Départ de Riri et de sa vache pour le Nord

Henri Saget dit Riri, Bordelais d'origine, fit ses débuts dans les années 1930 avec les vaches aux arènes du Bouscat ; le directeur Lataste l'embauche comme razeteur dans la course camarguaise à la cocarde. "Avec deux amis, le Dacquois Lucien Stetin et le Bayonnais Couquiaud, ils vont former le premier trio de toreros comiques, Los Bomberos. [...] Leur objectif : prendre le maximum de risques en allant au devant des coursières, pour se retrouver dans des situations difficiles, périlleuses et cocasses en même temps... combien de fois Riri s'est-il trouvé, avec ses habits de clown ou sa queue de morue, sur le dos des coursières pour des rodeos apparemment impossibles... combien de fois l'a-t-on vu se laisser glisser avec un savoir-faire étonnant sous le ventre de la bête, accroché on se demande bien comment... combien de fois, sur son vélo (et quel vélo !!) ou son Karting pétaradant, a-t-il été poursuivi par les vaches..." [1]

Il est recruté par Labat (ganadero [2] de Buglose) à la fin des années 1950, pour animer un type de spectacle estival à destination du grand public, dit course mixte, où, après une course landaise "formelle" (classique), se déroule une partie comique, avec des jeux divers et souvent la participation du public. Ces jeux d'arène sont inventés en permanence ; certains deviennent bien connus, comme le toro-ball ou le toro-piscine, où le public peut descendre sur la piste. Les jeux télévisés d'Intervilles, dans les années 1962 et 1963, puisent largement dans ce répertoire et font connaître Riri à l'œuvre dans les arènes de Dax [3]. Par la suite, ont lieu des spectacles entièrement comico-taurins, dits "charlottades". Les toreros comiques appelés "Charlots", portent parfois la redingote des clowns. Un Championnat de France des Charlots est lancé à Mont-de-Marsan en 1974. Les numéros sont soigneusement préparés, mais les blessures nombreuses [4]. Riri constitue un trio avec René Lux (retiré en 1965) et Henri Lalanne (retiré en 1967). Un autre prend la relève : Pierrot Estirac, Raymond Bernet et Jean-Claude Burrosse.

Riri, personnage déjà très populaire, décide de traverser la France, de Dax à Saint-Amand-les-Eaux [5], à pied et en compagnie d'une vache ; celle-ci n'est évidemment pas une coursière landaise ("baquilla"), mais une vache rousse docile, Thérèse. Son périple de 825 km [6] fut suivi par le journal Sud-Ouest et soutenu par la ganaderia Labat ; le départ matinal s'effectua le 19 décembre 1963 devant la Fontaine Chaude.

Cette initiative fit de lui une figure sympathique, clown courageux en piste, réservé et sans excentricité à la ville . Cette aventure, hors des arènes, rapprochait le monde de la course landaise d'autres cultures, autour de la proximité entre l'humain et le bovin : le film La vache et le prisonnier, d'Henri Verneuil, avec Fernandel, est sorti fin 1959 ; Fernandel et la vache parcoururent réellement les 200 kilomètres, de Munich à Stuttgart. En 1970, Fernandel marche avec un cheval en Camargue dans le film Heureux qui comme Ulysse d'Henri Colpi.

Le retentissement fut grand dans les Landes ; on pouvait penser aux grands raids à échasses [7] de la fin du XIXe siècle ; d'autre part, la motivation était de "retrouver" les amis rencontrés lors d'Intervilles, notamment Georges Donnez maire de Saint-Amand, et le tour hivernal des amis était une coutume rurale landaise.

[1] Source blog de Michel Puzos  mpcourselandaise.blogspace.fr

[2] Eleveur taurin, ici de vaches de course landaise.

[3] Qui va en finale en 1962 contre Saint-Amand-les-Eaux, et en 1963 contre Tarbes.

[4] Riri reçut une cornada à Nîmes qui lui perfora le poumon.

[5] Département du Nord, près de la frontière belge ; adversaire de Dax en 1962 dans la première finale des jeux d'Intervilles.

[6] Le feuilleton dura plus d'un mois.

[7] Tels que le raid Paris-Moscou en 1891 par Sylvain Dornon, 2850 km en 58 jours.