Historique des sources

La fresque Indépendances propose des archives audiovisuelles issues des fonds de l’Ina et de l’ECPAD.

Les fonds conservés à l’INA

L'Institut national de l'audiovisuel conserve plus de 70 ans d'archives de presse filmée, de télévision et de radio.

La presse filmée

Pour la période de la décolonisation, entre les années 1940 et les années 1960, les documents proviennent très majoritairement du fonds de la presse filmée, les Actualités françaises. Ces actualités se sont appelées successivement Actualités Mondiales (1940-1942), France Actualités (1942-1944), France libre Actualités en 1944, avant de prendre le titre d’Actualités françaises en 1945, jusqu’en 1969, date de leur disparition. Ces années sont celles de l’âge d’or de la presse filmée. La télévision est en effet très loin de couvrir l’ensemble du territoire national et fait encore figure de média sans public. L’équipement des Français est lent. L’heure est encore à l’écoute collective dans le cadre des télé-clubs qui regroupent les téléspectateurs à l’échelon local (quartier ou village), dans une mairie, dans une école. A contrario, les salles de cinéma attirent un public important et régulier, assurant aux journaux hebdomadaires d’actualités un public fidèle et assidu. Les journaux des Actualités françaises sont composés d’images tournées par leurs propres équipes en place mais également des sociétés concurrentes de presse filmée (Pathé, Eclair et Fox). Des sujets généralement très courts (40 secondes), très enchaînés, couvrent l’information dans ses aspects les plus institutionnels. Parmi les extraits des Actualités françaises présentés ici, plusieurs sujets sont muets : les sujets non diffusés. En effet, à l’époque, pas de prise de son direct ; les sujets sont d’abord montés, puis ceux retenus pour le journal hebdomadaire sont sonorisés en studio. Notons qu’il existe un très grand nombre de ces sujets « muets-non diffusés » dans les fonds des Actualités françaises, sans que les conducteurs papier de l’époque ne fassent mention d’information précise sur les raisons de cette non-utilisation : contraintes de production, choix éditorial, auto-censure...

La télévision

Dans les années 60, les documents provenant du fonds de la télévision française (RTF/ORTF) prennent plus d’importance. Progressivement, la télévision devient la source d’information dominante. Elle apparaît vite comme un outil taillé à la mesure du nouveau régime de la Ve République : avec le général de Gaulle, la télévision devient un canal privilégié de la communication élyséenne. Dès lors, l’enjeu « télévision » croît : la stabilité du régime, les tensions résultant des guerres de décolonisation et la conviction de plus en plus répandue que la télévision exerce une influence décisive, politisent plus encore ce média. Gaullisme d’Etat rime donc avec contrôle, particulièrement pour ce qui touche à l’information télévisée - qui devient alors un genre essentiel. Paradoxalement, à côté du JT aux accents gaulliens, fade et consensuel, quelques signes annoncent un desserrement de l’emprise politique, notamment pour les magazines. L’exemple-phare est Cinq Colonnes à la Une, créé en 1959, qui jouit d’une plus grande liberté de ton et de mouvement et connaît une audience record.

Les limites du média

Il importe de noter que la fresque Indépendances est basée sur des archives audiovisuelles, production d’Etat véhiculant un discours toujours plus ou moins orienté par le projet politico-militaire en cours au moment de leur production. C’est le travail des historiens que de contextualiser ces sources et de les « faire parler ». Il faut rappeler que pour les Français des années 50 et 60, l’information passait surtout par la presse et la radio - et notamment les postes périphériques qui émergent à cette période et donnent une information différente de celle de l'Etat. Ces médias, populaires et peu onéreux, restent les plus importants à l'époque.

Les fonds conservés à l’ECPAD

L’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) conserve les archives cinématographiques et photographiques des armées françaises depuis 1915.

Typologie documentaire des documents sur l’Afrique subsaharienne

Les documents filmiques sur l’Afrique noire avant et pendant la décolonisation ne constituent pas un corpus homogène dans les collections de l’ECPAD. L’armée française n’ayant pas envoyé systématiquement de reporters en territoire subsaharien, la cinquantaine de documents filmiques que l’ECPAD comptabilise sur ce sujet est d’origine variée et de formats divers (noir et blanc, couleur, rushes, films montés etc.).

Les films référencés SCA, commandités et réalisés par le service cinématographique des armées (SCA), sont des produits de communication de Défense. La présence française en Afrique y est décrite comme essentielle pour maintenir le développement économique et le progrès social sur le continent, le tout dans une tonalité d’amitié fraternelle et éternelle, notamment par l’instauration de la Communauté française en Afrique. Les films sont montés à partir de rushes muets portants une référence en ACT.

Les documents référencés FA (film amateur), réalisés dans un cadre non institutionnel et entrés dans les collections de l’ECPAD par voie extraordinaire, proposent un éclairage différent sur des événements militaires français. Muets, filmés à l’aide de matériel amateur et privé, ils illustrent principalement des aspects ethnographiques et sociaux sur les pays d’Afrique subsaharienne.

Enfin, plusieurs documents montés, sonorisés et conservés à l’ECPAD, notamment sur l’Afrique subsaharienne, proviennent de productions extérieures qui restent parfois inconnues et dont l’exploitation nécessite une recherche des ayants droits. La présence dans les collections de l’ECPAD des documents référencés SERIE s’explique par le soutien technique apporté par l’Établissement cinématographique des armées lors de la réalisation de ces films. Les documents FT, majoritairement d’origine inconnue, comblent néanmoins les lacunes de la production organique de l’ECPAD et permettent une vision plus globale de la décolonisation dans les pays d’Afrique noire.

Typologie documentaire des documents sur l’Algérie

Le SCA en Algérie a réalisé de nombreux films pour la période allant des années 1940 jusque l’indépendance algérienne en 1962, et même au-delà. Les rushes, éléments bruts de tournage, servent à l’élaboration de produits montés évoquant des thématiques diverses, toujours en lien avec l’armée ou l’action de la France dans sa colonie algérienne. L’historien Sébastien Denis propose de répartir ces films montés en trois ensembles, les films d’instruction, les films d’actualité et les documentaires. Bien que certains relèvent de plusieurs genres à la fois, ils servent tous la politique de communication de l’époque.

Sont considérés comme films d’instruction tous ceux dont le but est l’apprentissage d’une technique de guerre ou de commandement à l’attention des soldats, sous-officiers ou officiers ; ils ont pour la plupart été classés dans des cotes spécifiques au sein du catalogue du SCA puis de l’ECPAD. Les films d’actualité montés sont ceux qui, destinés avant tout aux militaires, présentent des faits d’armes ou prises de position sur la guerre en cours, sans qu’il soit fait appel aux facultés conscientes d’apprentissage des techniques de guerre ou de communication ; ils ont été classés dans des séries spécifiques (Magazine des armées ou Magazine Algérie-Sahara). Les films documentaires sont ceux qui, destinés aux militaires ou aux civils, ne se réfèrent pas à un temps précis dans les activités militaires mais contiennent des idées générales sur le déroulement du conflit ; il s’agit de films « uniques », non inclus dans une série [1].

À ce corpus de films « institutionnels » s’ajoutent des films « amateurs » issus des fonds privés : arrivés à l’ECPAD par la voie des dons, achats ou legs, ces documents apportent au spectateur un regard complémentaire sur un conflit qui voit les débuts de la démocratisation des médias de la photographie et du cinéma.

Typologie documentaire des documents sur l’Indochine

Dès l’arrivée du corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient (CEFEO) en Indochine en septembre 1945, des cadreurs du SCA sont dépêchés sur le territoire indochinois pour couvrir les opérations militaires liées au retour de la France en Indochine. Leur production, qui couvre l’intégralité de la guerre d’Indochine jusqu’au départ du CEFEO (1945-1956), a pour but d’informer la métropole, d’alimenter les firmes d’actualité et de maintenir le moral des troupes stationnées en Indochine. Mettant en avant, dans les premières années de la guerre, l’action bienfaitrice et civilisatrice de la France, la production cinématographique prend une nouvelle dimension, sur le fonds comme sur la forme, avec l’internationalisation du conflit en 1951 et les premières grandes batailles contre l’armée populaire vietnamienne.

Ce corpus, qui représente environ sept cents titres de films, est constitué de magazines d’actualité et de documentaires (références MAG, SCA) qui rendent compte des aspects militaires, politiques, géographiques ou encore culturels, et dont les images sont extraites des rushes (références ACT) réalisés par les opérateurs.

Des films d’instruction témoignent de la problématique de l’adaptation des soldats sur le territoire indochinois. En marge de cette production institutionnelle, des films amateurs (références FA) viennent apporter en contrepoint aux images militaires, des images rares de la vie quotidienne des soldats, parfois tournées en couleur.

Des films réalisés par le service cinématographique de l’armée populaire du Vietnam fournissent, bien qu’il s’agisse souvent de reconstitutions avec un fort message propagandiste, un éclairage passionnant sur la lutte armée du peuple vietnamien, en montrant notamment des séquences inédites de Français dans les camps de prisonniers. Enfin, des films réalisés pour le Gouvernement général de l’Indochine illustrent divers aspects de la vie coloniale des années 1920 (références FT).

[1] Sébastien Denis, Le cinéma et la guerre d’Algérie : la propagande à l’écran (1945-1962), Paris, 2009, p. 175-176.