Parcours thématique

Les années 80 : l'essor de l'informatique et l'esthétique du son.

François Delalande

Introduction

La synthèse électrique du son était née avec le siècle et la synthèse numérique, celle des pionniers, vers 1960. À la fin des années 70 les ordinateurs prennent place dans les studios de création. Nouvelle rupture technologique qui autorise un travail fin et formalisable sur le son. Un mot envahit le vocabulaire des musiciens, tous genres confondus, indice d'une valeur qui émerge : le "son".

L'essor de l'informatique musicale

Les travaux commencés dans les années 60 par les chercheurs des Bell Laboratories portent leurs fruits et, dans les années 80, tous les studios sont plus ou moins équipés de systèmes informatiques.

Les grands studios institutionnels ont suffisamment de ressources pour construire des prototypes et les compositeurs les fréquentent pour utiliser ces nouveaux moyens.

Les petits studios s'équipent eux aussi de machines, comme les synthétiseurs numériques, proposées par les constructeurs indépendants.

Par ailleurs, le grand public découvre le "son numérique", largement commenté dans la presse spécialisée, grâce au compact disc qui fait son apparition chez les disquaires dès 1980. Le sujet génère même des polémiques ou des querelles esthétiques et les artistes interprètes s'intéressent de plus en plus aux problèmes de l'enregistrement.

Au GRM les chercheurs s'orientent vers des outils de traitement du son dans la continuité du studio analogique. N'importe quel son enregistré peut être traité de manière à produire des sonorités inconnues jusque-là. D'abord en temps différé (Studio 123) les logiciels deviennent temps réel à la fin des années 80 (Système Syter). Trois Eros (François Bayle, 1979) est la première œuvre qui s'appuie intégralement sur les nouveaux logiciels du Studio 123 .

François BAYLE, <em>Éros bleu </em>

François BAYLE, Éros bleu

Érosphère repose sur l'idée d'une grande arche qui partirait des choses terrestres (notre environnement sonore quotidien, notre réalité sociale, technologique et urbaine – ondes parasites, messages, monde policier... ), pour aboutir à un grand arc-en-ciel perdu dans les nuées... "Nous vivons dans l'érosphère, le désir est notre destin."

1979
01m 59s

À l' Ircam, les ordinateurs, comme la célèbre 4X, permettent de synthétiser ou de re synthétiser le son après analyse d'une manière puissante. Ils permettront rapidement aussi de réagir temps-réel au jeu d'un instrumentiste et donc de renouveler considérablement la musique mixte. Jupiter (Philippe Manoury, 1987) explore ces possibilités dans un dialogue entre un flûtiste et la 4X.

Phiippe MANOURY, <em>Jupiter </em>

Phiippe MANOURY, Jupiter

Lorsqu'en 1986, j'entrepris la composition de Jupiter, je n'avais guère de modèle à ma disposition. Les systèmes d'interaction en temps réel entre les instruments traditionnels et les synthétiseurs étaient encore balbutiants. Les premiers essais furent faits au début des années 80 par Barry Vercoe et Lawrence Beauregard qui eut l'idée de connecter sa flûte à la machine 4X

1987
02m 25s

Des synthétiseurs numériques comme le Synclavier construit aux États-Unis ou le DX7 de Yamaha adaptent les recherches sur la modulation de fréquence de l'américain John Chowning et permettent à un grand nombre de musiciens (variété, rock et contemporain) d'utiliser simplement ces nouveaux outils.

Le son des années 80 est un son nouveau : lisse, fluide, composé de "l'intérieur", il fait apparaître sa différence avec les sons des décennies précédentes. On prend alors conscience que chaque époque, globalement, génère un son lié à la technologie du moment et que dans ces différents paysages, chaque compositeur a un style sonore particulier. Il en est de même pour le grand public qui reconnaît et apprécie les groupes rock par leurs identités sonores. On dit le "son anglais" , le "son de Nashville" ou celui des Rolling Stones .

(date de rédaction : 1999)