Carmen à Pékin
Notice
Interview de René Terrasson qui met en scène en 1982 Carmen de Bizet, à l'Opéra Central de Pékin, avec séance d'information préalable du public, entrée du chef d'orchestre Jean Perrisson dans la fosse, et extrait de la fameuse Habanera interprétée en chinois.
Éclairage
Pari Impossible ? Monter Carmen de Bizet à Pékin, avec une équipe entièrement chinoise, orchestre, choeurs et chanteurs, tient en effet de la gageure, tant la musique classique européenne - malgré la présence en Chine de plusieurs orchestres symphoniques - reste dans les années 1980 éloignée du peuple, qui à quelques années de la Révolution culturelle reste encore confronté à la seule spécificité musicale du genre Opéra chinois. C'est donc à un véritable « bond en avant » culturel que se prêtent tous les interprètes et l'administration de l'Opéra Central de Pékin pour réaliser cette première apparition d'un opéra français en Chine.
L'Opéra Central de Pékin a certes monté auparavant, sans assistance étrangère, une Traviata de Verdi qu'on a dit assez anachronique. Pour Carmen, les chinois choisissent la collaboration avec un chef et un metteur en scène français pour la garantie du style et de l'authenticité, et avec des interprètes chinois pour la langue d'abord, et pour l'inscription du spectacle dans le temps et la tradition locale, afin de créer un modèle reproductible sine varietur comme il est d'usage avec l'Opéra chinois.
Ils font donc appel pour la direction musicale à Jean Perrisson, ancien directeur de la musique de l'Opéra de Nice, qui dirige à l'Opéra de Paris de 1965 à 1978 et qui, dans les années quatre-vingt, effectue sept missions en Chine pour l'Association français d'action artistique (AFAA), émanation du Ministère de la Culture, et à ce titre est appelé à diriger les orchestres symphoniques de Canton et de Shanghai. Et leur choix commun se porte sur René Terrasson, alors directeur de l'Opéra du Rhin, et déjà auteur de cinq productions différentes du chef-d'œuvre de Bizet. Monter ce Carmen impose, plus que d'habitude, la nécessité de former au style français tous les interprètes, solistes, chœurs, instrumentistes, totalement neufs à ce répertoire, et en parallèle de respecter les usages locaux en matière de comportement sur scène.
La première a lieu le 1er janvier 1982, et se révèle un événement d'une importance considérable en matière d'ouverture de la Chine sur l'étranger, sorte de pendant culturel de la fameuse visite du Président Nixon à Mao Tsé Toung en 1972.
Une reprise du spectacle a lieu en 2000, pour célébrer le 125e anniversaire de la mort de Bizet. Depuis, la Chine s'est largement ouverte au monde extérieur, on a même joué Turandot de Puccini devant les murailles de la Cité interdite, et Pékin se dote en 2008 d'un Opéra ultramoderne, où l'on joue les grands ouvrages du répertoire lyrique occidental parallèlement à d'autres genres culturels.