Souvenir du métier de résinier : le musée de la gemme à Luxey

15 juillet 2002
02m 17s
Réf. 00578

Notice

Résumé :

De l'époque où l'industrie de la gemme constituait la principale richesse de la Grande Lande, il ne reste plus aujourd'hui que les témoignages des anciens résiniers et le musée de la gemme, vestige intact de cette exploitation qui s'essouffla au milieu du 20ème siècle avec l'arrivée sur le marché des résines étrangères.

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Date de diffusion :
15 juillet 2002
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Éclairage

Luxey, petit bourg de quelque 700 âmes au cœur de la Grande Lande, s'est fait un nom. Grâce au très éclectique festival Musicalarue qui draine, depuis 1989, un large public venu de tous horizons.

Mais Luxey, c'est avant tout une forêt : Lucser dans les occurrences médiévales, un luc, un "bois", associé à un adjectif qui pourrait être le latin médiéval serius au sens de "utile, de profit" [1].

Si la vocation forestière de la commune se pérennise, au-delà des cataclysmes naturels, dans l'exploitation du bois d'œuvre et de trituration, l'industrie de la gemme n'est plus effectivement, au début du IIIe millénaire, qu'un "souvenir".

La "belle époque" mentionnée par ceux qui ont vécu de son profit, n'est pas celle qu'entendent généralement les historiens [2] ; elle correspond à une période beaucoup plus large qui s'étend des années 1860 aux lendemains du second conflit mondial, soit près d'un siècle. Une période que l'on a surtout appelée, malgré les aléas, "l'Âge d'or".

Suite à la promulgation de la loi de 1857 sur l'assainissement et la mise en culture des Landes de Gascogne, le territoire se couvre progressivement d'un pinhadar de près d'un million d'hectares. C'est une mutation majeure qui fait glisser le pays d'un système agro-pastoral ancestral à un système agro-sylvo-pastoral qui laisse bientôt place à la monoculture du pin maritime (Pinus pinaster). Les bergers deviennent gemmeurs et résiniers, les uns récoltant la résine sur l'arbre, les autres la transformant en essence de térébenthine et colophane, alimentant toute une micro-industrie rurale favorisée par le développement du chemin de fer.

L'atelier Vidal de Luxey témoigne de cette période faste. Il fonctionne de 1859 à 1954 mais, comme les 120 unités des Landes, il doit fermer ses portes en raison de la concurrence des résines importées et des produits de synthèse comme le white spirit. Les olièiras [3] disparaissent progressivement et les vastes bâtiments en déshérence s'écroulent ou sont rasés. Certains connaissent cependant un sort plus heureux : celui de Luxey est annexé en 1975 à l'écomusée de Marquèze pour rendre compte de la seconde phase de développement de la Grande Lande ; celui de Pissos reconvertit, deux décennies plus tard, en caserne de pompiers.

Situé derrière l'église de Luxey, en surplomb de la petite Leyre , l'atelier-musée se développe donc en trois secteurs rappelant le plan originel : le quai de réception qui accueillait les barriques de résine recevant le contenu de 9 quartas [4]; l'atelier de distillation proprement dit dont la pièce maîtresse est un énorme alambic de cuivre, aujourd'hui disparu ; enfin un entrepôt utilisé pour la présentation pédagogique de la transformation de la résine coulant de la cara en une gamme de produits étonnamment large.

Délaissé en raison de la création du Pavillon des Landes de Gascogne situé face à la gare de l'écomusée de Marquèze, à Sabres, le musée de Luxey se referme en 2008 en attente d'une prochaine réhabilitation.

[1] Serius : Utilis, necessarius : unde Serie, utiliter, intente, sedulo. Joh. de Janua. Gloss. Lat. Gall. Sangerman. : Serius, necessaire, proffitable. Serius, σπουδαῖος, in Gloss. Lat. Gr. (Du Cange).

[2] Née au lendemain du premier conflit mondial, cette expression désigne la période de progrès social, économique, technique et politique qui se situe entre la dépression de la fin du XIXe siècle et la Grande Guerre de 1914-1918.

[3] Mot gascon désignant un "huilerie" ou atelier de distillation.

[4] Mot gascon, issus du latin quartus. Sorte de baquet d'une contenance d'un quart d'hectolitre.

Cf. www.archeolandes.com/gem40.pdf

Transcription

(Musique)
Journaliste
36 ans, cela faisait 36 ans qu’André Lacaze n’avait pas remis les pieds dans son usine. C’est ici qu’en 66, il a fait sa dernière distillation.
(Musique)
André Lacaze
Il manque, oh là là, il n’y a plus rien ! Ah oui, ah oui.
(Musique)
Journaliste
Le constat est douloureux, aujourd’hui, il ne reste que ces vestiges inertes et rouillés par le temps.
(Musique)
André Lacaze
Ici, il y avait la grande chaudière où on faisait fondre la résine, et oui. Il manque l’alambic, il manque la chaufferie.
(Musique)
Journaliste
André Lacaze est nostalgique de ces odeurs résineuses, de cette époque où l’industrie de la gemme représentait l’une des richesses de la Grande Lande.
(Musique)
Journaliste
Une matière première utilisée pour la fabrication du caoutchouc, du plastique ou des colles à papier. Produit de l’arbre d’or, elle faisait vivre toute une population ouvrière qui alimentait à la belle époque jusqu’à 120 distilleries.
(Musique)
Edgard Mèmes
Les femmes, les hommes, les gosses venaient aider les parents à remplir la quarte, et alors, c’était une grande manutention. Il fallait par la suite aller porter ça dans les barriques de gemme et c’était du travail. Franchement, c’était du travail !
Journaliste
Travail pénible, c’est ça ?
Edgard Mèmes
Ah, plutôt, oui.
Journaliste
Le musée de la gemme à Luxey est aujourd’hui le seul vestige intact de cette exploitation. L’ancêtre des unités de distillation moderne a fonctionné jusqu’en 1954.
Edgard Mèmes
J’allais chercher les barriques pleines de gemme dans les quais, que j’amenais ici dans les, oui, dans les pins, que j’amenais ici aux barques, à l’usine.
(Musique)
Journaliste
Importée de Chine, de Corée, du Portugal ou d’Espagne, aujourd’hui, la résine ne pleure plus de la Lande mais comme beaucoup d’anciens, André Lacaze n’a jamais voulu s’y résigner.
(Musique)