Compagnie Ches Panses vertes, Dieu est absent des champs de bataille
Notice
1990 : Pour montrer la tolérance au sein de situations paroxystiques, Sylvie Baillon de la compagnie Ches Panses Vertes d'Amiens, met en scène Dieu est absent des champs de bataille, d'après le récit de Blaise Cendrars, La Main coupée, et des poèmes de Guillaume Apollinaire. Deux jardiniers de la mémoire (les comédiens Georges Baillon et Eric Goulouzelle) retracent la première année vécue par les soldats de la guerre de 14-18 avec des figurines de grillage.
Éclairage
Sylvie Baillon (née en 1960) n'a pris la direction de la compagnie fondée par ses parents que depuis un an lorsqu'elle met en scène Dieu est absent des champs de bataille, en 1990.
Le spectacle aborde la guerre comme une métaphore paroxystique de la vie : on naît soldat, on vit en soldat, on meurt... On sait que la mort est présente, qu'elle peut arriver d'un moment à l'autre, mais quand ? Comment peut-on vivre avec l'idée d'une fin ? Guidée par cette métaphore et ces questions essentielles, la mise en scène s'inspire d'un rite mortuaire d'une île d'Asie consistant à construire une statuette symbolisant le défunt, et à la ressortir une fois par an pour évoquer le disparu. Ce sont des figurines construites avec du grillage qui évoquent ces corps abîmés par la guerre et représentent les volontaires, tels Blaise Cendras et ses compagnons, qu'un sens moral a poussé à mourir dans les tranchées de cette guerre de boue. Dans la plus grande absurdité qui puisse exister, ils ont, coûte que coûte, cherché un sens à leurs actes et à leur vie. Pour rester debout.
Le décor général est un jardin carré parce que cette figure géométrique est le symbole de l'arrêt ou de l'instant prélevé dans le passé. Cet espace de jeu - comme espace de combat - est rempli de sable à lapin, matière vivante, organique, meuble, où chaque pas laisse des traces, où la mémoire imprime ses empreintes. Au fond de ce jardin est posée une poterie, matrice d'où vont sortir les figurines évocatrices des soldats. Plus avant, un arbre en métal, vertical, met en communication le niveau souterrain par ses racines, le monde de la surface par son tronc, et les hauteurs par sa cime. Puisque Dieu est absent des champs de bataille, cet arbre tombe. Ailleurs sur la scène, une caisse à munitions sera le tombeau d'un cadavre allemand, le cercueil de Garnero, le petit théâtre magique où sont racontées d'heureuses retrouvailles.
Pour Sylvie Baillon, il y a urgence à dire cela à notre époque, comme il y aura toujours la perception d'une urgence dans les sujets qu'elle choisira par la suite, destinés au jeune public (Madame t'es vieille ! de Jean-Pierre Orban en 1996 ; Alors, ils arrêtèrent la mer de Valérie Deronzier en 2011), ou aux adultes (Drames brefs 2 de Philippe Minyana en 2002 ; Nina c'est autre chose de Michel Vinaver en 2004), entre autres spectacles.
Le cœur du travail de la compagnie est l'écriture : textuelle et visuelle. Elle travaille avec des auteurs vivants en montant des textes déjà édités mais aussi, très souvent, en commandant de nouveaux textes. Ainsi, après avoir créé en 2003 Un Don Quichotte, d'après Cervantès, Sylvie Baillon a eu envie de demander à des auteurs ce qu'ils feraient aujourd'hui de l'héritage de ce personnage, avec pour seule contrainte une forme courte. Gilles Aufray, François Chaffin, Nathalie Fillion, Jean Cagnard, Alain Gautré, Raymond Godefroy ont apporté, en 2006, les six points de vue, les six langues contrastées des Retours de Don Quichotte. En 2010, Et cependant est une commande d'écriture à Alain Cofino Gomez sur “le vieillir”. Huit dialogues philosophiques portés par les marionnettes à divers âges de la vie charpentent ce spectacle-poème dans lequel Sylvie Baillon a réuni sur le plateau les éléments maîtres de son écriture scénique : marionnette, vidéo, chant, danse buto et violoncelle.
Menant à côté de ses créations un considérable travail de production d'événements, de programmation, de formation et de soutien aux jeunes artistes, la compagnie est devenue Le Tas de Sable - Ches Panses Vertes, pôle des Arts de la marionnette en région Picardie, et conventionnée « lieu compagnonnage marionnette » par le Ministère de la culture.