d’une agriculture dynamique permet en outre de développer l’agritourisme, et plus largement de donner toute sa place au tourisme de nature. Du point de vue culturel,  le Mont Ventoux peut se prévaloir d’avoir été fréquenté par des écrivains et poètes comme Pétrarque, Jean Giono, Henri Bosco ou René Char.            

Cet essaimage des parcs naturels sur le territoire régional, qui pourrait continuer à s'étendre à d'autres zones remarquables, comme par exemple le massif des Maures dans le Var, traduit l'inflexion la plus notable dans le domaine du contrôle de la nature, celle qui a fait passer les hommes de sa transformation à sa préservation, tout en expérimentant un nouveau moyen de développement local dans une optique de revitalisation et de durabilité.

# Pour continuer le chemin dans l'aménagement et la protection de l'environnement

# Bibliographie

  • « Fos-sur-Mer / Étang-de-Berre : 200 ans d’histoire industrielle et environnementale », Webdocumentaire Laboratoire TELEMME, Région PACA, LabexMed, URL : www.fos200ans.fr
  • Henry Augier (dir.), Le livre noir des boues rouges, Paris, Éditions Libre & Solidaire, 2019. 
  • Nacima Baron et Romain Lajarge, Les parcs naturels régionaux : Des territoires en expériences, Paris, Éditions Quae, 2015.    
  • Xavier Daumalin et Isabelle Laffont-Schwob (dir.), Les Calanques industrielles de Marseille et leurs pollutions : Une histoire au présent/Pollution of Marseille's Industrial Calanques : The impact of the Past on the Present,  Aix-en-Provence, REF.2C Editions, 2016.
  • Bernard Kalaora, Rivages en devenir : Des horizons pour le Conservatoire du littoral, Paris, La Documentation française, 2010. 
  • Michel Letté et Thomas Le Roux (dir.), Débordements industriels : Environnement, territoire et conflit (XVIIIe-XXIe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013. 
  • Geneviève Massard-Guilbaud, Histoire de la pollution industrielle : France 1789-1914, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010.