Fouilles archéologiques dans le lac de Sanguinet

05 novembre 1998
04m 51s
Réf. 00542

Notice

Résumé :

Les fouilles archéologiques menées depuis le début des années 70 dans le lac de Sanguinet ont révélé 3 sites : le village gallo-romain de Losa, le village fortifié de l'Estey du Large datant IIe siècle av. J.-C. et enfin le site de Put Blanc, village de pêcheurs du début de l'âge du fer, célèbre pour ses nombreuses pirogues. Les vestiges découverts au fil des différentes missions sont présentés au musée de Sanguinet.

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Date de diffusion :
05 novembre 1998
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Éclairage

Sanguinet, au bord de l'étang éponyme, est une petite bourgade du pays de Born limitrophe du département de la Gironde. Une cité balnéaire familiale connue aujourd'hui de tous les archéologues. D'où vient cette notoriété ?

Sanguinet, Losa, au IIIe s. dans l'Itinéraire d'Antonin [1], devient parrochia de Sanguinet dans les textes médiévaux rappelant une forme collective du gascon sanguin, "lieu où poussent les cornouillers". Cet appellatif roman sert effectivement à désigner la nouvelle agglomération établie au sud de l'antique quartier de Louse rappelant la station de Losa sur le chemin côtier qui mène, dans l'Antiquité, de Bordeaux vers l'Espagne [2].

La montée des eaux du petit ruisseau de la Gourgue (du gascon gorga, "gorge, ravin, défilé") à la suite de la fermeture du cordon dunaire et de la formation du lac a en effet contraint les hommes à se déplacer : ce sont donc trois sites archéologiques, s'étendant de l'âge du Bronze à l'époque romaine, qui y ont été fouillés, entre 1976 et 1998, fournissant un important mobilier, notamment des pirogues monoxyles d'un intérêt majeur. Mais le lac n'avait pas encore livré tous ses secrets.

Le musée archéologique, rénové depuis lors, présente en effet désormais au public le fruit de plus d'une trentaine d'années de fouilles en "immergeant" le visiteur dans cet univers très particulier. Qu'y découvre-t-on ?

Tout d'abord, le site de "Losa", situé jadis à 7 lieues romaines de Boios, selon l'Itinéraire d'Antonin, village "étape" construit autour d'un fanum dont les substructions de grès ferrugineux (fer des marais) demeurent en place. Du mobilier domestique "classique" y a été trouvé en abondance ainsi que des monnaies - un sesterce de Marc Aurèle et un antoninien de Gallien notamment - permettant de dater l'occupation des lieux du Ier au IIIe siècle après J.-C. La présence de souches d'arbres au milieu des ruines laisse entendre que cette petite agglomération a été détruite avant son immersion que l'on peut dater des environs du Ve siècle, époque à laquelle le lac a dû atteindre son niveau actuel.

La présence de jattes à anses internes à usage domestique et de grandes jarres à brai, témoins d'un premier centre artisanal de production de goudron, au milieu de vestiges liés à la vie quotidienne, caractérise ce site qui a fourni trois pirogues monoxyles [3].

Puis le site de "L'Estey du large", de la fin de l'âge du Fer (IIe s. av. J.-C.), qui se concrétise, à 8 mètres de profondeur, par une double enceinte de pieux de chêne formant une ellipse. Quelque 30 000 fragments de céramique y ont été prélevés ; la céramique commune non tournée y est la plus abondante, laissant supposer qu'il s'agit même d'un atelier de production locale dont la protection était précisément assurée par une palissade. Des amphores du Ier siècle avant J.-C. en assurent la datation ainsi qu'une petite monnaie en argent présentant à l'avers une tête de cheval stylisée et une monnaie locale dite "tarusate".

Ensuite, le site de "Put blanc" où trois habitats du premier âge du Fer (750 à 400 av. J.-C.) ont été repérés par 12 à 13 mètres de fond : 23 pirogues datant de l'âge du Bronze au premier millénaire après J.-C. se concentrent dans ce secteur, laissant penser à l'emplacement d'un premier port à la pointe orientale du lac primitif.

Un habitat très structuré a été repéré par ailleurs à 13 mètres de profondeur : des fonds de cabanes en troncs sont encore en place et les tessons de poteries sont abondants ; un petit vase décoré symbolise la vie dans ces lieux délaissés des hommes il y a plus de 2000 ans.

Détail intéressant : un peu partout ont été prélevées des scories attestant les prémices d'une industrie métallurgique à partir du minerai de fer fourni par le "fer des marais".

Les 15 plongeurs bénévoles du CRESS [4] ont donc bien raison d'être optimistes en cette journée des musées de 1998.

Fouillant toujours l'ancien lit de la Gourgue, à des profondeurs toujours plus grandes, dans des conditions toujours plus difficiles, ils ont identifié depuis deux autres sites : "La Forêt" (600-200 av. J.-C.) où l'on retrouve, comme à "Put Blanc", des fonds de cabanes et des pieux mortaisés, et "Matoc" (1500 à 450 av. J.-C.), encore plus en aval et par 17 mètres de fond, d'où ils ont remonté une lance et un vase.

Peu à peu s'éclaire ainsi le mode de vie de populations de pêcheurs capables de construire des bateaux robustes, insubmersibles et conçus pour la navigation en mer : un trésor archéologique inestimable pour les spécialistes, constitué de quelque 33 pirogues monoxyles, dont 29 réalisées en pin et 4 en chêne.

De cet exceptionnel chantier les rapports annuels du CRESS rendent compte chaque année [5].

[1] L'Itinéraire d'Antonin, daté de la fin du IIIe siècle, qui donne la liste des étapes (mansiones) qui jalonnent quelque 372 voies sur 85000 km dans tout l'Empire.

[2] BOST, Jean-Pierre et BOYRIE-FENIE, Bénédicte, "Auguste, la Gaule, et les routes de l'Aquitaine : la voie directe de Dax à Bordeaux", Bulletin de la Société de Borda, 1988, 2e tr. p.13-20.

[3] Monoxyle : taillé dans une seule pièce de bois.

[4] Centre de Recherche et d'Études Scientifiques de Sanguinet.

[5] Interview de Bernard Maurin sur l'Extranet public des Landes : "Plus on s'enfonce sous les eaux du lac et plus on remonte le temps"

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Alexandra Ansquer
Bonsoir et bienvenue sur le Losa, un bateau un peu particulier puisqu’il appartient au Centre de recherche et d’étude scientifique de Sanguinet, en d’autres termes, le musée de la Commune. Et comme plus des 900 autres musées de France, celui de Sanguinet participe à l’opération invitation au musée organisée par le ministère de la Culture, et l’entrée sera gratuite. Alors, comme ici, les recherches se passent sous l’eau. Je vous propose de suivre ces plongeurs, retenez votre respiration. Attention, top départ !
(Bruit)
Alexandra Ansquer
Trois mille ans d’histoire, c’est le riche passé de ces eaux verdies par les algues du lac de Sanguinet. Formé progressivement et prenant ainsi de plus en plus d’ampleur, le lac a obligé les peuples vivant sur ses rives à reculer vers l’amont. Et c’est au début des années 70, que des plongeurs bordelais découvrent des vestiges de ce qui est devenu le premier site du lac, le village gallo-romain de Losa. Les fouilles débutent alors réellement en 78, et aujourd’hui, une quinzaine de plongeurs, tous bénévoles, écument les fonds lacustres à la recherche de ces trésors de l’histoire ; d’où des contraintes d’ordre technique un peu particulières.
Bernard Dubos
Il y a plusieurs techniques en fonction des travaux que l’on on a à faire. On a du balisage, le relevé des pirogues, c’est plutôt statique, puisqu’on travaille sur une structure de 10 mètres de long. Et on travaille pendant une heure ou deux heures, on ne bouge pas. Il y a du relevé par bande. Il y a du relevé, par exemple dans le fond de cabane, comme ici, c’est du relevé de pieux, de structure de bois. C’est très varié comme travail effectivement. Il y a le plaisir de plonger, étant donné que je suis du coin - je suis plutôt chauvin aussi -, donc c’est plonger à l’endroit où il y avait quelque part des ancêtres. Et puis c'est une équipe de copains qui plongent tous les samedis matins, donc il y a une partie de plaisir de plonger, d’archéologie, d’histoire, c’est tout un ensemble. Tu l’as trouvé où ?
Inconnu
Là, sur le [incompris].
Bernard Dubos
Ça c’est du gallo-romain.
Alexandra Ansquer
Morceau après morceau, objet après objet, le musée de Sanguinet s’est ainsi constitué et enrichi au fil des plongées et des fouilles. Une fois l’objet du passé découvert par les plongeurs, il est amené ici dans ce dépôt. Le travail consiste alors à le nettoyer, à le reconstituer avant de le retrouver au musée.
(Musique)
Alexandra Ansquer
Ici, poterie, bijoux et monnaies, des trouvailles classées par site, ainsi celui de Losa, village gallo-romain du début de notre ère, aujourd’hui à 4 ou 5 m de profondeur. Les fouilles ont révélé l’emplacement d’un fanum ; petit temple de l’époque et également seule construction en dur des fonds lacustres. Un village placé sur le tracé de l’ancienne voie romaine, qui reliait Bordeaux à Dax. Et puis, plus profond et donc plus loin encore dans le temps, le deuxième site.
Bernard Maurin
Ce site est un site préromain, des trois premiers siècles de notre ère, nous l’avons appelé site de l'Estey du Large. Là aussi, on a trouvé un mobilier archéologique important, poterie, quelques rares monnaies ; puisque nous n’en avons retrouvé que deux, des monnaies gauloises du premier siècle avant Jésus Christ. Là aussi, quelques pirogues, mais surtout un village entouré d’une double palissade, d’une double enceinte de bois ; donc une construction extrêmement importante, qui montre que ces hommes avaient quelques craintes par rapport à leur environnement extérieur.
Alexandra Ansquer
Enfin, dernière trace de vie avec le dernier site et le plus ancien, celui de Put Blanc qui remonte à environ 800 ans avant Jésus-Christ ; un port primitif du début de l’âge du fer avec ses cabanes, ses céramiques et surtout une vingtaine de pirogues, objets fétiches de ces chercheurs bénévoles. Au total, 27 de ces embarcations ont été découverte, de l’âge du bronze à la période mérovingienne. Elles sont toutes monoxyles, c’est-à-dire faites d’une seule pièce écorcée. Elles sont aussi essentiellement en pin, caractéristique de la région.
Olivia Hulot
Il n’y a pas mal d’aménagement, donc des aménagements sur le fond, des trous, qui pouvaient servir à vider la pirogue de son eau ; des cloisons qui permettaient de faire des viviers dans une certaine partie de la pirogue ; ou bien des renforts transversaux qui permettaient de consolider et de donner une structure, une ossature un petit peu plus rigide à la pirogue.
Alexandra Ansquer
Alors, si cette visite sur les fonds lacustres de Sanguinet vous a plu, n’oubliez pas dimanche de répondre à cette invitation au musée. Pour l’heure, vous avez rendez-vous avec les évènements actuels de votre région, c’est-à-dire le journal de 19 heures 07. Bonne soirée à tous, merci !