La dynastie Darroze

10 septembre 1999
05m 05s
Réf. 00294

Notice

Résumé :

Rencontre avec 4 membres de la célèbre famille Darroze : Hélène, chef étoilée, qui a décidé d'aller tenter sa chance à Paris ; le chef Claude Darroze qui présente les précieuses bouteilles héritées de son père et destinées à une prochaine vente aux enchères ; Jean-Charles qui souhaite mener la même carrière que ses aînés ; Marc, négociant en armagnac à Roquefort.

Type de média :
Date de diffusion :
10 septembre 1999
Source :
Thèmes :

Éclairage

Le nom de Darroze est devenu une déclinaison de prénoms et de générations successifs tant il a conquis les gourmands depuis les années 1890. Aujourd'hui, c'est Hélène qui porte haut le nom hérité de ses ascendants landais, une fierté qu'elle partage depuis sa consécration comme chef avec au moins Claude son oncle.

Les Darroze se sont fait connaître par le restaurant familial fondé à Villeneuve-de-Marsan en 1895, le Relais qui a vu se succéder quatre générations de cuisiniers pour achever cette histoire en 1999. C'est en effet le succès d'Hélène et le contexte général de la profession parvenue à un haut niveau qui a marqué un tournant dans l'histoire des Darroze et du Relais.

Plusieurs valeurs sont toujours défendues par les Darroze, comme le bien-vivre, le savoir-vivre, le respect des produits, le goût et le plaisir que l'on retrouve tant chez Claude, cuisinier à Langon, Hélène, chef à Paris et Londres, Francis et Marc (père et frère d'Hélène) dans leurs caves d'armagnac et les autres plus jeunes ou moins célèbres. Ces valeurs et ces qualités de bons cuisiniers ont aussi marqué des générations de clients qui sont venus célébrer dans un établissement devenu Relais et Châteaux, des occasions marquantes de la vie, temps rituels comme les mariages, les baptêmes, les succès, ou plus simplement le bonheur de la bonne table traditionnelle. Puis les changements sont arrivés.

Ce que marque la période actuelle depuis ces dernières récentes décennies, c'est le poids de la contrainte qui ne permet plus au talent et à la valorisation de bons produits de rester "chez soi" à savoir en Province. C'est le cas des Darroze comme de bien d'autres chefs ou très bons cuisiniers qui se sont vus obligés de gagner de grandes villes voire des capitales - Paris et Londres pour ce qui concerne Hélène - afin de garantir la survie économique de leurs établissements, surtout quand le produit de leurs terroirs restent au cœur de métier et de leurs préoccupations.

A quelques dizaines de kilomètres de la très singulière et belle entreprise de Michel Guérard, fondée des années auparavant, le nom de Darroze ne pouvait suffire à maintenir ce haut niveau de qualité et de prestations qu'exige ce type de clientèle. Le lien entre talent et économie reste indéfectible - là encore Hélène Darroze, diplômée d'une école de commerce, savait que les bons produits ne suffisaient plus. Elle a réalisé qu'elle ne pouvait "faire monter" le nom de la dynastie Darroze plus loin sans poser la clé de la tradition pour mieux maintenir et sans doute encourager les jeunes en formation (comme Jean-Charles, fils de Claude) à poursuivre ailleurs et autrement. L'essentiel est sans doute à présent que la dynastie Darroze, en cuisine ou dans l'armagnac, dans d'autres secteurs gourmands demain peut-être, puisse se perpétuer avec sa touche landaise.

Bibliographie générale :

- BARREAU Jacques, Les Hommes et leurs aliments. Esquisse d'une histoire écologique et ethnologique de l'alimentation humaine, Paris : Messidor/Temps Actuels, 1983, 381 p.

- COURTINE, Robert Jullien, La cuisine des terroirs. Traditions et recettes culinaires de nos provinces, Lyon : La Manufacture, 1994, 575 p.

- FLANDRIN, Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris : Fayard, 1996, 919 p.

- MONTAGNE, Prosper, Larousse Gastronomique, Paris : Larousse, 1938, 1088 p.

- TOUSSAINT-SAMAT, Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris : Bordas, 1987, 592 p.

Bibliographie spécifique :

- CLAUSTRES, Francine, La cuisine landaise, Bordeaux : éitions Sud-Ouest, 1996, 128 p.

- CNAC (Centre National des Arts Culinaires), L'inventaire du patrimoine gastronomique, Aquitaine, Paris : Albin Michel, 1997, 322 p.

Malika Boudellal

Transcription

(Musique)
Patrick Pannier
Bonsoir, Aquitaine Première vous propose ce soir de faire connaissance avec une famille parmi les plus célèbres de votre région, les Darroze, dont le nom à lui seul évoque tout un art de vivre, fait de plaisir gastronomique. Mais hélas parfois, même les belles histoires ont une fin. Ici, à Villeneuve-de-Marsan, l’héritière de la dynastie, Hélène, a décidé de quitter les Landes pour s’installer et tenter l’aventure à Paris. Dans cette maison plus que centenaire fondée par l’arrière grand-père Henri en 1893, Hélène Darroze fait partie de la quatrième génération à accueillir des convives amateurs de grande cuisine. Ici, le bien vivre se mélange harmonieusement avec le savoir-vivre. Chez les Darroze, il faut avant tout se faire un prénom. Venue sur le tard dans la cuisine, Hélène sait qu’elle peut compter sur les siens en exportant son talent vers la capitale.
Hélène Darroze
On se retrouve à la moindre occasion, très régulièrement dans l’année, et on est tous très soudés. Là, justement ce qui me fait vraiment très plaisir à moi, c’est que ma famille, même s’il y a la peine de quitter un peu Villeneuve, ils sont quand même tous derrière moi à m'encourager et même à venir avec moi m’aider pour l’ouverture, etc.
Patrick Pannier
Mais les lustres d'antan ne peuvent rien contre les réalités économiques d’aujourd'hui, une étoile au Michelin ne suffit plus pour nourrir son monde dans cette petite bourgade du Bas Armagnac.
Hélène Darroze
C’est un peu le problème de toute la restauration et l’hôtellerie en province, c’est sûr que c’est beaucoup plus facile dans les grands centres urbains et notamment à Paris. Il y a quand même aussi des raisons économiques qui motivent mon choix, les hivers sont longs ici.
Patrick Pannier
Bien dans la lignée de la famille Darroze, Hélène s’est effacée, dit-elle, derrière la qualité des produits. Une cuisine généreuse qu’elle entend poursuivre à Saint-Germain-des-Prés.
Hélène Darroze
Moi j’ai été éduquée et par ma famille, et après par mon passage chez Ducasse, dans le culte du produit. Donc, je fais une cuisine qui s’appuie sur le produit. La première phase, c’est choisir le produit, et là j’ai la chance que tous les fournisseurs que j’ai ici, qu'ils soient Villeneuvois enfin Landais, ils vont me suivre à Paris.
Patrick Pannier
A 30 ans, c’est comme une nouvelle carrière qui commence pour la jeune Landaise. Pour relever le challenge parisien, il lui faut rapidement reconquérir une étoile. Demain samedi, le restaurant Darroze effectuera son dernier service, une page de la cuisine landaise sera tournée. Mais si Hélène s’en va des Landes, le nom des cuisiniers Darroze va tout de même perdurer en Aquitaine, direction Langon dans le Pays des Graves.
Claude Darroze
Ça c’est exceptionnel, Romanée Conti 59, ça c’est une bouteille qui vaut entre 20 et 50 000 francs dans une vente aux enchères.
Patrick Pannier
Fierté, mais aussi émotion, chez Claude Darroze, l’oncle d’Hélène, quand il nous montre la plus belle bouteille de sa cave, bouteille qu’il tient de la succession de Jean Darroze, à son père. De véritables pièces de collection destinées à une prochaine vente aux enchères, les clients ne peuvent plus se les offrir, et il faut bien trouver des liquidités.
Claude Darroze
Aujourd'hui, les temps deviennent difficiles. On a une bonne affaire, on a une bonne situation, mais il faut travailler beaucoup plus, les marges sont moindres, puis il y a beaucoup d’investissements à faire surtout dans des établissements, dans des gros bateaux comme le mien. Nous avons des grosses affaires, un potentiel pour recevoir énormément de clients. Aujourd'hui, vous faites 10 clients, le lendemain vous en faites 80, il y a un travail qui est très irrégulier, c’est ce qui se passe d’ailleurs dans tout le Sud-Ouest, ce qui est dommage et ce qui pousse sûrement les grands chefs à partir, à s’expatrier sur Paris, sur la Côte d’Azur ou ailleurs.
Patrick Pannier
Voilà un quart de siècle que Claude Darroze, une étoile au Michelin, a quitté la maison familiale des Landes pour voler de ses propres ailes. Aujourd'hui, pour lui se pose aussi le problème de la succession, son fils Jean-Charles se donne encore 10 ans et un tour du monde avant de passer derrière les fourneaux de la famille.
Jean-Charles Darroze
Mon père est très Landais, enfin de souche landaise, et fait de la cuisine du terroir, bon moi, je me dois de faire ma propre cuisine. Donc, c’est pour ça que je dois aller voir à l’étranger, tout ce que je peux ramener de toutes ces différentes cultures.
Patrick Pannier
Fortement imprégné de leur terroir, on l'a vu, les Darroze notamment grâce à leur restaurant, ont toujours été les meilleures ambassadeurs de l’armagnac. Aussi, Marc le frère d’Hélène s’est fait un métier de sélectionner et commercialiser les eaux de vie de son pays.
Marc Darroze
Des eaux de vie de caractère, des eaux de vie de terroir, que nous faisons vieillir ici dans nos chais en les respectant au maximum. C'est-à-dire que nous allons les bichonner une à une, d’année en année mais de façon individuelle. Chaque propriété va garder son authenticité jusqu’au consommateur.
Patrick Pannier
Des alcools aux saveurs de pruneau ou de violette, les spécialistes apprécieront. Finalement, chez les Darroze, tout est une affaire de goût et de plaisir. Cette Aquitaine Première qui se termine, vous aura sans doute mis en appétit. Dans un instant, votre journal régional. Je vous souhaite une agréable soirée.